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Radiodiffusion publique : le personnel se rebelle contre l’extrême droite

Le RN veut privatiser une partie de l’audiovisuel public. Et pour beaucoup de personnels, la pilule ne fonctionne pas. A l’image de deux journalistes, l’un de France 3 Alpes, l’autre de France Bleu Picardie, qui ont affronté mardi 18 juin les candidats des partis d’extrême droite aux élections législatives du 30 juin et du 7 juillet prochains.

Alexis Jolly, député RN sortant de la 6e circonscription de l’Isère et conseiller général de Rhône-Alpes, a voulu jouer malin avec l’équipe de France 3-Alpes. Lorsque Jordan Guéant, le journaliste, lui a demandé les raisons de cette volonté de privatisation, le candidat a répondu : « J’espère que vous pourrez retrouver de bonnes conditions de travail. Et j’en suis sûr, ne vous inquiétez pas, nous prendrons soin de vous. ». Ce qui peut aussi ressembler à une menace, d’ailleurs. Jordan Guéant a bondi de son siège : « Je suis désolé, Alexis Jolly, tu vas me forcer à sortir de ma réserve »même « de mon rôle de journaliste »il a prévenu. « J’ai un peu l’impression que tu craches dans la soupe que tu bois. »» dit le journaliste, sans cacher son agacement. « C’est justement ce service public audiovisuel qui vous donne la parole aujourd’hui. Il donne vie à cette campagne électorale comme aucun autre média. C’est l’audiovisuel public qui permet de s’adresser à ses électeurs et peut-être de se faire réélire.», il a continué. Le député RN a voulu jouer à la flatterie en disant : « Vous êtes un excellent journaliste, vous faites un excellent travail ». Jordan Guéant a balayé la flatterie : « Ce n’est pas la question (…) Vous qui dites vouloir défendre les gens qui n’ont pas ou peu de patrimoine, il faut quand même savoir que le service public en général, c’est le patrimoine de ceux qui n’en ont pas ».citant au passage Jean Jaurès.

« Que deviendraient les médias publics sous un gouvernement d’extrême droite ? »

Sur France Bleu Picardie, la journaliste Céline Autin s’est retrouvée face au candidat RN pour la 6e circonscription de la Somme, Damien Toumi. « À qui souhaitez-vous vendre France Bleu Picardie dans les trois prochaines années ? » a-t-elle demandé à son interlocuteur. Toumi a répondu que le RN « veut garder France Bleu Picardie, c’est bien »et détaille la proposition du RN : garder RFI, France 24, Arte et le réseau France Bleu, et jeter tout le reste. « Que deviendraient les médias publics sous un gouvernement d’extrême droite ? » a insisté le journaliste. « Donc, ce ne serait pas un gouvernement d’extrême droite, ce serait un gouvernement de droite, d’union nationale », a répondu Damien Toumi. Il réfute d’emblée l’étiquette d’extrême droite. Elle le fit taire avec une formule simple : « C’est le Conseil d’Etat qui a décidé. »

Une rédaction au plus près des régions

Ce n’est sans doute pas un hasard si ces deux rédactions, France 3 et France Bleu, réagissent avec autant de force : elles sont toutes deux au plus près des populations et des territoires. Et subissent de plein fouet les restrictions budgétaires de l’audiovisuel public depuis près de 15 ans.

Les autres personnels ne sont pas en reste. Ce mercredi 19 juin, un appel a été lancé. Elle est issue de 42 associations professionnelles et syndicats du secteur audiovisuel et comprend des techniciens, des acteurs, des scénaristes, ainsi que des réalisateurs et producteurs travaillant pour l’audiovisuel public. Dans leur chronique, ils rappellent que la volonté du RN de privatiser l’audiovisuel public pour économiser 3 milliards d’euros, selon Jordan Bardella, est dangereuse, en premier lieu pour l’emploi : « Ce type de décision peut détruire directement des centaines de milliers d’emplois et tout un secteur de l’économie. La télévision et la radio publiques sont, entre autres, les principaux partenaires d’un secteur qui compte plus de 300 000 salariés, devant le secteur de l’agriculture et de la pêche (273 000 salariés) et l’industrie pharmaceutique (100 000 salariés). »

Des missions cruciales de service public

Ils rappellent ensuite les missions cruciales du service public, en termes culturels : « Comme l’éducation nationale, la santé ou la police, c’est un service public qui joue un rôle essentiel. Elle fournit une information indépendante et n’est soumise à aucune pression politique et commerciale, garantissant un pluralisme de points de vue. Il offre un accès gratuit et universel à l’information, au cinéma, au spectacle vivant et aux grands événements sportifs, réduisant les inégalités sociales et permettant à chaque citoyen de participer pleinement au débat et à la vie démocratique. Elle remplit une mission éducative et culturelle cruciale, y compris dans ses programmes de divertissement et pour enfants, diffusés sans publicité. Il renforce la cohésion sociale du pays et contribue au rayonnement de la culture française. » Enfin, ils notent que le service public garantit à tous « des informations et des programmes de proximité, dans toutes les régions, sur tout le territoire métropolitain et outre-mer. Ils sont régis par des normes éthiques strictes, garantissant la confiance du public.

En alertant sur les dangers qu’une telle privatisation ferait peser sur la démocratie, ces acteurs de l’audiovisuel public pointent une évidence : « aucun pays européen ne s’est risqué à privatiser la radiodiffusion publique ».


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William Dupuy

Independent political analyst working in this field for 14 years, I analyze political events from a different angle.
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