L’été 2024 a apporté son lot de belles surprises : de fabuleuses découvertes, notamment thérapeutiques, trop souvent passées inaperçues ; une femme en position, pour la première fois, d’être élue présidente des États-Unis ; des Jeux olympiques flamboyants et sereins ; une dictature renversée par un prix Nobel de la paix au Bangladesh. Et bien d’autres.
Elle a aussi connu son lot de guerres, de massacres, de famines. Partout dans le monde (et pas seulement sous les dictatures féminicides d’Afghanistan et d’Iran), les femmes ont continué d’être martyrisées par les hommes, dans le silence assourdissant de presque tous les autres hommes, y compris dans leur propre pays ; le climat a continué de se dégrader, sans que cela fasse la une des journaux ; plus d’un milliard et demi d’humains ont passé cet été, comme les saisons précédentes, dans des bidonvilles invivables, sans eau potable ni routes ; plus de 150 millions d’autres sont restés sans abri, beaucoup sur les routes de l’exil ; des dictateurs se sont accrochés au pouvoir, malgré le verdict des urnes, comme au Venezuela ; la Russie a continué à tout faire pour écraser l’Ukraine, jouant un jeu chaque jour plus dangereux. Les Chinois ont répété que le choix, pour les Taïwanais, n’était qu’entre la reddition et l’anéantissement ; Netanyahou et le Hamas ont continué leur bras de fer meurtrier, pour le plus grand malheur de leurs deux peuples. Enfin, Donald Trump a confirmé qu’il était toujours en position de gagner en novembre prochain.
Quelqu’un a-t-il réfléchi profondément, sérieusement, collégialement, cet été, n’importe où dans le monde, à ce qu’il faudrait faire pour éviter le chaos universel et l’effondrement planétaire que tout cela suggère ? Probablement pas : nous continuons à nous comporter comme si nous ne voyions rien.
Si l’on ne peut s’étonner qu’un épais voile entoure les projets des dictatures, comment comprendre que les démocraties n’aient pas davantage profité de cet été pour réévaluer, en toute transparence, leurs réponses à ces défis, pour en débattre ouvertement et se lancer enfin dans la mobilisation générale que les circonstances imposent.
Ils en ont eu l’occasion : la plupart d’entre eux ont traversé, ou traverseront avant la fin de l’année, des périodes électorales majeures. Tous ont donc eu le temps, et le devoir, d’organiser cet été de vastes ateliers de réflexion stratégique et programmatique.
Il n’en fut rien. Comme toujours, les hommes politiques d’une démocratie ont tergiversé. (Et, si l’on veut y regarder de plus près, beaucoup d’entre nous ont également tergiversé, dans leur vie professionnelle ou personnelle ; mais c’est un autre sujet).
En France notamment, un pays criblé de problèmes : trop d’injustices, trop d’obstacles à la réussite des femmes et des jeunes issus de milieux défavorisés et de minorités, trop de bureaucratie, trop de couches administratives, trop de réglementations, trop d’impôts, pas assez d’ingénieurs, d’aides-soignants, d’enseignants.
On aurait aimé que les partis politiques prennent le temps, cet été, de revenir sur les programmes qu’ils ont dû expédier en une semaine avant les législatives improvisées, et de débattre, entre eux et avec tous les acteurs syndicaux et associatifs, des priorités du pays. Mais non. Nous n’avons eu, comme depuis des années, que des postures et des débats personnels : le Rassemblement national a entamé une hibernation qui ne prendra fin qu’avec la prochaine campagne présidentielle ; la France Insoumise a continué à ne penser qu’au second tour de ces mêmes élections présidentielles, et à tout faire pour y affronter le candidat de l’extrême droite ; les autres partis ne savent plus où ils en sont, ballottés entre adversaires vociférants et alliés encombrants.
Après la nomination d’un Premier ministre, il faudra encore constituer un nouveau gouvernement ; un programme cohérent devra être élaboré, soumis au Parlement et mis en œuvre. Par ce gouvernement et par ceux qui lui succéderont d’ici les prochaines élections présidentielles. Et après. Qui le prépare ?!
La France est toujours un très grand pays. Non seulement parce qu’elle a su magnifiquement organiser les Jeux Olympiques et accueillir ceux qui sont venus y participer et y assister ; surtout parce qu’elle est redevenue un pays de croissance et d’innovation, un pays qui accueille les talents et les investisseurs, et qu’elle reste l’un des pays à l’avant-garde du plus grand projet géopolitique lancé dans le monde depuis 1945 : l’union pacifique des nations d’Europe.
Aucun gouvernement en France ne réussira s’il ne s’appuie pas sur ses succès (attractivité économique et construction européenne) pour remédier à ses échecs (école, hôpitaux, bureaucratie, justice sociale). Cela demande bien plus que des noms et des postures.
j@attali.com
Image : Pexels.