Quels sont les éléments de l’enquête qui a conduit au retour d’Hugo Auradou et d’Oscar Jegou ?
Les joueurs ont été autorisés par la justice argentine à rentrer en France. Mais l’affaire est toujours en cours d’instruction à Mendoza.
Ils ont posé le pied sur le sol français deux mois après leur arrestation en Argentine. Les joueurs français Hugo Auradou et Oscar Jegou, poursuivis pour viol en réunion, ont atterri à l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle dans la soirée du mercredi 4 septembre, après avoir été autorisés par la justice argentine à rentrer en France. Accusés de viol par une femme de 39 ans dans la nuit du 6 au 7 juillet dans une chambre d’hôtel de Mendoza, où le XV de France venait de remporter un match amical contre l’Argentine, les deux rugbymen avaient déjà été libérés mi-août, le parquet soulignant que les faits avaient été commis en 2018. « l’existence de contradictions notoires, d’incohérences, de zones grises et même d’explications insuffisantes » dans la version du plaignant.
La défense deHugo Auradou et Oscar Jegouconvaincus que la position du parquet s’était affaiblie au cours de l’enquête, ont déposé une demande de non-lieu. Les avocats du plaignant, pour leur part, affirment que leur client souffre « dommages irréparables » et qu’elle est toujours hospitalisée après une tentative de suicide il y a dix jours. Depuis le début de l’affaire, les deux parties ont invoqué « preuves » et livre une version diamétralement opposée de ce qui s’est passé dans la chambre d’hôtel des joueurs. Franceinfo revient sur les points où les versions divergent.
Versions opposées du consentement
La plaignante, fille et sœur d’avocats, a été longuement interrogée à partir du 7 juillet. Elle affirme avoir été « sauvagement battu » dans cette chambre d’hôtel et évoque une « une violence terrible ». Selon ses dires, Hugo Auradou, 21 ans, « Il la saisit immédiatement, la jette sur le lit, commence à la déshabiller et commence à la battre sauvagement ». « Une fois qu’elle ne peut plus se défendre, lorsqu’elle n’a aucune chance de s’échapper, elle est agressée sexuellement par cette première personne. », « au moins six fois »elle continue. Selon Natacha Romano, son avocat, Oscar Jegou, 21 ans également, entre « une heure plus tard » dans la pièce où il « commence à commettre les mêmes actes sauvagement (…) sans aucune protection ». Dans une interview avec le journal Journal de Mendoza 1 publié le 26 juillet, le quadragénaire affirme avoir « dit non au sexe ».
Lors de leurs auditions début août, les rugbymen Ils reconnaissent avoir eu des rapports sexuels mais maintiennent qu’ils étaient consentis. Ils nient également toute forme de violence. Sans dévoiler les détails de leurs déclarations, leur avocat Rafael Cuneo Libarona, frère du ministre argentin de la Justice, a expliqué qu’Hugo Auradou avait « « J’ai répondu à plus de 150 questions de l’accusation, de la défense et des avocats du plaignant » et qu’Oscar Jégou avait « J’ai dû répondre à 50 ou 60 questions de chacun ». L’accusé « Nous n’avons jamais pu répondre s’ils avaient demandé à la victime si elle était d’accord ou non »s’opposèrent à Natacha Romano. Ils convoquèrent «difficulté à communiquer avec la victime, mais pour eux il était clair que la victime était consentante»a ajouté Mauricio Cardello, un autre avocat du plaignant. Dans un extrait de l’émission « Envoyé spécial » qui sera diffusée le 12 septembre, son client affirme : « Ils m’ont brutalisé et traité comme un morceau de viande. »
Images de vidéosurveillance
Pour étayer la version de la défense selon laquelle ces relations sexuelles étaient « consenti »l’avocat Rafael Cuneo Libarona a parlé de « indices » Les images ont été enregistrées par la vidéosurveillance. Sur ces images, la plaignante sort de la boîte de nuit avec Hugo Auradou, monte avec lui dans un taxi, entre dans l’hôtel et attend que le joueur aille chercher la clé de la chambre. Pour l’avocat, il s’agit d’un cas de« une femme de 40 ans qui sait déjà ce qui se passe dans la vie »Elle s’appuie également sur la vidéosurveillance pourpour réfuter que des coups ont été infligés : le plaignant « prétend avoir été battu, les caméras dis qu’elle ne l’était pas ».
À la mi-août, une vidéo de la caméra de vidéosurveillance de l’ascenseur de l’hôtel a été publiée par le site Internet MendozaPost.comOn voit la plaignante entrer tranquillement à l’intérieur et se coiffer, sans demander l’aide de Patrick Arlettaz, entraîneur du XV de France, qu’elle rencontre à ce moment-là.
#Vidéo Le moment où Patrick Arlettaz, le manager de l’équipe de France de rugby, apparaît dans l’ascenseur avec la femme qui dénonce les joueurs Hugo Auradou et Oscar Jégou pour délit d’abus sexuel. pic.twitter.com/PgnQdugsC2
– Poste de Mendoza (@MendozaPost) 16 août 2024
Le chauffeur de taxi qui l’a ramenée chez elle a également témoigné devant la presse. « Elle l’a pris le matin, vers 8h30. Je l’ai vue calme, rien d’étrange. »il l’a assuré à plusieurs médias dont l’AFP, demandant l’anonymat et refusant d’être filmé ou photographié.
Autant d’éléments qui ne concordent pas avec les déclarations faites par Natacha Romero sur l’état de santé de son client, hospitalisé pour une « décompensation générale » après les faits rapportés. « On lui a diagnostiqué un trouble de stress post-traumatique et elle prend des médicaments. »elle a dit. « Je ne suis pas en bonne santé. Je souffre toujours de lipothymie »une sensation de perte de conscience imminente, a déclaré le plaignant dans le Journal de Mendoza 1.
Messages audio du plaignant
Début août, le quotidien argentin Clarin publie des messages audio échangés entre la plaignante et une amie le lendemain des faits. Ces conversations mettent à mal la version selon laquelle elle « dit non au sexe » de sa rencontre avec Hugo Auradou dans une boîte de nuit. « J’ai rencontré un joueur de rugby français. Le gars était vraiment grand. Tellement beau, tellement beau. Je suis rentré chez moi à 9 heures du matin. À 9 heures ! (…) Quand j’ai sors, j’en profite. Il m’a brisé. Il m’a brisé »elle dit dans ces messages traduits par Le Parisien. « Il a pris ma joue et a laissé de petites ecchymoses sur mon visage, sur mâchoire, sur le cul, écorchures sur le dos. Tu ne peux pas imaginer. (…) Le type m’a fait exploser. J’ai des marques sur le dos, la mâchoire. J’ai un œil au beurre noir, j’ai des bleus partout sur les seins, des marques sur le cul. Il m’a fait exploser. J’ai un œil au beurre noir, ma fille. (…) D’énormes yeux bruns. Magnifiques. Mais j’ai dû prendre un Diclofénac (un anti-inflammatoire) parce qu’il m’a fait exploser »elle continue.
Selon son frère aîné, interrogé par Le Parisien, « C’était une conversation intime entre deux amis qui étaient encore un peu sous l’influence de l’alcool à l’époque. ». Dans la suite de ces messages, son amie lui fait prendre conscience du caractère violent de ce qu’elle décrit. Pour ses avocats, il s’agit« e« extraits partiels » et leur client « n’était pas elle-même ». Ils expliquent qu’elle a apporté « explications avec beaucoup de calme » à propos de ces conversations lors de sa déposition. Pour la défense, l’accusation « a clairement interprété cet élément comme signifiant qu’il y avait des contradictions dans le témoignage du plaignant ». « Contradiction, puisque, dans une des conversations très proche des faits, elle évoque une relation sexuelle (…) sur un ton enjoué et rieur, ce qui est difficilement compatible avec les actes qu’elle dénoncera par la suite »estime Antoine Vey, l’avocat français des joueurs, dans Le Figaro.
Blessures observées sur la victime
Au tout début de l’enquête, la procureure Daniela Chaler a considéré que le témoignage de la plaignante « correspond pour le moment aux conclusions de l’expertise médico-légale ». Un rapport d’expertise médico-légal, réalisé le 7 juillet, le jour du dépôt de la plainte contre Hugo Auradou et Oscar Jegoufait état de quinze blessures répertoriées sur le corps de la victime. « Il n’a pas été déterminé s’il s’agissait de coups ou de pressions. (exercé sur la peau)« a déclaré le porte-parole du bureau du procureur de Mendoza. Elle avait « marques sur le dos, morsures, égratignures, coups sur la poitrine, les jambes et les côtes »détails Natacha Romano. Fin août, la presse argentine, dont le Journal de Mendoza 1publie les blessures du plaignant.
La défense des rugbymen rétorque que ces photos sont « connu des juges et archivé depuis la première semaine »Dans un communiqué, Antoine Vey a déclaré que l’enquête avait déjà conclu qu’ils « ne sont pas compatibles avec les scènes décrites par le plaignant » et qu’un expert a « a rejeté l’hypothèse selon laquelle ces marques auraient pu être causées par des coups »parce que « en fait très léger »L’enquête, rappelle la défense, « il a été ultérieurement établi que la plaignante avait dissimulé aux tribunaux le fait qu’elle souffrait de la maladie de Willebrand »une pathologie hémorragique, un trouble de la coagulation, qui peut prédisposer à des ecchymoses ou des saignements. « Pourquoi l’as-tu caché ? » demande l’avocat, déplorant une « tentative de manipulation ».
Le retour des joueurs en France ne signe pas forcément la fin de cette affaire, qui est toujours en cours d’instruction. l’accusation a « a perdu sa force initiale » Selon l’accusation, Hugo Auradou et Oscar Jegou doivent cependant se mettre à la disposition de la justice argentine et restituer « se présenter à Mendoza si on le lui demande ».