Une semaine après les terribles inondations qui ont dévasté le sud-est de l’Espagne, le pays compte toujours ses morts : au moins 219 personnes ont été tuées par les torrents d’eau boueuse qui ont déferlé sur les régions de Valence, d’Andalousie et de Castille-La Manche, tandis que 93 autres sont toujours portés disparus. Sur le terrain, près de 15 000 militaires et policiers sont déployés pour aider la population à se remettre de ce drame.
Le gouvernement a dévoilé ce mardi 6 novembre un plan d’aide de 10,6 milliards d’euros en faveur des dizaines de milliers d’habitants et d’entreprises sinistrés. Comme dans l’agriculture, secteur où les dégâts sont impressionnants, notamment dans les champs d’agrumes, dont la région de Valence est un grand exportateur. Au total, 50 000 hectares de cultures pourraient être touchés, notamment des kakis, des oranges et des mandarines, ainsi que des vignobles et des jardins maraîchers.
Quelles sont les pertes ?
S’il est trop tôt pour connaître le montant exact des dégâts, les pertes agricoles sont « catastrophique » et ses conséquences « incalculable »assure le syndicat agricole espagnol Asaja. « Nous sommes confrontés à une catastrophe… Les pertes s’élèveront à des millions (d’euros) »» confirme Ricardo Bayo, secrétaire de l’Union des Petits Producteurs de Valence. Les agriculteurs feront le point à mesure que les routes rouvriront et pourront accéder à leurs champs, actuellement impraticables.
De son côté, l’Association des Paysans de Valence a déclaré que les récoltes d’oranges, de kakis et de mandarines seraient perdues. «Maintenant, les fruits vont pourrir. Même les arbres peuvent mourir parce qu’ils sont restés trente-six heures sous l’eau… Avec la chaleur, l’humidité… Le champignon va les attaquer aussi”» a déclaré à Reuters un producteur de fruits espagnol depuis sa ferme de la Communauté valencienne.
Dans la région rizicole de l’Albufera – l’Espagne est le deuxième producteur de riz d’Europe – les champs ont également été complètement submergés par l’eau, ne laissant que quelques bâtiments agricoles et arbres visibles au-dessus des vagues.
Pourquoi la France est-elle inquiète ?
L’Espagne, surnommée le « verger de l’Europe », est le premier producteur et exportateur de fruits et légumes de l’Union européenne. La France, très dépendante de son voisin du sud pour son approvisionnement, a par exemple importé 9,1 milliards d’euros de produits agricoles et agroalimentaires espagnols en 2021, selon les chiffres du ministère de l’Économie. L’Espagne fournit ainsi à la France des courgettes, des concombres, des artichauts, des salades, mais aussi des agrumes dont la saison ne fait que commencer. La région de Valence figure également parmi les principaux exportateurs mondiaux d’oranges.
Conséquence directe de cette catastrophe climatique, les approvisionnements prennent plus de temps dans les rayons français. Comme au marché Saint-Charles de Perpignan, une des portes d’entrée des fruits et légumes, revendus ensuite dans toute l’Europe, explique France Bleu Roussillon. « Les transporteurs espagnols ne peuvent pas prendre l’autoroute directe pour rentrer à Barcelone et livrer en France »selon l’exploitant d’une entreprise de transport interrogé par la radio locale. En effet, les pluies torrentielles ont provoqué un glissement de terrain sur l’A27, entre Barcelone et Tarragone, au nord-est de l’Espagne, dont une partie a été entièrement ensevelie.
Y a-t-il des risques de pénurie ?
Au marché d’intérêt national de Rungis, qui approvisionne les professionnels de toute la région Ile-de-France, nous assurons qu’il n’y a pas « aucune pénurie constatée actuellement » sur les agrumes car la majorité vient de Corse, de Nice ou de Menton. Cependant, « Certains grossistes spécialisés en agrumes qui s’approvisionnent en Espagne rencontrent des difficultés», notamment avec les kakis, les oranges et les clémentines. « L’impact est limité et les routes d’approvisionnement rouvrent progressivement», assure néanmoins le marché.
Les distributeurs s’inquiétaient dans un premier temps d’éventuelles pénuries, comme Carrefour qui prévenait ses clients que« En raison du mauvais temps en Espagne, certains fruits et légumes (pourraient) manquer temporairement des rayons ». Une peur vite balayée : « Nous avons eu très peu d’impact, nous avons fait ce message de manière préventive car certains camions transitent par l’Espagne »explique le géant de la grande distribution à Libéreret assure que « Tout est revenu à la normale. » Quant à Coopérative U (Super U, Hyper U, Utile), nous ne souhaitons pas faire de commentaire « l’absence (ponctuelle) de certaines références dans les rayons », « anecdotique » confrontés aux conséquences dramatiques des inondations. Les magasins précisent encore qu’il existe bel et bien « Il y a actuellement des pénuries d’approvisionnement pour certains agrumes (clémentines, citrons, etc.) ».
Et les restaurants ?
Selon le Groupement national de l’hôtellerie-restauration indépendante (GNI), les grossistes qui approvisionnent les restaurants s’attendent à une baisse de 30% des importations de fruits et légumes dans les deux prochaines semaines, toujours sur les kakis et les agrumes, mais aussi les salades. « On y verra plus clair fin novembre, tant sur la hausse des prix – car il y en aura une – que sur la durée de cette inflation, que nous estimons relativement courte »précise Laurent Fréchet, président de la branche restauration du GNI.
Car tout dépend des dégâts constatés sur les exploitations agricoles. « Si ce sont les outils de production qui sont détruits, leur remplacement peut être relativement rapide. En revanche, si ce sont les arbres fruitiers qui sont touchés, cela prendra des années. explique Laurent Fréchet. Si les pénuries perdurent, le professionnel compte sur une réorganisation du secteur avec de nouveaux fournisseurs, ailleurs en Espagne ou au Maghreb.