Raphaël Glucksmann appelle la gauche à « négocier des compromis » et à s’émanciper de Mélenchon
Raphaël Glucksmann fait son grand retour politique et affiche ses ambitions pour l’avenir. Après des élections européennes synonymes de succès pour le cofondateur de Place Publique – sa liste, soutenue par le Parti socialiste, obtient 13,8% et remporte le match à gauche -, il est rattrapé par la dissolution de l’Assemblée nationale et voit l’histoire s’écrire sans lui : la création du Nouveau Front populaire (NFP) pour permettre à la gauche d’afficher des candidats uniques aux législatives. L’objectif est atteint, mais le NFP peine à convertir l’essai. Il peut certes afficher le plus grand nombre de députés à l’Assemblée nationale (193), mais se trouve loin de pouvoir gouverner.
Raphaël Glucksmann porte aujourd’hui un regard sévère sur le NFP, qu’il considère comme un « barrage » dont le seul but, atteint, était d’empêcher le Rassemblement national (RN) d’arriver au pouvoir. « Il fallait construire d’urgence un barrage électoral, hiérarchiser les dangers, tout faire pour empêcher Marine Le Pen et Jordan Bardella de prendre le pouvoir. Je n’ai jamais cru au lissage magique des divergences extrêmement profondes que nous avons avec LFI, et j’ai dit dès le départ qu’il s’agissait à mes yeux d’une question d’unité d’action électorale face à l’extrême droite. Point final », a-t-il déclaré dans un long entretien au « Point » publié ce mardi.
Contrairement aux autres forces du PFN, il appelle à « négocier des compromis » pour gouverner. « Si l’on veut une augmentation du Smic et des salaires, un impôt sur la fortune climatique, le renforcement des services publics dans les zones rurales ou une grande politique de réindustrialisation, cela nécessite des discussions approfondies avec les autres forces politiques », affirme-t-il. Bref, Raphaël Glucksmann veut transposer à la France ce qui se passe au Parlement européen. Un véritable pari tant les pratiques françaises en sont éloignées, mais un impératif selon lui vu le blocage de la situation.
Tourner la page de Jean-Luc Mélenchon à gauche
Le NFP peine à convaincre que sa représentante, Lucie Castets, doit être nommée à Matignon. La volonté de la France Insoumise (LFI) de lancer une procédure de destitution contre Emmanuel Macron s’il ne choisit pas cette option a d’ailleurs eu les résultats escomptés par son initiatrice : elle a réveillé les divisions et les tensions à gauche, ce qui confirme le constat fait par Raphaël Glucksmann. Le cofondateur de Place Publique estime que la gauche doit désormais tourner la page de Jean-Luc Mélenchon. Une invitation qui vise directement ses camarades socialistes, Olivier Faure, le premier secrétaire du PS, en tête.
« Jean-Luc Mélenchon a un objectif : être candidat à la présidentielle, le plus tôt possible, quitte à ouvrir la voie à l’extrême droite. Mais il ne sert à rien de s’indigner matin, midi et soir de ce qu’il fait ou dit : il suit sa ligne, sert ses intérêts, nourrit ses ambitions. Ce qui est plus problématique, c’est la propension des autres dirigeants de gauche à servir aussi ses intérêts et ses ambitions, à s’aligner sur sa stratégie ou à vivre dans la crainte de ses admonestations. C’est cette faiblesse qui est le problème », ajoute-t-il.
Voulant surtout surfer sur son succès aux élections européennes, le leader de Place Publique confirme, comme il l’avait fait dans une interview au « Nouvel Obs » en juillet, qu’il travaille à la création d’un grand pôle social-démocrate dans la perspective, sans l’afficher, de la présidentielle de 2027. « Ma responsabilité est d’abord de construire une force sociale-démocrate intellectuellement dominante, avec un projet crédible de transformation de la société, une force implantée sur l’ensemble du territoire, qui soit capable de battre l’extrême droite aux prochaines élections nationales », ajoute-t-il dans l’hebdomadaire. Selon « Le Point », Raphaël Glucksmann participera à l’université d’été du PS fin août à Blois, et réunira son parti quelques semaines plus tard en Gironde. Ses ambitions se heurteront à la direction actuelle du PS, mais ce sera un passage obligé s’il veut parvenir à ses fins.
