quelles conséquences pour la COP29 et les négociations climatiques ?
Un climato-sceptique revient à la Maison Blanche. Lors de sa campagne présidentielle victorieuse contre la démocrate Kamala Harris, le républicain Donald Trump a promis d’annuler les subventions aux énergies renouvelables et aux véhicules électriques, pour « percer à tout prix » et sortir à nouveau de l’accord de Paris. Lors de sa prise de fonction en janvier, le président élu retrouvera sur son bureau (ovale) les décrets préparés par son équipe de transition, dont l’un, une fois signé, officialisera le divorce entre les États-Unis et les 194 autres partis signataires, tous engagé dans une réduction volontaire des émissions de gaz à effet de serre.
Alors que la 29e Conférence de l’ONU sur les changements climatiques, COP29, doit s’ouvrir lundi 11 novembre à Bakou (Azerbaïdjan), le désengagement américain annoncé va-t-il compromettre le bon déroulement des négociations ? Cet éloignement de Washington, jugé inévitable, devrait rebattre les cartes de la diplomatie climatique : un outil certes contesté, mais particulièrement précieux pour lutter contre un péril sans frontières.
A la COP29, « les États-Unis étaient censés prendre plusieurs mesures », » déplore Tom Rivett-Carnac, spécialiste des stratégies politiques climatiques, dans le podcast Outrage+Optimism. « Sous une administration Harris, un nouvel engagement national (réduction des émissions) devait être prise au premier trimestre de l’année prochaine » ainsi que,« en théorie, un nouvel objectif collectif en matière de financement » de la lutte contre le réchauffement climatique. Au micro du podcast qu’il co-anime, il déplore encore de voir, avec l’élection de Donald Trump, disparaître « la possibilité de discussions entre les Etats-Unis et la Chine » qui aurait « a envoyé un signal au monde pour qu’il élève ses ambitions ».
Plutôt« La nouvelle administration Trump va pulvériser la diplomatie climatique mondiale avec un boulet de démolition », alerte dans Le Gardien la directrice politique de l’ONG Union of Concerned Scientists, Rachel Cleetus. Même ceux qui se vantent « résilience » de l’accord de Paris, déjà éprouvé par un premier retrait américain entre 2017 et 2022, lors du premier mandat Trump, craignent que l’action mondiale en faveur du climat n’en prenne un coup, après le retrait américain attendu. Parmi ces voix, l’économiste et diplomate Laurence Tubiana. En 2024, « le contexte mondial est plus propice à voir d’autres pays lui emboîter le pas »souligne-t-elle dans Libérer.
En rejoignant l’Iran, le Yémen et la Libye dans la liste des pays non signataires, les États-Unis pourraient donner des idées à l’Argentine, dirigée par un populiste d’extrême droite climato-sceptique, Javier Milei, ainsi qu’au Venezuela, État pétrolier sous contrôle. d’un régime autoritaire de gauche, illustre-t-elle. Si elle ne perçoit à ce stade aucune velléité sécessionniste chez d’autres États, Lola Vallejo, de l’Institut du développement durable et des relations internationales, note que « La victoire très nette de Donald Trump crée un climat d’incertitude très important sur les négociations » de la COP29, dédiée à la question de la finance.
«Le fait que tous les pays soient paralysés par l’annonce de l’administration Trump constitue un risque important et il sera très négatif.»
Lola Vallejo, conseillère climat de l’Iddrisur franceinfo
Autre crainte : que ce retrait américain condamne l’objectif de l’accord de Paris – maintenir la hausse des températures moyennes mondiales en dessous de 1,5°C – et mine donc la crédibilité de l’effort diplomatique. En mars, le média spécialisé Carbon Brief estimait qu’un second mandat du républicain entraînerait l’émission de plusieurs milliards de tonnes équivalent CO2 d’ici 2030 par rapport à la poursuite de la politique du démocrate Joe Biden. L’abandon par les États-Unis de leurs objectifs – fixés à environ -50 % de ces émissions par rapport à 2005 d’ici 2030 – serait d’autant plus pénalisant pour l’ensemble de la planète que le pays est le plus grand émetteur historique de gaz à effet de serre au monde et est l’un des plus grands producteurs de pétrole et de gaz.
Par ailleurs, en 2001, le refus des États-Unis de ratifier le protocole de Kyoto a porté un coup fatal à cette première tentative diplomatique d’impliquer la communauté internationale dans la lutte contre le réchauffement climatique.
A l’inverse, Brendan Guy, de l’ONG américaine Conseil de défense des ressources naturellesestime qu’une sortie américaine de l’accord de Paris pourrait inciter d’autres pays à accélérer le rythme. « Nous nous attendons à un réengagement mondial retentissant en faveur des objectifs de l’Accord de Paris… pour isoler l’administration Trump et poursuivre les progrès mondiaux.« , dit-il à franceinfo. Le probable désengagement des Etats-Unis est sans doute une mauvaise nouvelle. « pour ceux d’entre nous qui croient à la collaboration internationale et aux efforts multilatéraux », souligne l’ancienne secrétaire exécutive de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, Christiana Figueres, dans son podcast dédié au climat. Mais ce qui compte, poursuit-elle, « Il s’agit de regarder ce que la Chine va faire. »
Pékin « veut vraiment faire partie de la structure multilatérale et être reconnu comme un leader, sinon LE leader, du moins des pays en développement »poursuit le diplomate. Dans ces conditions, la décision américaine « ouvre une opportunité incroyable » pour la superpuissance asiatique, qui a annoncé, deux jours après l’élection de Donald Trump, qu’elle adopterait une loi énergétique ambitieuse en vue d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2060.
« En quittant l’accord de Paris, les États-Unis perdront naturellement leur influence sur la création de règles internationales sur le climat. » confirme Li Shuo, directeur du China Climate Hub à l’Asia Society Policy Institute. « Cela se fait à leurs dépens » ajoute-t-il, lors d’une conférence organisée par le média spécialisé Carbon Brief. A ses côtés, Mohamed Adow, directeur du think tank Power Shift Africa, abonde dans le même sens : « Ce que nous attendons à Bakou et ensuite, c’est de voir le reste du monde démontrer que les pays avancent ensemble, avec ou sans l’administration Trump..«
« Nous constatons que la Chine est en train de gagner la course à la transition énergétique, mais ce n’est qu’une perte gigantesque si l’on la considère du point de vue des citoyens américains. (…) D’autres puissances émergeront dans les technologies et les énergies propres. »
Mohamed Adow, directeur de Power Shift Afriquelors d’une conférence organisée par le média spécialisé Carbon Brief
« L’accord de Paris tient notamment parce que l’Union européenne et la Chine s’y sont engagées et que de nombreux acteurs économiques américains, même parmi les partisans de Trump, développent déjà des technologies pour un monde décarboné. » note de son côté le réalisateur d’Iddri, Sébastien Treyer. L’Agence internationale de l’énergie anticipait également dans son dernier rapport « un pic de demande pour tous les combustibles fossiles (pétrole, gaz et charbon) d’ici la fin de la décennie », notant « un pic et un affaiblissement de la croissance de la demande mondiale de pétrole ».
Sébastien Treyer craint cependant qu’un durcissement du conflit commercial entre la Chine et les Etats-Unis, que Donald Trump menace de rouvrir, ne pénalise l’Europe et surtout les pays les plus vulnérables. « Il sera donc d’autant plus important de resserrer les rangs entre les pays pour lesquels la coopération est vitale. »
« Peu importe ce que dit Trump, quoi qu’il arrive, la transition vers les énergies propres est inévitable aux États-Unis »assure Gina McCarthy, conseillère nationale pour le climat de Joe Biden et membre de l’initiative America is All In, créée en 2017 pour rassembler les acteurs américains désireux d’agir malgré le premier retrait de l’accord de Paris. « Notre coalition est plus grande, plus bipartite, mieux organisée et pleinement préparée à apporter des solutions climatiques, à stimuler les économies locales et à faire progresser les ambitions climatiques »elle continue dans Le Gardien.
Lors de l’annonce de l’élection de Donald Trump, le gouverneur de Californie, Gavin Newsom, a même envisagé d’annuler son projet de se rendre à la COP29 pour assurer le reste du monde de l’engagement de son État en faveur du climat, mais il a changé d’avis, rapporte Politico. dans sa newsletter du samedi.