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Quelles sanctions l’UEFA peut-elle (ou ne peut-elle pas) prendre après la célébration controversée du Turc Merih Demiral

Le défenseur de l’équipe nationale turque a célébré un but marqué en huitièmes de finale contre l’Autriche avec un geste attribué à un groupe d’extrême droite.

France Télévisions – Éditorial Sport

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La célébration controversée du joueur turc Merih Demiral, lors du match des huitièmes de finale contre l'Autriche le 2 juin 2024 à Leipzig. (RONNY HARTMANN / AFP)

L’UEFA va-t-elle sévir ? Merih Demiral a beau être le héros de la qualification de la Turquie face à l’Autriche, mardi 2 juillet, en huitième de finale de l’Euro, il est aussi devenu la cible d’une enquête de l’UEFA, la fédération européenne de football. En cause : sa célébration après ses deux buts, les mains levées avec l’auriculaire et l’index levés, symbole des « Loups Gris », groupuscule d’extrême droite turc, interdit en France notamment. Merih Demiral est accusé d’avoir « comportement potentiellement inapproprié »Pour l’instance dirigeante du football, ce geste va théoriquement à l’encontre de son principe de neutralité.

Les statuts de l’UEFA définissent en effet l’organisation comme « politiquement et religieusement neutre », dans les articles 1 et 2. Le geste du défenseur turc pourrait donc amener l’institution à sanctionner Merih Demiral. « enquêteur éthique et disciplinaire » a été désigné par l’UEFA, qui dévoilera ses conclusions à l’issue de cette enquête. Mais la fédération a-t-elle vraiment l’arsenal pour imposer un blâme ? Ses textes n’offrent pas de réponse précise.

La suspension d’un match est prévue par l’article 15 du règlement disciplinaire de l’instance, relatif à la « comportement incorrect des joueurs et des officiels » au cas où « insulter un joueur ou une autre personne présente au match », de « conduite antisportive », ou de « provocation des spectateurs »Mais le règlement ne précise pas en détail si un geste politique, quel que soit le symbolisme associé, est insultant, antisportif ou provocateur.

L’article 14 du même règlement fait spécifiquement référence aux cas de « racisme et comportement discriminatoire ». « Toute personne soumise au présent règlement (…) qui porte atteinte à la dignité d’une personne ou d’un groupe de personnes, pour quelque cause que ce soit, notamment leur couleur de peau, leur race, leur religion, leur origine ethnique, leur sexe ou leur orientation sexuelle, est passible d’une suspension d’au moins dix matches ou d’une suspension à durée déterminée, ou de toute autre sanction appropriée », peut être lu. Mais il reste à l’UEFA de déterminer si le geste de Merih Demiral est, par nature, discriminatoire.

Les précédents ne sont pas légion. En 2013, l’UEFA avait appliqué cette règle en suspendant le Croate Josip Simunic pour dix matches. Ce dernier avait effectué des saluts du mouvement fasciste « Oustachi » avec des supporters. Pour un geste politique, un mime de l’aigle à deux têtes du drapeau albanais lors d’un match contre la Serbie lors du Mondial 2018, les deux joueurs suisses Xherdan Shaqiri et Granit Xhaka n’ont écopé que de sanctions financières. Le geste, en soutien au Kosovo, pays d’origine des deux joueurs, a été perçu en Serbie comme une provocation et un symbole nationaliste, alors que la Serbie n’a jamais reconnu l’indépendance du Kosovo.

L’UEFA interdit néanmoins la « transmission par geste, parole, objet ou par tout autre moyen de tout message provocateur impropre à une manifestation sportive, notamment tout message provocateur à caractère politique, idéologique, religieux ou injurieux » à l’article 16 de son règlement disciplinaire. Mais cela ne concerne que « cas de conduite inappropriée de supporters » et non des joueurs. Et si « utiliser un événement sportif pour un événement sans rapport avec le sport » est contraire à la « principes généraux de conduite » dictée par le règlement disciplinaire de l’UEFA, la sanction « en passant
disciplinaire » La disposition visée à l’article 11 prévoit un large éventail de sanctions, allant de la suspension au simple blâme.

Lors d’un match entre la Turquie et l’équipe de France en 2019, les joueurs turcs avaient effectué un salut militaire en guise de célébration, dans le contexte d’une intervention armée en Syrie. L’UEFA avait infligé une amende de 50 000 euros à la fédération turque pour le comportement de ses supporters, avait adressé des blâmes aux joueurs ayant effectué le salut, mais n’avait prononcé aucune sanction sportive.

Le président de l’UEFA, Aleksander Ceferin, a déclaré en 2021 dans le quotidien allemand Le monde que son institution ne voulait pas être « utilisé dans des actions populistes »tandis que le stade de Munich avait été illuminé aux couleurs du drapeau arc-en-ciel, en soutien à la communauté LGBTI, en marge d’un match entre l’Allemagne et la Hongrie. Le parlement hongrois avait adopté quelques jours plus tôt une loi interdisant « la promotion de l’homosexualité » parmi les mineurs.« En raison de la popularité du football, les gens tentent trop souvent d’abuser des associations sportives à leurs propres fins », a ajouté Aleksander Ceferin.

En attendant les conclusions de l’enquête de l’UEFA, le geste de Merih Demiral n’est déjà pas sans conséquences politiques. L’ambassadeur de Turquie a été convoqué à Berlin jeudi matin, a annoncé à l’AFP un porte-parole du ministère allemand des Affaires étrangères, alors que la veille, l’ambassadeur allemand avait été convoqué par Ankara. La ministre allemande de l’Intérieur Nancy Faeser avait estimé que « « Le symbole de l’extrême droite turque n’a pas sa place dans nos stades ».

Sur fond de ces tensions diplomatiques, le président turc Recep Tayyip Erdogan assistera samedi à Berlin au match de quart de finale de l’équipe turque contre les Pays-Bas, a annoncé la présidence turque à l’AFP.

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