Les rumeurs les plus folles la disaient emprisonnée, séquestrée, voire assassinée. Cinq ans après sa dernière apparition publique, la mystérieuse princesse Lalla Salma, l’ex-épouse du roi du Maroc Mohammed VI, a finalement été aperçue début juillet sur l’île grecque de Mykonos. Des vidéos publiées par la presse locale montrent la femme à l’abondante chevelure rousse accompagnée de ses deux enfants – le prince héritier Moulay el-Hassan (21 ans) et la princesse Lalla Khadija (17 ans) – déambulant en tenue décontractée dans la station balnéaire.
Les trois membres de la famille royale se sont rendus en Grèce à bord d’un avion de ligne, accompagnés d’une impressionnante escorte : pas moins de 70 personnes (personnel de sécurité, majordomes, cuisiniers…), selon les médias grecs. Une dizaine de véhicules de luxe auraient été nécessaires pour transporter leurs bagages jusqu’à leur résidence, où ils passeront une partie de leurs vacances.
Admiré par les Marocains
Ces dernières années, Lalla Salma avait quasiment disparu des radars. Les dernières photos d’elle remontaient à 2019, alors qu’elle faisait du shopping dans les rues de Manhattan. La princesse n’avait alors donné aucun signe de vie pendant deux longues années, à l’exception d’une visite inopinée dans un service d’oncologie d’un hôpital marocain, en tant que présidente d’une fondation pour la prévention et le traitement du cancer. À 46 ans, la Marocaine a pourtant longtemps été au premier plan de la scène médiatique, n’ayant jamais voulu se cantonner au rôle d’épouse silencieuse. Née à Fès en 1978 dans une famille de la classe moyenne, celle qui est née sous le nom de Salma Bennani est diplômée d’État en ingénierie informatique d’une prestigieuse université de Rabat. Ses professeurs la décrivaient souvent comme une élève remarquablement intelligente.
La rencontre entre cette fille d’un professeur de mathématiques et Mohammed VI aurait eu lieu lors d’une fête dans la capitale marocaine, quelques mois avant la mort de l’ancien roi Hassan II. Elle avait alors 21 ans. Mohammed VI, quinze de plus. Leur mariage, en 2002, bouleverse la tradition monarchique alaouite. Lalla Salma devient la première épouse d’un roi marocain à avoir le titre d’altesse royale et de princesse, jusqu’alors réservé aux enfants, sœurs et frères du monarque. La discrète fille du peuple devient l’ambassadrice d’un Maroc moderne, admirée par une partie de la population pour son charisme, son élégance et son indépendance.
« Lalla Salma a fait l’objet d’une forme de communication politique, explique Omar Brouksy, journaliste et auteur du livre Mohammed VI, derrière les masques (Nouveau Monde, 2014). En lui accordant le statut princier, le roi a voulu prouver à l’opinion publique internationale qu’il souhaitait rompre avec le passé de son père, que ce soit sur le plan protocolaire ou politique. Une manière, aussi, de réconcilier le Maroc avec ses femmes, alors que les débats autour d’une réforme du code de la famille (Moudawana) battent leur plein.
Un rôle décisif dans l’avenir de la monarchie
La princesse jouit très vite d’un quasi-rôle de première dame occidentale, apparaissant de plus en plus souvent aux côtés de son époux. Elle le représente parfois à l’étranger, et rencontre des dirigeants mondiaux. En 2011, elle participe au mariage royal du prince William et de Kate Middleton à Londres, ou reçoit le couple Sarkozy, à titre privé, à la résidence royale. En décembre 2017, elle préside une cérémonie d’hommage à Rabat en mémoire de l’artiste Mohamed Amine Demnati, avant de disparaître complètement de l’espace public.
Son absence sur une photo datée de février 2018, sur laquelle Mohammed VI, entouré de sa famille, est allongé sur un lit d’hôpital après une opération du cœur, a alimenté les premières spéculations sur une crise au sein du couple. Un mois plus tard, le magazine espagnol Bonjour ! annonce que le divorce serait effectif. Une campagne de presse orchestrée par des médias proches des services de renseignements marocains dépeint soudain une Lalla Salma « dédaigneux » Et « méprisant », qui essaierait d’afficher un « une attitude très faussement cool ». Dans un communiqué publié en 2019, l’avocat français du roi Mohammed VI, Eric Dupond-Moretti, a mis fin aux rumeurs en qualifiant la princesse de« ex-femme ». Le Palais ne commentera jamais cette information.
Depuis, Lalla Salma vit dans l’ombre, ce qui ne l’empêche pas de conserver un rôle déterminant dans l’avenir de la monarchie. Le prince héritier Moulay el-Hassan, premier dans l’ordre de succession de la dynastie alaouite qui gouverne le royaume, reste particulièrement attaché à sa mère. Après avoir obtenu son baccalauréat, le fils de Mohammed VI a même refusé de poursuivre ses études à l’université de Ben Guerir, près de Marrakech, pour rester à Rabat auprès de la princesse, avec laquelle il a vécu la majeure partie de sa vie. Une relation fusionnelle qui offre à Lalla Salma une certaine « protection », poursuit Omar Brouksy, mais qui suscite la défiance de la famille royale, notamment des sœurs du roi. Si Mohammed VI venait à abdiquer, une trop grande influence de Lalla Salma sur son fils pourrait même conduire, selon le journaliste, à une « petite révolution de palais ».