Nouvelles locales

Qu’est-ce que l’octroi de mer, cet impôt qui alimente la colère des manifestants ?

Une taxe douanière spécifique s’applique aux importations en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à Mayotte et à La Réunion. La Cour des comptes qualifie le système fiscal d' »à bout de souffle ».

Article rédigé par

Thibaud Le Meneec – avec Robin Prudent, envoyé spécial en Martinique, et l’AFP

France Télévisions

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Des manifestants contre la vie chère près d'un supermarché de la commune du François, en Martinique, le 21 septembre 2024. (ED JONES / AFP)

Depuis le début du mois de septembre, la Martinique vit au rythme des manifestations contre la vie chère. Sur l’île, un couvre-feu a été décrété dans certains quartiers de Fort-de-France et du Lamentin, et le préfet a annoncé l’arrivée de renforts de police. « manifestations et rassemblements de protestation » Les rassemblements sont interdits dans quatre communes de l’île, dont Fort-de-France, depuis vendredi 20 septembre, un cortège festif a défilé samedi soir dans les rues de la préfecture du territoire d’outre-mer.

L’un des plus anciens impôts douaniers du système fiscal français, appelé « octroi de mer », est au cœur des critiques. Créé en 1670 à la Martinique, d’abord sous le nom de « droit des poids » comme l’explique le site du Sénat, cette forme d’imposition devait initialement s’appliquer pour une durée limitée. C’est Colbert, alors contrôleur général des finances de Louis XIV, qui l’a pérennisée. Cet impôt spécifique s’applique aujourd’hui aux importations en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à Mayotte et à la Réunion. Il concerne un grand nombre de marchandises, avec un taux variable selon les produits. Par exemple, la plupart des biscuits sont taxés à 15 % s’ils sont importés, mais seulement à 2,5 % s’ils sont fabriqués en Martinique. Pour les cigarettes, la taxe monte à 50 % si elles sont importées. Les documents listant les différents octrois de mer dans les territoires d’outre-mer font près de 1 200 pages.

Cette taxe « sert théoriquement à protéger la production locale pour responsabiliser ces territoires, et surtout à financer les collectivités locales »explique à l’AFP Frédéric Ducarme, secrétaire général de la Chaire Outre-mer de Sciences Po. « Cela représente près d’un tiers des ressources des communes »a souligné en mars le président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici.

En 2022, selon la Cour des comptes, cet impôt a généré 1,64 milliard d’euros de recettes pour les cinq départements et régions d’outre-mer (DROM), fournissant notamment 32% des ressources des communes. « Cela couvre en réalité près de la moitié des frais de personnel des communes »expliquait Pierre Moscovici en mars dernier.

L’inconvénient est que cette taxe particulière gonfle les prix. Bien que ce ne soit pas la seule cause, « La taxe maritime joue un rôle important » le coût de la vie, a assuré Pierre Moscovici.

« En ce qui concerne le coût de la vie élevé, les impacts négatifs de l’octroi de mer sur le niveau des prix sont avérés (de l’ordre de 5 à 10 % de surcoûts moyens). »

Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes

lors d’un discours en mars

« Quand les taxes maritimes s’appliquent à des produits importés qui n’ont pas d’équivalent localement, on se retrouve avec des situations absurdes. Les gens ont besoin d’acheter les produits importés qui sont les plus chers. »observe Ivan Odonnat, président de l’Iedom, l’organe de la Banque de France dans les territoires d’outre-mer.

Lors des manifestations, cette taxe est très souvent dénoncée comme l’un des facteurs du coût de la vie élevé sur l’île. « Nous devrions réduire la taxe maritimes’est insurgée Patricia, rencontrée par franceinfo samedi à la sortie d’un hypermarché de Fort-de-France, les bras chargés de courses. Les prix sont trop élevés. Je ne sais pas à qui profite ce crime. « Nous devons supprimer les taxes et les prix seront abordables », a-t-il ajouté. a abondé un manifestant du Rassemblement pour la protection des peuples et des ressources afro-caribéennes (RPPRAC), le collectif à l’origine du mouvement social, en érigeant un barrage routier près du Carrefour Market de Le François.

Aude Goussard, secrétaire et membre fondatrice du mouvement RPPRAC, se veut plus nuancée. Elle prévient : « Il faut revoir la fiscalité qui crée des inégalités, mais l’octroi de mer finance aussi directement les collectivités locales. Et nous ne voulons pas voir d’affaiblissement de ces dernières, ni de l’aide sociale. »

A travers cette colère contre la taxe maritime, les manifestants réclament néanmoins une autonomie commerciale croissante pour la Martinique, à l’image de Julien, fonctionnaire de 59 ans : « Nous sommes toujours dans un système colonial, nous devons changer cela, tous ensemble. »

« Les békés qui possèdent tous les supermarchés, l’État leur donne de l’argent. La France doit laisser une partie de la gestion à la Martinique. »

Julien, manifestant martiniquais contre la vie chère

à franceinfo

En plus de provoquer la colère d’une partie des habitants de la Martinique, « L’octroi de mer est un régime généralement instable, imprévisible, marqué par une complexité excessive et caractérisé par une faible transparence »a souligné Pierre Moscovici lors de sa présentation sur cette taxe en mars dernier. « Cette ancienne fiscalité est aujourd’hui à bout de souffle. (…) Nous soulignons le risque que l’octroi de mer enferme durablement les territoires d’outre-mer dans un modèle économique et social peu porteur d’avenir. »il a prévenu.

Ray Richard

Head of technical department in some websites, I have been in the field of electronic journalism for 12 years and I am interested in travel, trips and discovering the world of technology.
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