qui est Abou Mohammed al-Joulani, à la tête de la coalition qui a renversé le régime ?
Celui qui s’était fixé pour objectif de mettre fin à la dictature de Bachar al-Assad a atteint ses objectifs dans la nuit de samedi à dimanche.
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En entrant à Damas, il interdit à ses combattants de « tirer en l’air » et approcher les institutions publiques. Une retenue étonnante chez un chef de guerre qui vient de mettre fin à un demi-siècle de dictature. Abou Mohammed al-Joulani est le leader islamiste à la tête de la coalition rebelle à l’origine d’une fulgurante offensive en Syrie.
Chef du groupe armé Hayat Tahrir al-Sham (HTS), ancienne branche d’Al-Qaïda en Syrie, il s’est fixé pour objectif de renverser le président Bachar al-Assad. L’air « confiant », « en plein jour et avec une légère sécurité »il l’a même annoncé à CNN vendredi. Un objectif atteint dans la nuit du samedi 7 au dimanche 8 décembre, lorsque les rebelles sont entrés dans la capitale pour proclamer « la ville libre de Damas ». Que sait-on de ce chef de guerre qui a réussi à s’unir pour renverser la dictature en quelques jours ?
En quelques années, Abou Mohammed al-Joulani est passé d’un vocabulaire fondamentaliste à un discours modéré. Un mouvement sincère ou opportuniste ? Cet homme grand et costaud a également troqué le turban blanc de djihadiste qu’il portait au début de la guerre en 2011 contre un uniforme militaire, voire parfois même contre un costume civil. Depuis la rupture avec Al-Qaïda en 2016, elle tente d’adoucir son image et de présenter un visage plus modéré, sans forcément convaincre les analystes ou les chancelleries occidentales, qui classent HTS comme groupe terroriste.
Né en 1982, Ahmed al-Chareh, de son vrai nom, a grandi dans une famille aisée à Mazzé, un quartier cossu de Damas. Il tire son nom de guerre « al-Joulani », du Golan, haut plateau d’où sa famille a été expulsée lors de la conquête de la région par Israël en 1967, avait-il déclaré à l’émission « Frontline » sur la chaîne publique américaine PBS, en 2021.
Le site Middle East Eye rapporte que c’est après les attentats du 11 septembre aux États-Unis que « les premiers signes du jihadisme » apparaissent dans la vie d’Abu Mohammed al-Joulani. Après l’invasion américaine de l’Irak en 2003, il avait 21 ans lorsqu’il a rejoint le groupe Al-Qaïda en Irak d’Abu Musab al-Zarkawi, avant d’être emprisonné pendant cinq ans.
Après le début de la révolution contre Bachar al-Assad en 2011, il retourne en Syrie et fonde le Front al-Nosra, qui deviendra HTS. Deux ans plus tard, il refuse d’être adoubé par Abou Bakr al-Baghdadi, futur chef du groupe État islamique, et lui préfère l’émir d’Al-Qaïda, Ayman al-Zawahiri. Réaliste selon ses partisans, opportuniste selon ses adversaires, il affirmait en 2015 qu’il n’entendait pas lancer d’attaques contre l’Occident, contrairement à l’État islamique. Lorsqu’il a rompu avec Al-Qaïda un an plus tard, il a déclaré l’avoir fait pour « Supprimer les prétextes avancés par la communauté internationale » pour attaquer son organisation. Depuis, il continue « sur une crête, son chemin en tant qu’homme d’État en devenir »résume Thomas Pierret, spécialiste de l’islamisme en Syrie. « C’est un radical pragmatique »selon le chercheur du CNRS.
En janvier 2017, il impose aux rebelles radicaux du nord de la Syrie une fusion au sein du HTS. Il met en place une administration civile et multiplie les gestes envers les chrétiens dans la province d’Idlib (nord-ouest) que son groupe contrôle depuis deux ans. L’ancien ambassadeur de France en Syrie, Michel Duclos, a rappelé dimanche sur franceinfo qu’il avait également « a géré l’enclave qu’il a dirigée à Idlib au cours des cinq dernières années, dans le souci d’unir et de respecter les minorités ».
C’est encore là que le HTS a été accusé par des habitants, des proches de détenus et des défenseurs des droits de l’homme d’exactions qui, selon l’ONU, constituent des crimes de guerre, provoquant des manifestations il y a quelques mois, rappelle l’AFP. Interrogé par CNN vendredi, le dirigeant a évoqué les violences commises par « individus » et affirmé « j’y ai répondu ».
Après le début de l’offensive fin novembre, Abou Mohammed al-Joulani a cherché à rassurer les habitants d’Alep, qui compte une importante communauté chrétienne. Et il a appelé ses combattants à préserver « la sécurité dans les régions libérées ». Mohammed al-Joulani, qui se considère « le futur leader de la Syrie »selon le Temps Financieren profite pour afficher son style sur les marches de la citadelle médiévale d’Alep, tout juste reprise au régime. « Il a salué les habitants stupéfaits avant de remonter dans sa Jeep blanche en direction de l’avant. Il sourit à peine. Un geste politique précis, typique de l’islamiste de 42 ans”raconte le quotidien économique.
« Moins les Syriens et la communauté internationale auront peur, plus Joulani apparaîtra comme un acteur responsable plutôt que comme un extrémiste djihadiste toxique, et plus sa tâche sera facile »assure le chercheur Aron Lund à l’AFP. « Est-ce tout à fait sincère ? Certainement pas. Cet homme est issu d’une tradition religieuse fondamentaliste très dure. Mais ce qu’il fait est la chose intelligente à dire et à faire en ce moment. »conclut-il. Pour l’ancien ambassadeur de France en Syrie, Michel Duclos, la question est désormais de savoir ce qu’il en est. « les trucs » du chef de Hayat Tahrir al-Sham (HTS). « Il donne l’impression d’avoir un grand esprit politique. » « Il y aura un moment de vérité »conclut-il.