RDC : à l’épicentre du mpox, les enjeux de la riposte : Actualités
Voyageurs entassés dans des taxis vétustes, camions coincés dans des bourbiers : l’ancienne route nationale 2, à l’est de la République démocratique du Congo, est la seule voie d’accès à Kamituga, la ville où sévit l’épidémie de mpox qui sévit dans le pays.
Alors que ce pays d’Afrique centrale attend le début de la campagne de vaccination, prévue le 2 octobre, la province du Sud-Kivu, épicentre de l’épidémie, contient tant bien que mal la propagation.
Le mauvais état des routes complique la riposte alors que les vaccins doivent être stockés à -20°C.
Kamituga, où l’épidémie est apparue en septembre 2023 selon les autorités sanitaires provinciales, compte environ un millier de cas confirmés et sera l’une des premières localités à recevoir des doses.
La ville minière se trouve à 180 km de Bukavu, capitale du Sud-Kivu, au bout d’une étroite piste qui serpente entre des cols montagneux et de fragiles ponts de métal et de planches jetés sur des rivières gonflées par les pluies.
Les villages environnants sont difficiles d’accès sauf en moto.
« A Kamituga, il y a 25 zones de santé mais nous avons les moyens d’en couvrir seulement cinq », explique à l’AFP le docteur Dally Muamba Kambaji, responsable de l’ONG internationale Alima, mobilisée dans la lutte contre l’épidémie.
– Des populations en mouvement –
Faute de routes praticables, ce sont des motards qui transportent les patients jusqu’à l’hôpital de la ville. En première ligne, ils font partie des personnels prioritaires pour la vaccination, comme les soignants et les travailleuses du sexe.
« Nous sommes les premiers en danger, car nous transportons toutes sortes de clients et nous ne savons pas s’ils sont contaminés », s’inquiète Salumu Hassan, conducteur de deux-roues.
Le centre-ville de Kamituga regorge d’activités du matin au soir et de cas suspects potentiels.
Comme seule protection, Salumu et ses collègues s’habillent « de vestes longues » pour limiter les contacts physiques avec leurs passagers.
Malgré l’apparente indifférence des usagers et des conducteurs de la ville, « nous avons peur », reconnaît Daniel Ngama, un autre motocycliste.
Kamituga compte 280 000 habitants selon les statistiques officielles, mais en réalité il pourrait y en avoir près de 500 000, selon les estimations locales.
L’activité minière attire une population changeante et difficile à contrôler.
« Il y a ceux qui viennent de Bukavu, du Nord-Kivu, même du Burundi pour extraire de l’or ici. Cette population flottante pose beaucoup de problèmes », explique Evariste Mbayu, qui encadre les agents communautaires chargés de détecter les cas dans les villages et quartiers.
Pour ceux qui vont et viennent à Kamituga et échappent à la surveillance, « nous craignons que la vaccination soit difficile », s’inquiète le Dr James Wakilonga Zanguilwa, médecin à l’hôpital local.
– Mesures barrières –
A la tombée de la nuit, les discothèques de Kamituga se remplissent de chercheurs d’or et de « femmes libres », nom modeste donné aux prostituées.
« Les mineurs viennent le soir, vendent leur or, vont voir les prostituées et repartent le lendemain. Nous n’avons pas le temps de les éduquer», déplore le docteur Dally Muamba Kambaji.
Les travailleuses du sexe ont été les premières à propager le virus dans la ville, selon les médecins.
« Nous n’avons aucun moyen de nous protéger. Si tu couches avec quelqu’un qui va t’embrasser et se déshabiller, c’est difficile de respecter les mesures barrières », résume Nicole Mubukwa, une prostituée à Kamituga.
« Depuis que nous sommes touchés par l’épidémie, nous sommes prudents. On demande à nos clients de se déshabiller, et s’ils présentent des signes de mpox, on leur dit de partir », assure ce trentenaire qui espère pouvoir vacciner rapidement.
Le pic de l’épidémie a dépassé Kamituga et le virus s’est propagé jusqu’aux rives du lac Kivu et du lac Tanganyika.
Les autorités provinciales se veulent rassurantes : « Nous sommes dans une phase très encourageante où la maladie se stabilise », assure Jean-Jacques Purusi, gouverneur du Sud-Kivu.
« Nous disposons déjà d’un véhicule doté d’une chambre froide pour le stockage et la livraison des vaccins », précise le Dr Claude Bahizire, responsable de la communication à la division provinciale de santé du Sud-Kivu.
La confiance dans les vaccins a chuté au Sud-Kivu depuis la pandémie de Covid-19, selon une étude publiée dans la revue Human Vaccines & Immunotherapeutic en 2023.
Mais les témoins interrogés par l’AFP à Kamituga se sont tous dit prêts à se faire vacciner.