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Quels élargissements, pour quelle Europe ?

Focus aujourd’hui sur le probable élargissement de l’Europe, avec Sylvie Goulard, ancien député européen, Gouverneur adjoint de la Banque de France-Eurosystème de janvier 2018 à août 2019, spécialiste en Europe. elle vient de publier L’L’Europe a tellement gonflé qu’elle a éclaté 😀e 27 à 36 États, publié chez Tallandier.

franceinfo : L’Europe gonfle… Comme la grenouille et le bœuf ?

Sylvie Goulard : Justement, c’est La Fontaine qui m’a prêté un autre titre. J’adore les fables de La Fontaine. Le titre est un peu fort, certes, mais je crois qu’il faut placer les dirigeants politiques qui prennent les décisions, qui puissent avoir leur justification face à la réalité de la mise en œuvre de leurs décisions.

Ce livre est « un coup de gueule », mais vous ne blâmez personne. Vous expliquez comment fonctionne l’Union européenne, expliquez comment fonctionnent les institutions, et vous nous dites non, ce n’est pas possible ?

De toute façon, ce n’est certainement pas possible avec la manière dont nous procédons…

Juste un exemple, 3 pays Géorgie, Moldavie, Ukraine comme candidats, mais avec quelles frontières aujourd’hui ?

Vous savez, sur la Macédoine du Nord, on pourrait se poser des questions sur les frontières.

Surtout quand le président de la Macédoine du Nord qui vient de prêter serment n’a pas prêté serment sur la Macédoine du Nord, mais sur la Macédoine. Et là, les Grecs n’étaient pas d’accord ?

Exactement, mais revenons à votre question au sens strict. Donc, trois pays qui sont dans des situations difficiles, et c’est, je dirais, une bonne raison d’envisager leur adhésion, puisque l’Ukraine est en partie envahie par la Russie, la Moldavie est en partie occupée et la Géorgie fait l’objet d’une tentative de déstabilisation. Ce sont donc des pays dont les frontières ne sont pas sécurisées ; dont le niveau de vie est bien inférieur à celui du pays le plus pauvre de l’Union européenne, la Bulgarie.

Et d’une manière générale, dans un contexte où l’on ne sait pas trop ce que signifierait intégrer des pays qui subissent de tels traumatismes, avec une certaine prétention de penser que ce serait un rempart contre Vladimir Poutine, alors que nous n’avons ni le ni les institutions, ni le budget, ni les politiques, ni les moyens de défense.

Et aussi l’exemple de la Bosnie-Herzégovine ; prêt à imploser chaque jour…

Oui, malheureusement, nous pouvons commencer à dresser une liste assez longue de problèmes séquentiels. Je ne veux pas du tout passer pour un mauvais présage, mais ce qui m’a beaucoup frappé récemment, c’est que vous évoquiez les déclarations du président de la Macédoine du Nord qui, au fond, remettent en cause un accord sur les frontières qui pourrait potentiellement rouvrir un conflit. . Le président chinois Xi Jinping A peine quitté Paris, il se rend en Serbie pour voir un pays candidat, dont la fidélité à l’Union européenne laisse un peu à désirer.

Encore une fois, je ne suis pas là pour donner des bons ou des mauvais points aux autres pays. Toute la logique du livre consiste à regarder si nos dirigeants, le président de la Commission, sont prêts à déployer les efforts qui seraient nécessaires pour mener à bien leur propre projet.

Et surtout, après le 9 juin, quel président, pour quelle commission ?

Les questions les plus fondamentales, au-delà de savoir qui sera à la Commission ou à la tête du Conseil européen, pouvons-nous continuer à prétendre faire de l’Union européenne une puissance capable de protéger ses citoyens, ou offrir une garantie de sécurité, dans le face à des puissances menaçantes, sans se poser la question de savoir comment se prennent les décisions ?

Et l’Europe, je reprends votre livre, pense toujours aux élargissements, mais n’est-il pas temps de penser à autre chose qu’aux élargissements ?

Oui, donc il y a deux choses. D’abord dans le passé, je cite par exemple un grand Européen qui fut Philippe de Schoutheete, l’idée d’aller de pair entre ce qu’on appelait l’élargissement, donc accueillir de nouveaux membres, et l’approfondissement, c’est-à-dire réaliser les nécessaires réformes afin que, malgré leur nombre croissant et leur hétérogénéité, des décisions puissent être prises.

Déjà, je constate que dans les conclusions du Conseil européen de décembre dernier, qui a lancé ce processus d’élargissement, il n’est même plus question d’approfondissement, mais seulement de réformes. En fin de compte, la fin de l’Union européenne est une réforme. Donc je trouve que tout cela n’est pas très sérieux.

La deuxième chose qui frappe, c’est qu’en effet, et là-dessus j’insiste dans le livre, il faut, une fois de plus, faire ce que l’on veut que l’Europe fasse, pour qu’il y ait un plus grand sentiment d’appartenance. Et c’est là que les élargissements finissent par poser problème. Si on ne peut pas constamment considérer que le groupe va rester uni, alors qu’on accueille des membres de plus en plus divers, ce n’est pas jeter la pierre à ceux qui arrivent, c’est un effet du nombre et de l’hétérogénéité, c’est tout.

Il ne s’agit donc pas seulement d’un chiffre, mais le chiffre n’est pas simple. Et parmi ces chiffres, il y a aussi un autre phénomène, c’est que les équilibres très subtils qui existaient autrefois entre les pays les plus peuplés et les pays les moins peuplés ont été rompus.

Il y a donc une multitude de pays représentant une petite partie de la population, qui se retrouvent avec un droit de veto lorsque les décisions sont prises à l’unanimité. Et ce n’est tout simplement pas démocratique.

Vous manquez de subtilité et de raisonnement ?

La cohérence était plus grande parmi les pères fondateurs. Cette génération savait que des garde-fous solides étaient nécessaires pour éviter que les différences ne se transforment en conflits et que les conflits ne se transforment en guerre ouverte. Et ça nous manque.

L’Europe s’est tellement enflée qu’elle s’est effondrée : de 27 à 36 États ? Par Sylvie Goulard, aux éditions Tallandier, le 7 mars 2024.

Ray Richard

Head of technical department in some websites, I have been in the field of electronic journalism for 12 years and I am interested in travel, trips and discovering the world of technology.
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