Nouvelles locales

Question de pouvoir – Chronique de Maryse Dumas – 13 septembre 2024

Par Maryse Dumas, syndicaliste

Créer une « école du parti » pour aiguiser les « militants ». « Professionnaliser le militantisme » au service d’une « doctrine » en cours d’élaboration qui vise le long terme et pas seulement des réactions ponctuelles… Vous pensez que je définis des axes stratégiques pour un nouveau parti marxiste-léniniste ? Vous vous trompez. Je ne fais que rapporter le contenu des dernières réunions d’affaires organisées par le Medef les 26 et 27 août. L’article du journal « l’Opinion » qui en rend compte s’intitule « Le Medef comme nouveau front patronal », tout un programme… André Bousser, président de l’Union des entreprises de Moselle cité par « l’Humanité » le 28 août, résume très bien l’affaire : « Je veux une CGT de patrons qui défende vraiment nos intérêts », dit-il, une déclaration que la vraie CGT ne peut ressentir que comme un hommage du vice à la vertu. Organisées à l’hippodrome de Longchamp, les réunions ne respiraient pas la sobriété économique que réclame avec force la dépense publique et le traitement des salariés… Clairement Patrick Martin, récemment élu président du Medef, veut laisser sa marque sur l’organisation qu’il dirige. Un autre avant lui avait eu des ambitions similaires. Il était également invité et présent à ces réunions. Il s’agissait d’Ernest-Antoine Seillière, président fondateur du Medef. Avec son acolyte Denis Kessler, aujourd’hui décédé, ils ont non seulement fondé en 1999 le Medef en lieu et place de l’ancien CNPF mais ils lui ont aussi assigné la mission d’une « refondation sociale » définie comme remettant en cause dans tous les domaines « le compromis social issu de la Libération ». On entend par là les garanties collectives pour les salariés, la protection sociale et les retraites, le droit du travail et les services publics et les statuts. Le défunt CNPF n’ayant pas réussi à empêcher, face au gouvernement de gauche pluriel, l’avènement des 35 heures, les dirigeants du Medef n’ont pas caché qu’ils voulaient doter la droite d’un nouveau corpus idéologique. C’est dans ce contexte que Denis Kessler a créé les universités d’été du Medef, à l’époque sur le campus de la grande école de commerce HEC. Les rencontres de Longchamp de cette année en sont donc les successeurs, tant dans les formes choisies que dans les ambitions affichées. Le fil conducteur était le « pouvoir ». On imagine l’inquiétude du patronat à l’idée qu’un Premier ministre du Nouveau Front populaire ait pu conduire la politique du pays. Mais, dès le départ, il a su se rassurer sur les intentions du président de la République. Pas d’autre nuage dans ce ciel limpide, puisque le RN ne leur cause aucune inquiétude : il ne s’oppose pas au marché. La notion de pouvoir a donc été décortiquée sous toutes ses formes, hormis deux aspects qui ont été complètement ignorés : le pouvoir (et son partage) dans l’entreprise d’une part, et le pouvoir économique d’autre part. Chasse gardée du patronat s’il en est, le Medef ne veut même pas envisager que les salariés aient leur mot à dire sur la conduite des entreprises. Quant au pouvoir économique, il préfère le laisser dans l’ombre à un moment où tout montre que c’est lui qui impose sa loi à la politique et non l’inverse. A l’heure où toute l’attention du pays est rivée sur l’Assemblée nationale et le gouvernement, le pouvoir économique n’a pas la moindre préoccupation. A quand une formation idéologique des patrons pour les préparer au renversement de ces pouvoirs ?

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Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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