qui sont les « combattants » qui s’en prennent aux personnalités congolaises de passage à Paris ?

Le président du Conseil congolais de l’audiovisuel et de la communication a été violemment agressé près de Paris samedi 1er avril. Selon le régulateur de l’audiovisuel de la République démocratique du Congo, l’attaque a été menée par une poignée de « combattants », membres d’un groupe de militants congolais violents. qui sévissent dans plusieurs capitales européennes. Qui sont-ils ? Quelles sont leurs revendications et leurs modes d’action ? Quelques éléments d’explication.
Les images filmées à la hâte ne laissent aucun doute sur le contenu de l’attentat. Christian Bosembe, président du Conseil supérieur congolais de l’audiovisuel et de la communication (CSAC), en visite en France le 1er avril, est la dernière victime en date des « combattants », un groupe d’activistes violents de la diaspora congolaise. . Dans une vidéo d’à peine deux minutes, diffusée sur les réseaux sociaux, on peut voir le patron de l’organisme de régulation rentrer dans son hôtel d’Argenteuil, près de Paris, accompagné d’un conseiller. En lingala, un petit groupe d’hommes l’insulte et le traite de « collaborateur ». Puis, très vite, le patron congolais a été violemment entraîné dans un immeuble avant d’être renversé et battu.
🔴🇫🇷🇨🇩Paris : Christian Bosembe, Président du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel et de la Communication (@csac_rdc ), de la République démocratique du Congo a été violemment agressé samedi par des individus identifiés comme membres du mouvement des « combattants congolais ».… pic.twitter.com/dmBM1eEUQ6
— LSI AFRIQUE (@lsiafrica) 2 avril 2023
Le court métrage, véritable trophée de guerre des militants, est la marque de fabrique du groupe. Elle circule depuis sur les réseaux sociaux, suscitant quelques encouragements de sympathisants de la cause et beaucoup d’indignation. L’attaque a été fermement condamnée par le ministre congolais de la Communication et des Médias, Patrick Muyaya et par le CSAC.
L’organisation congolaise a immédiatement fait savoir qu’elle réclamait une enquête à la France : « Qu’un président d’une institution soutenant la démocratie a été brutalement et lâchement attaqué, sans qu’aucune intervention ne soit effectuée, puis que le président Christian Bosembe est en mission officielle, en concertation avec les autorités françaises. C’est très choquant. Il a même été asphyxié. Il s’agissait d’une tentative d’assassinat sur un responsable de la RDC. […] Le CSAC demande aux autorités françaises des éclaircissements, des enquêtes, pour arrêter, juger et condamner les auteurs de ces crimes. Condamnation jusqu’à la répression de ces professionnels du chaos qu’abrite la France pour qu’eux aussi puissent venir subir la rigueur de la loi, ici en RDC.
Rwanda en vue
Les « auteurs de ces crimes » se présentent comme des « combattants », un mouvement composé de militants radicalisés né au Royaume-Uni en 2006 et qui s’est répandu en France à partir de 2009. On le retrouve aussi en Belgique et dans d’autres pays d’Europe occidentale, partout où le La diaspora congolaise s’est installée. En France, le nombre de ces « combattants » est estimé à une centaine.
Ces militants sont de farouches opposants au régime de l’ancien président Joseph Kabila. Si certains soutiennent l’opposant Martin Fayulu, d’autres estiment que l’élection de Félix Tshisekedi n’a rien changé aux maux dont souffre la RDC. Le militant le plus virulent pour une nouvelle république. « Ce sont désormais majoritairement des combattants de deuxième génération qui, pour beaucoup, ne sont pas toujours familiers avec les méandres de la politique de leur pays d’origine », explique Colette Braeckman, journaliste belge spécialiste de la RDC. « Ils ont souvent des petits boulots ou se retrouvent au chômage. Des situations précaires qui contribuent à alimenter leur ressentiment. Mais à l’origine, ils sont surtout très contrariés par l’attitude du Rwanda qui attaque et pille la RDC via la rébellion du M23 au Kivu. »
Le Conseil de sécurité de l’ONU assure également que le Rwanda soutient le mouvement M23. L’organisation onusienne a même condamné les incursions de l’armée régulière rwandaise en RDC. Au Nord-Kivu notamment, les affrontements entre le M23 et les FARDC ont contraint 900 000 personnes à se déplacer. Les besoins humanitaires, déjà immenses dans le pays, sont toujours plus grands. La crise humanitaire y demeure l’une des plus négligées au monde, condamnant les populations déplacées à vivre dans des conditions d’extrême précarité.
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« Les combattants » se nourrissent de cette injustice et de l’indifférence générale de l’Occident pour faire grandir leur cause », poursuit Colette Braeckman. « D’une certaine manière, le combat est juste mais rien ne justifie leurs méthodes ».
Méthodes terroristes
Pour se faire entendre, les « combattants » recourent à la violence ; leurs coups de poing sont dignes de méthodes terroristes. Elles sont dirigées contre des hommes politiques ou des artistes proches, selon eux, de Joseph Kabila. La liste des victimes est longue. Parmi eux, l’ancien président du Sénat Léon Kengo wa Dondo. Cet ancien cacique qui travaillait en politique sous le règne de Mobutu, a été piétiné, tabassé à coups de dents, le 31 décembre 2011 à la gare du Nord à Paris. Il y a aussi la sénatrice She Okitundu attaquée à Londres en octobre 2006 ou le général Didier Etumba à Paris en juin 2011.
Mais le coup d’éclat des « combattants » reste l’attaque au ketchup de l’ambassadeur de la RDC à Paris. En avril 2015, un groupe de cinq personnes a réussi à s’introduire dans l’ambassade pour arroser l’ambassadeur de sauce rouge symbolisant le sang des victimes congolaises. A cette époque, un charnier de 400 corps avait été retrouvé près de Kinshasa. Autre fait marquant du mouvement : l’annulation du concert du chanteur congolais Héritier Watanabé, le 15 juillet 2017, à l’Olympia de Paris.
Activisme tous azimuts
En ce qui concerne les artistes, le message véhiculé par ces militants est double. C’est d’abord s’en prendre aux musiciens et chanteurs qu’ils accusent de servir le pouvoir. L’autre motivation est de s’opposer à toutes les manifestations festives sous prétexte que les Congolais ne doivent pas se laisser « distraire » quand d’autres meurent victimes du terrorisme ou de la répression.
« Des revendications insensées, surtout de la part de personnes qui habitent à plus de 8 000 kilomètres de la réalité », s’insurge un journaliste resté volontairement anonyme. « Comment pourraient-ils faire semblant de sermonner tout le monde alors qu’eux-mêmes font la fête chez eux et ne se soucient que de ‘leurs frères de l’Est’ quand un artiste veut se produire en Europe ? Pourquoi seulement les artistes résidant dans le pays et pas les autres ? Maître Gims est Congolais, pourtant personne n’a osé saboter ses concerts. Autant de questions qui faussent le « combat » de ces pseudo-combattants. Pire, les hommes politiques congolais, qui auraient pu être visés, ne sont nullement inquiétés lors de leurs séjours en Europe. »
Leurs coups de poing dérangent également le monde du sport. Au Royaume-Uni, l’équipe d’Arsenal, dont le président rwandais est l’un des parrains, est régulièrement prise à partie par les « combattants ». La publicité touristique « visitez le Rwanda » flanquée sur l’épaule des joueurs de l’équipe de Londres est vécue par les « combattants » d’outre-Manche comme une ultime provocation. C’est pourquoi les militants arborent des maillots rouge sang détournés près des stades pour dénoncer les violences rwandaises.
Influence russe
Les actions sont multiples car les membres ne sont pas alignés sur les mêmes revendications. « Il y a parmi ces opposants congolais du Kansai, haïssant Kabila qu’ils voient comme une marionnette du Rwanda », poursuit Colette Braeckman. « Cette diaspora kasaïenne ne critique pas l’actuel président Tshisekedi – car lui-même vient du Kasaï – mais s’interroge sur l’ingérence rwandaise. De l’autre côté, il y a des Congolais de la province de l’Equateur, à l’ouest du pays, qui vivent dans la nostalgie pour le grand Zaïre du temps de Mobutu. Ce sont de toutes les manifestations avec des drapeaux zaïrois et veulent faire table rase du pouvoir actuel ».
Personne ne connaît l’avenir de ce mouvement. Une chose est sûre, le chercheur belge estime que ses membres se sont progressivement radicalisés. « Leur discours est de plus en plus teinté d’un ton anti-occidental. Cela est certainement dû à leur situation précaire en Occident et à l’indifférence de l’Europe face aux violences commises en RDC. Mais la propagande russe, via les réseaux sociaux, y est pour beaucoup. Moscou profite de la somme de ce ressentiment pour attiser la haine de l’Occident.