Députée depuis 23 ans, présidente de La Réunion à la tête d’une majorité qui rassemble toute la gauche, le nom d’Huguette Bello a été avancé le 12 juillet pour débloquer les négociations du NFP. Mais son profil ne fait pas l’unanimité au sein de l’alliance.
Six jours se sont écoulés depuis que le Nouveau Front populaire (NFP), contre toute attente, a terminé dimanche 7 juillet en tête du second tour des législatives en termes de nombre de députés. Sans toutefois obtenir la majorité. Avec moins de 200 députés, l’alliance de gauche est très loin de la majorité absolue, fixée à 289 voix.
Pourtant, la volonté des membres du NFP est claire et répétée. Ils veulent former un gouvernement et donc une cohabitation avec Emmanuel Macron, avec un Premier ministre de gauche. Mais les négociations achoppent entre les deux principales composantes du NFP, La France insoumise (LFI) et le Parti socialiste (PS).
Vendredi 12 juillet, c’est le secrétaire national du Parti communiste Fabien Roussel qui a présenté une candidate inattendue. Pour lui, ce serait Huguette Bello. « Elle sait ce qu’est le Parlement et comment construire des majorités », s’est défendu le secrétaire national du PCF sur BFMTV.
Élu local, député de 23 ans, radical
Présidente du conseil régional de La Réunion, son profil coche beaucoup de cases sur le papier. La Réunion est riche de difficultés économiques et sociales. La pauvreté y atteint près de 40% (moins de 15% en métropole). Lors de sa campagne de 2020 pour conquérir la région, elle a souhaité mener une « politique de rupture ».
Des propos que ne démentent pas les membres du Nouveau Front populaire (NFP), qui souhaitent mettre en œuvre « un programme de rupture avec la politique d’Emmanuel Macron ».
Députée pendant 23 ans entre 1997 et 2020, elle a siégé à partir de 2007 au groupe de la Gauche démocratique et républicaine (GDR), qui regroupe des parlementaires communistes et ultramarins. Elle a démissionné de son mandat en 2020, après son élection à la mairie de Saint-Paul, deuxième ville de La Réunion.
Proche des communistes, mais aussi des Insoumis, elle s’est présentée aux élections européennes en dernière position sur la liste de Manon Aubry, une place symbolique et inéligible.
Issu de la diversité, radical (membre d’un parti communiste réunionnais), élu local (à la tête d’un exécutif qui réunit des élus socialistes, communistes et insoumis)… Un triptyque qui, sur le papier, pourrait convaincre les 4 chefs de parti.
Les Insoumis et les communistes approuvent
Chez les communistes et les Insoumis, Huguette Bello semble désormais faire l’unanimité. Sur BFMTV vendredi, le sénateur PCF de Paris, Ian Brossat, a salué « une femme brillante d’expérience », avec « beaucoup de caractère », qui « peut tout à fait assumer le rôle de Premier ministre ». Une « figure fédératrice dans une Assemblée compliquée » selon lui.
Jean-Luc Mélenchon a soutenu cette proposition devant des militants réunis à Paris vendredi soir.
« Huguette est une femme racisée, et la nouvelle France est racisée, a-t-il déclaré. Elle est présidente de la région Réunion, dans la majorité de laquelle se trouve toute la gauche locale, donc elle peut incarner cette unité. »
Ce samedi, plusieurs Insoumis ont approuvé ce choix. « Huguette Bello Première ministre, c’est la France qui retrouve le goût de l’avenir », défend Mathilde Panot, présidente des députés Insoumis à l’Assemblée nationale.
« Le PFN peut présenter officiellement le nom de son Premier ministre », estime la députée de Paris Sophia Chikirou, très proche de Jean-Luc Mélenchon. Et critique la position du Parti socialiste, qui s’oppose à ce choix. Selon elle, le parti d’Olivier Faure « ne peut pas être l’obstacle à cet événement historique. Il (le PS) serait complice du coup d’État d’Emmanuel Macron ».
Les socialistes doutent
Mais l’élue réunionnaise ne fait pas consensus. Côté socialiste, l’enthousiasme est modéré. En cause, les positions de l’élue réunionnaise sur le mariage pour tous. Députée en 2013, elle n’a pas participé au vote à l’Assemblée. Le média réunionnais Linfo précise qu’elle estime que « la question du mariage ouvert à tous les couples ouvre aussi une brèche en ce qui concerne la procréation médicalement assistée et la gestation pour autrui ». Elle n’a toutefois pas voté contre.
Interviewée sur BFMTV, Dieynaba Diop, porte-parole du PS, très proche du Premier secrétaire Olivier Faure, voit son nom « comme un élément de négociation pour pousser tout le monde à trouver un accord ».
Mais alors, quel est le profil idéal pour le Parti socialiste ? « Quelqu’un qui soit membre du Nouveau Front populaire, et qui puisse parler à tout le monde », décrit Dieynaba Diop, qui pointe chez Huguette Bello « des positions qui sont à l’opposé de ce que nous (le PS) défendons ».
Ce 13 juillet, le parti tient samedi un conseil national pour soumettre une proposition aux partenaires de la coalition de gauche et des « modalités de désignation ».
« A ce stade, « aucun consensus général ne se dégage au sein du Nouveau Front populaire », souligne l’eurodéputé Pierre Jouvet, secrétaire général du parti.
L’une des dernières chances pour la gauche de ne pas apparaître irréconciliable, et peut-être de proposer un nom qui fasse consensus au sein du NFP. Le temps presse : la nouvelle législature à l’Assemblée nationale débute le 18 juillet.