Qui en a besoin et comment l’ANSM veut éviter les pénuries
Attention, risque de pénurie. Alors que la France connaît quotidiennement des pénuries de médicaments, elle fait actuellement face à de fortes tensions d’approvisionnement en vitamine B12. Ce jeudi, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a prescrit un ensemble de mesures pour éviter une pénurie totale de certaines formes de vitamine B12, pourtant indispensable à la santé de nombreux patients.
Quels patients ont besoin d’une supplémentation en vitamine B12 ? Quelles sont les conséquences d’une carence ? Et quand les pharmacies peuvent-elles espérer un retour à la normale ?
« Éviter une rupture de stock »
Si l’ANSM tire la sonnette d’alarme, c’est parce que « la vitamine B12 (cyanocobalamine) en solution injectable et buvable des laboratoires Zentiva et Substipharm connaît actuellement une forte tension d’approvisionnement, insiste l’agence sanitaire. Les laboratoires Zentiva et Substipharm qui commercialisent la vitamine B12 en solution injectable (IM) et buvable sont confrontés à des difficultés d’approvisionnement liées à un arrêt de production et à des difficultés de fabrication, explique-t-elle. Dans ce contexte, nous avons demandé aux laboratoires d’échelonner les approvisionnements des pharmacies de ville afin d’éviter une rupture de stock. Les approvisionnements des établissements de santé sont maintenus. »
Une situation déjà visible en pharmacie, « où les tensions d’approvisionnement et les pénuries sont permanentes, déplore Pierre-Olivier Variot, président de l’Union des syndicats de pharmaciens (USPO). Les médicaments concernés changent tout le temps, mais pour nous pharmaciens, c’est un problème pluriquotidien. Concernant la vitamine B12, nous avons des ruptures de stock depuis trois semaines à un mois. En pratique, on nous a demandé de privilégier la vitamine B12 en comprimés pour les patients qui ont besoin d’une supplémentation orale. Et de réserver les ampoules à ceux qui ont besoin d’une forme injectable, car les ampoules sont à la fois injectables ou buvables selon les prescriptions », explique le pharmacien.
Des recommandations qui ont pour but de « permettre la continuité du traitement pour les patients présentant des problèmes graves d’absorption, nécessitant une prise (de vitamine B12) par injection intramusculaire », précise l’ANSM. L’absence de ce traitement peut entraîner un risque grave d’anémie chez ces patients, conduisant à une hospitalisation, une transfusion et des conditions de vie engageant le pronostic vital. Mais l’ANSM se veut rassurante : « D’après les données qu’elle nous a transmises, l’approvisionnement devrait être progressivement rétabli et les besoins de tous les patients devraient être couverts à partir de novembre 2024. »
Une vitamine essentielle pour de nombreux patients
Et de nombreux patients ont besoin d’une supplémentation en vitamine B12, ou cyanocobalamine. « En solution injectable et buvable, elle est utilisée par injection intramusculaire (IM) dans le traitement des carences en vitamine B12 dues à une maladie gastro-intestinale qui empêche son absorption (notamment la maladie de Biermer, la gastrectomie totale, la résection de l’iléon terminal, la maladie d’Imerslund) », explique l’agence sanitaire. « Pour être absorbée, la vitamine B12 a besoin de ce qu’on appelle le « facteur intrinsèque », et certaines maladies entraînent des déficits en ces facteurs intrinsèques, explique Pierre-Olivier Variot. Dans ces cas, la vitamine B12 orale n’est pas absorbée, et doit être injectée ».
« Par voie orale, poursuit l’ANSM, elle est indiquée dans le traitement des carences dues à un manque d’apport alimentaire, notamment dans les régimes végétaliens stricts. » En pratique, « chez les végétaliens, l’alimentation ne couvre pas les besoins en vitamine B12, ce qui entraîne des carences le plus souvent traitées par supplémentation orale, ajoute le pharmacien. Mais dans certains cas, cela ne suffit pas et la voie injectable est alors indiquée. »
Mais d’autres profils peuvent avoir besoin d’une supplémentation. Elle peut être indiquée pour certaines femmes enceintes. Mais aussi pour certaines personnes non vegan qui ne peuvent consommer suffisamment de produits animaux. « Selon un sondage Ifop-Fiducial réalisé en septembre 2023, 30 % des Français se privent de certains aliments coûteux ou sautent régulièrement des repas. Dans ce contexte économique tendu, la consommation de viande, de poisson ou de produits laitiers diminue, rappelle Vidal, la bible de la médecine. Par ailleurs, nous sommes de plus en plus nombreux à réduire notre consommation de viande sans pour autant opter pour un régime végétarien ou vegan (« flexitarisme »). »
Aliments riches en vitamine B12
Pour les personnes en bonne santé qui ne sont pas végétaliennes, l’alimentation suffit généralement à couvrir les besoins en vitamine B12. Et si nous en avons tous besoin, c’est parce que la vitamine B12 contribue au métabolisme énergétique normal et au fonctionnement normal du système immunitaire. Elle est essentielle au bon fonctionnement du cerveau, du système nerveux, à la synthèse de l’ADN et à la formation des globules rouges. Rien que ça !
D’où l’importance de prévenir toute carence. Une carence en vitamine B12 « se traduit par une anémie se traduisant par une fatigue ou un essoufflement chronique, indique l’Assurance maladie. Des troubles moteurs et de sensibilité ainsi que des troubles de l’irritabilité, de la mémoire et de l’humeur sont possibles ». Les patients peuvent également ressentir « des picotements dans les pieds et les mains, une constipation entrecoupée de diarrhées ou encore une perte de poids, ajoute Vidal. Un apport insuffisant peut provoquer, chez les personnes âgées, des troubles du raisonnement et de la mémoire ».
Dans l’assiette, « les aliments d’origine animale sont la seule source de vitamine B12, indispensable à la multiplication cellulaire et au fonctionnement du système nerveux », insiste le Dr Vidal. La vitamine B12 est la seule vitamine systématiquement absente des aliments d’origine végétale. Les meilleures sources de vitamine B12 sont les abats (notamment le foie), la viande, la volaille, le poisson, les fruits de mer et les produits laitiers. »