Architecte de l’Accord de Paris, cette figure de la diplomatie climatique a su réunir le monde autour de la table en 2015. Elle pourrait toutefois être à l’origine d’une rupture au sein du NFP, toujours à la recherche d’un nom pour Matignon.
Tubiana ou pas Tubiana, telle est la question qui divise le Nouveau Front Populaire (NFP). Après le refus du Parti Socialiste d’approuver le projet de loiLa conseillère régionale de La Réunion, Huguette Bello, candidate de l’alliance de la gauche au poste de Premier ministre, la contre-proposition du PS (soutenue par les écologistes et les communistes) relance le bras de fer, mardi 16 juillet, au sein de la fragile coalition. Economiste et diplomate, issue de la société civile, présidant la Fondation européenne pour le climat depuis 2017, Laurence Tubiana, 73 ans, ne convainc pas la quatrième composante du PFN, La France insoumise.
Manuel Bompard, coordinateur de LFI, interrogé sur le plateau de « 4 Vérités » sur France2, juge cette proposition « pas sérieux »parce qu’elle revient a FAIRE « faire revenir les macronistes par la fenêtre ». Comme preuve: une chronique publiée le 11 juillet dans Le monde etsigné par Laurence Tubiana, appelant le Nouveau Front Populaire à « tendre la main aux autres acteurs du front républicain ».
Absence de majorité dans l’hémicycle, le programme porté par le NFP aux élections législatives doit être « Lle point de départ » discussions, mais « ne sera pas le point final dans tous les domaines », notez ses auteurs. Compromis avec la Macronie ? Réflexe de diplomate ? Parmi ceux qui ont travaillé à ses côtés au cours d’une longue carrière au service de la cause climatique, nombreux sont ceux qui la voient capacité de dialoguer comme un atout.
Dans une interview avec Monde En 2020, Laurence Tubiana se définissait volontiers comme « une femme de gauche et une écologiste ». Mais ce sont les socialistes qui ont été les premiers à solliciter l’expertise de cet économiste de formation, spécialiste des questions climatiques et de la gouvernance mondiale.u tournant Au siècle dernier, l’universitaire devient ainsi la conseillère en développement durable du Premier ministre socialiste Lionel Jospin. A l’heure où les dirigeants découvrent le potentiel destructeur d’une crise climatique, elle alerte sur les aspects sociaux des enjeux environnementaux. Laurence Tubiana est « parmi les premiers peuples » à transmettre à Dominique Voynet « la conviction que la question climatique sera un bouleversement économique », L’ancien ministre de l’Environnement de Lionel Jospin a déclaré à franceinfo l’année dernière.
Auteure en 2000 d’un rapport sur le développement durable dans la politique étrangère de la France pour le compte de Matignon, elle a ensuite appelé la France à « défini(r) une politique nationale à long terme cohérente avec les objectifs de développement durable »posant les bases d’un Institut du développement durable et des relations internationales, l’Iddri, qu’elle a fondé en 2001. Son successeur à la tête de cette structure, Sébastien Treyer, aujourd’hui, revendique une « défenseur infatigable d’une plus grande ambition en matière sociale, face aux multiples fractures qui traversent notre société. »
Friederike Roder, vice-présidente de l’organisation internationale de lutte contre la pauvreté Global Citizen, souligne « efforts récents » par Laurence Tubiana « réformer la fiscalité internationale et introduire des taxes sur les ultra-riches et les secteurs les plus polluants. » Mesures incluses dans le programme PFN.
Pour Sébastien Treyer, « Laurence Tubiana est reconnue pour sa capacité à écouter chacun »au point « trouver des solutions à des blocages qui semblaient insolubles. » Pour ceux qui ont travaillé avec elle, rien n’illustre mieux cette compétence que le résultat de la COP21, la conférence de l’ONU sur le climat qui s’est tenue à Paris en 2015. Dans le documentaire produit par le ministère des Affaires étrangères sur les coulisses de l’accord de Paris, Laurent Fabius revient sur l’atout que représentait Laurence Tubiana à la tête de la délégation hôte : « Parce qu’elle sait bien écouter, parce qu’elle sait prendre en compte le point de vue de l’autre, Elle sait convaincre et c’est une grande qualité. »
Renommé depuis « architecte de l’Accord de Paris »Laurence Tubiana est assise à droite du ministre lorsqu’il annonce la signature de cet accord qui, en engageant 160 pays sur des objectifs différenciés de réduction des émissions de gaz à effet de serre, a relancé la diplomatie climatique. « Laurence a la capacité de réunir des gens qui ne sont pas forcément là pour parler d’un sujet très complexe », soutient Benoît Leguet, directeur général de l’Institut d’économie du climat (I4CE) et collègue de Laurence Tubiana au sein du Haut Conseil pour le Climat (HCE).
Membre de cette instance depuis sa création par Emmanuel Macron en 2019, la négociatrice défend régulièrement son indépendance. Elle dénonce également auprès de la Monde LE « Un gouffre abyssal entre les paroles et les actes » de l’exécutif. Ceci « incohérence »qu’elle juge « intolérable », convainc même le diplomate de la puissance supérieure du « mobilisations citoyennes » sur « un casting gouvernemental », elle explique.
C’est dans ce contexte qu’elle accepte coprésider le comité d’organisation de la Convention citoyenne pour le climat (CCC). L’initiative, convoquée par Emmanuel Macron, est née dans le sillage de la crise des « gilets jaunes ». Elle réunit 150 citoyens, appelés à débattre pendant un an, en vue de soumettre au président une série de mesures qui réconcilient, selon la formule établie, les populations et les sociétés.« fin du monde et fin du mois ». Quand la militante écologiste Mathilde Imer lui demande, Laurence Tubiana accepte « de participer immédiatement à cette aventure de démocratie participative »explique cette voix du monde associatif. « Parce que pour elle, écologie et démocratie vont de pair, surtout si l’on veut une écologie socialement juste ».
« Elle était tellement heureuse qu’il y ait un CCC qu’elle a remercié Macron, mais cela ne veut pas dire qu’elle est soumise au président », ajoute Claire Burlet, membre de la convention et conseillère municipale à Cambrai (Nord), qui se positionne sur l’aile gauche de Renaissance. Pour elle, Laurence Tubiana « « Elle reste quelqu’un qui est fondamentalement socialiste. » « Pendant le CCC, elle était entourée de gens de tous bords, mais toujours à la bonne place, c’est quelqu’un qui sait faire l’exercice », poursuit l’élu.
En voulant un négociateur comme Premier ministre, le PS, les écologistes et les communistes reconnaissent-ils implicitement leur renoncement à un gouvernement de gauche ? La survie du mouvement dépend de cette question urgente : un horizon encore plus proche que celui de la fin du monde et de la fin du mois. Cette fois, il s’agit de parvenir à un accord d’ici la fin de la semaine.