Qui est Boualem Sansal, l’écrivain algérien dont l’arrestation secoue le monde littéraire et politique ?
Dans un langage politique à mi-chemin entre Orwell, Hugo et Rabelais, l’écrivain ne cesse de scruter et de critiquer les travers de son Algérie natale.
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Boualem Sansal, âgé de 75 ans, a été arrêté en Algérie le 16 novembre 2024, à son retour de France, et placé sous mandat d’arrêt pour « Atteinte à la sécurité de l’Etat ». L’écrivain algéro-français a été entendu par le parquet antiterroriste d’Alger, selon son avocat, François Zimeray. Depuis près d’une semaine, son nom fait la une des médias et est omniprésent dans l’actualité, au point que le président de la République, Emmanuel Macron, s’est exprimé personnellement sur sa situation. Mais qui est Boualem Sansal ? Retour sur le parcours tumultueux d’un haut fonctionnaire arrivé sur le tard à la littérature et d’un écrivain qui incarne pour certains la liberté et incarcéré dans son pays d’origine.
Boualem Sansal est né en 1949 à Theniet El Had, près de Tissemsilt dans l’ouest de l’Algérie, et a obtenu la nationalité française en 2024. Avant de se consacrer à l’écriture, il a eu une carrière jalonnée de postes prestigieux : ingénieur, consultant et haut fonctionnaire au ministère algérien. de l’Industrie. C’est avec le soutien de son ami, le célèbre écrivain algérien Rachid Mimouni, qu’il se lance dans l’écriture.
Son premier roman, Le serment des barbarespublié en 1999 alors qu’il avait 50 ans, est une chronique amère de la « décennie noire », période de guerre civile algérienne qui s’est déroulée entre 1992 et 2002. Inspiré, ce livre connaît un grand succès et lui vaut plusieurs prix, dont celui du premier roman. Au fil des années, il a écrit de nombreux ouvrages dénonçant la situation politique, sociale et économique en Algérie, tout en explorant des thèmes universels tels que la mémoire, la justice et l’identité.
Ses livres sont souvent des critiques acerbes du pouvoir en place et de la société algérienne, et il n’hésite pas à aborder des sujets sensibles, ce qui lui vaut censure et menaces dans son propre pays. Malgré ces difficultés, Boualem Sansal est resté fidèle à ses convictions et a choisi de continuer à vivre en Algérie, où il a été arrêté en novembre 2024 pour ses positions.
Au début de sa carrière, Boualem Sansal utilisait un langage coloré et un ton drôle pour dénoncer les injustices, s’inspirant d’une plaisanterie algérienne héritée en partie de Rachid Boudjedra et Rachid Mimouni, pour décrire les traumatismes du pays. Son style, parfois comparé à Rabelais, se distingue néanmoins de ce dernier par une vision du monde beaucoup plus sombre.
Depuis Harraga (2005), Sansal opte pour une narration plus classique, adoptant un vocabulaire plus sobre, qui permet une plus grande lisibilité et une émotion plus palpable, touchant ainsi davantage ses lecteurs. Si la créativité de son langage est réduite, sa capacité à susciter l’émotion et à évoquer des thèmes mélodramatiques, proches du Misérable par Victor Hugo, s’intensifie. Dans le même temps, Sansal reste un critique sévère de son pays, mais il privilégie une vision humaniste, abordant ses préoccupations à travers des récits et des fables mythologiques, comme dans 2084. La fin du monde (2015) et Le train d’Erlingen ou La Métamorphose de Dieu (2018).
Boualem Sansal a remporté plusieurs prix prestigieux. Notamment le Grand Prix du roman de l’Académie française en 2015 pour 2084. La fin du mondesa plus grande réussite. Ce roman dystopique fait un clin d’œil au 1984 de George Orwell, critiquant à travers un pays imaginaire un radicalisme religieux qui opprime et réduit les libertés individuelles.
En 2021, Boualem Sansal a reçu le prix Méditerranée pour Abraham ou la Cinquième Allianceun « parabole sur le pouvoir et les faiblesses de la pensée religieuse » édité par Gallimard. Son dernier roman, En direct. Le compte à rebours est sorti chez le même éditeur en janvier 2024.