L’affaire Samara les remet sur le devant de la scène : les comptes « fisha ». Depuis l’agression de l’adolescente de 13 ans devant son collège de Montpellier, une enquête administrative est en cours. Si la procédure, confiée aux inspecteurs généraux de la rue de Grenelle, a été prolongée d’une semaine vendredi 12 avril, ses premiers éléments remettent déjà en cause le rôle »étendu et malveillant »dans les paroles de Le ministère de l’Éducation, joué par les réseaux sociaux dans l’affaire. L’institution pointe notamment les comptes « fisha », permettant « la diffusion de photomontages humiliants et de vidéos détournées provoquant un climat d’agressivité entre étudiants ». Libé fait le point sur ce phénomène, qui a pris de l’ampleur pendant le confinement.
De quoi s’agit-il ?
Tout est dans le nom : « fisha » est tiré du verlan « display ». Comme le résume Justine Atlan, la directrice de l’association e-Enfance de lutte contre le harcèlement et les violences numériques visant les jeunes : « Faire étalage signifie nuire à la réputation d’une jeune fille. D’une manière très archaïque, cela revient à les attaquer parce qu’ils ont ou auraient une activité sexuelle qu’ils ne sont pas censés avoir. Snapchat, Twitter, Instagram, Telegram… Concrètement, ce sont des comptes créés sur les réseaux sociaux, localisés par région, département, ville, quartier ou établissement scolaire. Sur ceux-ci, chacun peut publier des photos, des vidéos ou des rumeurs à caractère sexuel visant des jeunes femmes, souvent mineures. Le tout accompagné de leur nom, âge, adresse ou numéro de téléphone. « La plupart du temps, ce qu’on observe, c’est que ce sont des jeunes garçons qui créent ces pages. Mais beaucoup de jeunes filles aident à les nourrir. », analyse Justine Atlan. Avec des contenus souvent faux. « Comme des photos très pixelisées ou des photos de personnes ressemblant vaguement aux victimes »précise le réalisateur.
Depuis combien de temps existe-t-il ?
Le phénomène des comptes « fisha » n’est pas nouveau. Comme le souligne l’association Stop Fisha sur son site internet, elle a notamment explosé avec le confinement. « Si les comptes fisha existaient déjà, en avril 2020 (un mois après le début du premier confinement, ndlr)ils rassemblaient une communauté de plusieurs centaines de milliers de personnes »relève le collectif qui précise également que le plus grand groupe Telegram comptait à l’époque à lui seul 233 000 membres. « Comme si, parce que nous n’avions plus accès à la rue, ceux qui s’en prennent aux femmes et aux personnes appartenant à des minorités de genre avaient trouvé un nouvel espace pour le faire : Internet », Arrêtez Fisha agace. L’association e-Enfance a également observé une explosion des signalements sur le sujet pendant le Covid-19. Justine Atlan dénonce cependant un phénomène plus ancien : « Cela existe effectivement depuis la création des réseaux sociaux, il y a dix ou quinze ans. Au fil des ans, il a simplement changé de nom.
Que faire si vous êtes victime ?
Pour les victimes, un réflexe à avoir : enregistrer un maximum de preuves. Ou demandez à un proche de le faire si la démarche est trop difficile. Qu’il s’agisse des captures d’écran, de l’URL ou du nom du groupe, il est recommandé de sauvegarder un maximum d’éléments, utiles dans le cadre d’une éventuelle réclamation. Il convient également de signaler ces comptes aux réseaux sociaux sur lesquels ils existent. Et, si le contenu est public, de le signaler à la plateforme Pharos, permettant de dénoncer en ligne les contenus illicites. L’association Stop Fisha propose un soutien psychologique à l’adresse email stopfisha.sante@gmail.com et des conseils juridiques à jenesuispasseule@protonmail.com. De son côté, e-Enfance est joignable au 3018 et propose une procédure de signalement permettant une suppression accélérée des contenus nuisibles.
Haine en ligne, sexisme, vengeance porno, diffamation… Un seul compte « fisha » peut concentrer à lui seul une dizaine d’infractions. « Devant les tribunaux, c’est le plus grave qui est retenu, précise Justine Atlan. Cela signifie que les créateurs de tels comptes pourraient très bien être condamnés à 75 000 euros d’amende ainsi qu’à 3, voire 5 ans de prison. Une peine plus lourde si les victimes sont mineures.