Les Houthis, alliés de l’Iran et soutiens officiels de la cause palestinienne, ont revendiqué l’attentat survenu hier soir à Tel-Aviv (Israël).
Les Houthis du Yémen ont revendiqué vendredi la responsabilité de l’attaque de Tel-Aviv, affirmant avoir mené l’attaque à l’aide d’un drone, les autorités israéliennes faisant état d’un mort. « La force aérienne de drones au sein des forces armées yéménites (…) a mené une opération militaire qualitative, visant l’une des cibles importantes de la zone occupée de Jaffa, connue en Israël sous le nom de Tel-Aviv », a déclaré le porte-parole militaire des rebelles yéménites, Yahya Saree, dans un communiqué.
En janvier dernier, le Royaume-Uni et les Etats-Unis ont mené 73 frappes contre des rebelles au Yémen, faisant cinq morts et six blessés, selon le porte-parole des Houthis. Il s’agissait d’une réponse aux 27 attaques menées par le groupe rebelle depuis le 19 novembre, date à laquelle les Houthis ont décidé de s’engager formellement en opposition à la réponse israélienne sur Gaza. Dans le détroit de Bab el-Mandeb, situé entre le golfe d’Aden et la mer Rouge, la vigilance n’a jamais été aussi élevée. Le chef des Houthis et ses alliés ont également menacé de représailles.
Tirant leur nom du clan familial des Houthis, les Houthis sont un mouvement politico-militaire qui s’est développé dans les années 1990 dans le nord du Yémen, dans la province de Saada, frontalière de l’Arabie saoudite. Contrairement aux deux tiers de la population yéménite qui sont sunnites, les Houthis se revendiquent zaïdites, une branche minoritaire de l’islam chiite principalement implantée dans le pays.
Les États-Unis et Israël, ennemis idéologiques
Le groupe est issu du « Forum des jeunes croyants », une organisation religieuse et culturelle fondée en 1992 par Hussein al-Houthi, qui s’est rapidement donné pour objectif d’apporter une réponse à la propagation au Yémen de mouvements sunnites rigoristes, comme le wahhabisme ou le salafisme, financés par l’Arabie saoudite. Au début des années 2000, le mouvement est même progressivement apparu comme la seule force capable de remettre en cause la politique du régime en place.
Les Houthis sont particulièrement critiques à l’égard de l’alliance entre les États-Unis et le Yémen dans la lutte contre le terrorisme. Ils fustigent l’impérialisme américain et Israël, qu’ils considèrent comme des menaces à la souveraineté du pays. Les slogans brandis par leurs partisans en témoignent : « Dieu est grand. Mort à l’Amérique, mort à Israël, malédiction aux Juifs, victoire de l’islam. » Cet affrontement entre forces gouvernementales et insurgés houthis a débouché, à partir de 2004, sur un long conflit armé, appelé « guerre de Saada », au cours duquel Hussein al-Houthi a été tué. Sa mort a contribué à radicaliser le mouvement.
Ces griefs, combinés à des rivalités claniques complexes, ont conduit les Houthis à s’opposer de plus en plus au pouvoir central. À travers les conflits armés contre le régime au début des années 2000, le soulèvement populaire de 2011 et la guerre civile qui a débuté en 2014 à la suite d’un coup d’État, les rebelles se sont progressivement imposés comme les nouveaux maîtres du Yémen. Par ailleurs, le coup d’État a précipité l’internationalisation de la guerre civile. L’Arabie saoudite, où s’était réfugié le président déchu, a ainsi pris la tête d’une coalition militaire régionale en 2015 et s’est engagée à rétablir le gouvernement internationalement reconnu.
400 000 victimes selon l’ONU
Mais le conflit s’éternise et la menace jihadiste se précise. Malgré les lourds moyens déployés, l’Arabie saoudite n’est pas parvenue à modifier le rapport de force avec les Houthis et reconnaît l’échec de sa coalition. Cherchant désormais à s’extirper de ce bourbier, Riyad ouvre la voie en avril 2023 à des négociations de paix avec les rebelles. Le bilan du conflit est toutefois très lourd : selon l’ONU, cette guerre a fait 400 000 victimes, dont des civils. Le pays connaît actuellement « la crise humanitaire la plus grave au monde », selon l’Unicef.
Aujourd’hui, les Houthis contrôlent environ 30% du territoire : une grande partie dans le nord et l’ouest du pays, le port de Hodeidah sur la mer Rouge et surtout la capitale, Sanaa, conquise à la suite du coup d’État de 2014. Au total, les Houthis exercent leur autorité sur près des deux tiers de la population.
Les Houthis intensifient leurs attaques en mer Rouge
Désormais, le groupe armé, qui a acquis son arsenal militaire avec l’aide de l’Iran et fait de la lutte contre Israël un marqueur idéologique, intensifie son action en mer Rouge. Membre autoproclamé de l' »axe de résistance », qui désigne les groupes armés ennemis d’Israël et alliés de l’Iran, les Houthis ont réitéré leur menace et prévenu que « les navires appartenant ou traitant avec l’ennemi israélien deviendront une cible légitime ». Les rebelles ont ainsi fait savoir qu’ils poursuivraient leurs opérations militaires « jusqu’à ce que cesse l’agression israélienne contre le peuple palestinien à Gaza et en Cisjordanie ».
Le 31 décembre, pour la première fois, des rebelles houthis ont attaqué des hélicoptères américains venus défendre un navire marchand, alors que celui-ci était menacé par quatre vedettes rapides de la force yéménite. Trois bateaux houthis ont été coulés et dix soldats rebelles yéménites ont été tués dans cette opération. Il s’agit des premiers décès depuis le début de cette série d’attaques, destinées à paralyser une partie du transit maritime mondial.
Face à cet embrasement, les Etats-Unis ont annoncé en décembre la création d’une coalition destinée à sécuriser ce passage de la mer Rouge. L’opération « Guardian of Prosperity » regroupe désormais une vingtaine de pays comme la Grèce, le Danemark ou encore l’Inde. Les Britanniques, fidèles alliés des Etats-Unis, ont même haussé le ton et envisagé de prendre des « mesures directes » et de ne plus se limiter à abattre des drones yéménites. Cette opération est d’ailleurs jugée « vitale » pour les Etats-Unis, car entre 10 et 15 % du commerce mondial transite par la mer Rouge, avec des marchandises destinées aux pays occidentaux.
Une situation qui s’aggrave
Mais cette réponse ferme contribue à militariser une zone déjà bien pourvue en navires de guerre, et ne décourage pas les intentions guerrières des combattants houthis. La situation se dirige même vers l’ouverture d’un nouveau front contre une force spécialisée dans ce type de guerre.
En effet, entre-temps, les Iraniens, principaux soutiens des rebelles houthis, viennent d’annoncer le positionnement d’un de leurs navires dans cette zone. Bref, toutes les composantes d’une escalade militaire sont désormais réunies en mer Rouge. Ce qui explique peut-être pourquoi certains États comme la France, l’Italie et l’Espagne ont préféré, ces derniers jours, prendre leurs distances avec les « Gardiens de la prospérité ».