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qu’est-ce que la cohabitation politique ?

SE CONCENTRER – En cas de victoire du Rassemblement national aux élections législatives, Marine Le Pen a affirmé que Jordan Bardella se rendrait à Matignon, provoquant ainsi la quatrième cohabitation politique de la Ve République.

La question de la cohabitation politique revient sur le devant de la scène avec les élections législatives du 30 juin et du 7 juillet. Après un vote historique du Rassemblement national aux élections européennes, la droite nationaliste pourrait-elle remporter les législatives ? En cas de victoire, Marine Le Pen a affirmé que Jordan Bardella se rendrait à Matignon, provoquant ainsi une période de cohabitation. Le quatrième de l’histoire de la Ve République.

Qu’est-ce que la cohabitation politique ? Comment cela se passerait-il avec une majorité absolue du RN à l’Assemblée nationale ? Le Figaro fait le point avec Dominique Rousseau, professeur de droit public à l’université Paris-I Panthéon Sorbonne.

Quelle est la définition de la cohabitation ?

La cohabitation est une divergence de couleur politique entre la majorité présidentielle et la majorité parlementaire. Elle est décrite dans les textes constitutionnels comme une situation politique dans laquelle le Président de la République et la majorité des députés sont de tendances politiques opposées. Le gouvernement étant responsable devant l’Assemblée nationale, le Président de la République a vocation à nommer à la tête de ce gouvernement une personnalité pouvant avoir le soutien de la majorité à l’Assemblée nationale.

Dans le cas où le Rassemblement National sortirait vainqueur des élections législatives avec la majorité absolue, « Emmanuel Macron serait obligé de nommer un Premier ministre issu du parti RN »dit le professeur Dominique Rousseau. « Obligé » car, même si l’article 8 de la Constitution prévoit que le dernier mot appartient au chef de l’Etat, ce dernier doit veiller à ce que son futur premier ministre obtienne la confiance du parlement. En effet, l’article 49 de la Constitution prévoit que « Le Premier Ministre, après délibération du Conseil des Ministres, engage devant l’Assemblée Nationale la responsabilité du Gouvernement sur son programme ou éventuellement sur une déclaration de politique générale ».

Ainsi, si Emmanuel Macron nommait un Premier ministre non issu du parti de la flamme en cas de majorité absolue du RN, ce dernier serait immédiatement renversé.

Comment gouverner en cohabitation ?

Il y a eu trois cohabitations sous la Ve République. La première cohabitation dure de 1986 à 1988, avec le président socialiste François Mitterrand et son premier ministre de droite Jacques Chirac. La seconde cohabitation a eu lieu de 1993 à 1995, toujours sous la présidence de Mitterrand, cette fois avec le Premier ministre de droite Édouard Balladur. La troisième cohabitation, enfin, a eu lieu de 1997 à 2002, cette fois avec un président de droite, Jacques Chirac, et un premier ministre socialiste, Lionel Jospin. « Les deux premières cohabitations étaient des cohabitations en attente de l’élection présidentielle, elles n’ont duré que deux ans. Alors que celle de 1997-2002 a duré cinq ans »décrypte le professeur Dominique Rousseau.

Les articles 20 et 21 de la Constitution régissent les pouvoirs du Premier ministre. Ce dernier détermine et conduit la politique gouvernementale, dispose du pouvoir de régulation et du pouvoir de faire appliquer les lois. Le Président de la République dispose du pouvoir de dissoudre l’Assemblée nationale, du pouvoir de nommer un Premier ministre, de saisir le Conseil constitutionnel et d’autres pouvoirs exceptionnels en cas de menace grave et immédiate, comme la création d’un lieu d’un régime d’exception. Par exemple, l’état d’urgence sanitaire mis en place lors de l’épidémie de Covid-19 en fait partie.

« Quand Michel Debré Présenta la Constitution aux Français le 27 août 1958, il précisa que les pouvoirs du Président étaient des pouvoirs de sollicitation », indique le professeur Dominique Rousseau. Par exemple, pour nommer le Premier ministre, le Président demande l’avis de l’Assemblée nationale. Pour dissoudre l’Assemblée, il « cherche » l’avis du peuple à travers des élections législatives pour savoir s’il peut continuer à gouverner ou non. Enfin, lorsqu’elle saisit le Conseil constitutionnel, elle demande à ses membres de vérifier si une loi est conforme à la Constitution.

Lors des périodes de cohabitation, le pouvoir passe donc des mains de l’Élysée à celles de Matignon. « Le président de la République reprend sa place d’arbitre »ajoute le professeur de droit public. « De 1986 à 1988, François Mitterrand n’a pas pu empêcher Jacques Chirac de prendre des décisions relatives à la réforme du Code du travail, à l’instauration du vote majoritaire à deux tours », poursuit Dominique Rousseau. En 2002, Jacques Chirac n’a pas pu empêcher Lionel Jospin de voter pour le Pacs ou encore pour les 35 heures.. Pour autant, le président de la République n’est pas non plus totalement impuissant. Il conserve le pouvoir «tribunitien», ou celui de la parole. Un pouvoir de représentation, mais qui n’est pas sans importance : « Lors de la première cohabitation, François Mitterrand a continué à parler, il a tenu des conférences de presse disant tout le mal qu’il pensait de Jacques Chirac », rappelle Dominique Rousseau.

A quoi pourrait ressembler la cohabitation avec un couple Macron – Bardella ?

Si les dernières cohabitations se sont relativement bien déroulées, la tâche risque d’être bien plus ardue avec un couple Macron – Bardella. Notamment dans la conduite de la politique étrangère : on pense notamment à la position pro-ukrainienne et pro-européenne du chef de l’Etat, alors que le parti à la flamme maintient une position très réservée sur ces sujets. Dans le cas où le RN vote une loi restreignant l’aide militaire à l’Ukraine par exemple, que ferait Emmanuel Macron ? Il n’aurait d’autre choix que de « se soumettre ou démissionner »souligne Dominique Rousseau. Une phrase empruntée à Léon Gambetta, prononcée peu après la dissolution par Mac Mahon de sa chambre des députés en 1877 et l’arrivée au pouvoir d’une majorité républicaine.

En effet, lorsqu’une loi est votée à l’Assemblée, le Président de la République dispose de 15 jours pour la promulguer. Emmanuel Macron pourrait saisir le Conseil constitutionnel ou demander une deuxième lecture à l’Assemblée nationale. Mais au final, si le Conseil constitutionnel se déclare incompétent ou si les députés révisent la loi, « le chef de l’Etat n’aura pas le choix de le promulguer ou de démissionner », constate Dominique Rousseau. Emmanuel Macron pourrait-il promulguer une loi avec laquelle il est en désaccord ? Pour l’instant, le chef de l’Etat ne préfère pas envisager cette option.

Ray Richard

Head of technical department in some websites, I have been in the field of electronic journalism for 12 years and I am interested in travel, trips and discovering the world of technology.
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