Le fabuleux destin de Rafael Nadal, roi incontesté de la Porte d’Auteuil depuis près de deux décennies, autrefois quatorze fois vainqueur des Internationaux de France, à Roland-Garros, a donc sans doute pris fin en ce lundi brûlant. Le Majorquin, trop diminué, à des années-lumière de sa gloire d’antan, a rendu les armes face à Novak Djokovic au deuxième tour du tournoi olympique. Un score cruel (6-1, 6-4) pour un match à sens unique malgré un redoutable baroud d’honneur de l’Espagnol dans le deuxième set. Mais il y avait trop peu de carburant dans le moteur de ce Nadal crépusculaire pour espérer mieux. Techniquement, le public pourra encore admirer une dernière fois son chouchou, qui dispute le double avec son compatriote Carlos Alcaraz d’ici dimanche. Mais, c’est sans doute la dernière fois que l’on verra en simple, celui qui, jusqu’à cette année, avait remporté 97,5% de ses matchs disputés sur l’ocre parisien (113 sur 116).
C’est peu dire que cette affiche royale était méga-attendue. Car, Nadal-Djokovic, c’est le classique absolu du tennis. Une rivalité qui dure depuis dix-huit ans avec une première, en 2006, à… Roland Garros déjà. Les deux monstres s’affrontaient Porte d’Auteuil pour la 60et fois dans leur carrière (désormais 31 victoires pour Djokovic, 29 pour Nadal). On aurait tous préféré les voir en finale, pour départager l’or et l’argent olympiques. Mais le vilain tirage au sort a choisi de les réunir sur le Court Central d’un Grand Chelem lors de l’événement sportif le plus suivi au monde.
Un match entre le recordman de titres Majeurs (24 pour Djokovic) et le grand mamamouchi de Roland-Garros (14 titres pour Nadal). Plein à craquer à midi, pour le match apéro entre la Française Diane Parry et la numéro un mondiale polonaise, Iga Swiatek, le stade est entré en transe lorsque les deux légendes vivantes sont entrées dans le Chatrier à l’heure de l’after-coffee et de la sieste. Cette fois, pas un trou dans les loges, pas un seul VIP préférant déguster sa Pavlova en loge lors de ce festin royal du tennis.
Le match entre le Serbe, récent finaliste de Wimbledon, qui s’est montré rapide au premier tour, et l’Espagnol, actuellement classé 161et mondial pour une période incertaine après une gêne à la cuisse, correspondait malheureusement au scénario attendu. Emprunté sur le plan physique, peu saignant, Rafa n’a pas existé face à son grand rival, en mission pour remporter le seul titre majeur qui échappe à son extraordinaire palmarès. Le public, ébahi et prêt à s’enthousiasmer à la moindre barre transversale réussie par le Majorquin, n’a eu que très peu d’occasions de se réjouir. Son coup droit dévastateur n’existait pas ou très peu.
Nadal reste Nadal, un combattant extraordinaire, au regard déterminé, convaincu qu’il peut gagner le combat, même lorsque les coups de feu d’antan se transforment en flèches qui effleurent à peine le rival. Mais le maître d’école, Celui qui dicte le tempo, mène l’échange, distribue les contres le long de la ligne, c’est Novad Djokovic. Même sur les longs échanges, marque de fabrique de Nadal où, au zénith, il poignarde toujours son adversaire, tournent en faveur de « Djoko ». Magnanime, le Serbe, peu réputé pour son fair-play, cède même des points (une balle de 4-0 jugée faute par les arbitres au premier set) et salue d’un pouce levé chaque, rare, éclair d’éclat de l’Espagnol. Mais face à ce Nadal, sans jus, sans génie, vidé de toute substance, Djokovic n’a pas eu à puiser grand-chose dans ses réserves.
L’Espagnol, déjà une statue de son vivant Porte d’Auteuil, qui n’a quasiment pas joué depuis 18 mois (4 matches en 2023, 17 cette année) s’est certes battu, avec ses maigres armes et a fait vibrer ses fans en revenant de 0-4 à 4-4 au deuxième set. En vain. Pour son dernier Roland-Garros, au printemps dernier (défaite face à Zverev au premier tour), Rafael Nadal avait déclaré : « Si c’était la dernière fois, j’aurais adoré cette fin, C’était tellement spécial de sentir l’amour des gens » Espérons maintenant que son physique tiendra le coup et qu’il saura s’offrir, avec Carlos Alcaraz, en double, une dernière épopée sur terre battue digne de sa légende.