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« Quelle histoire ! » : sur Arte, l’art raconte les inégalités sociales

À qui appartiennent les corps des pauvres, des moins que rien, des parias de la société ? Et comment les puissants en disposent-ils ? Maud Gangler et ses trois co-réalisatrices, Elisa Hélain, Noémie Mayaudon et Clara Losi, ont initié une collection documentaire qui, à partir de tableaux plus ou moins célèbres, répond à ces deux questions : pendant longtemps, le corps des déshérités a été un « jouet », selon la formule d’une lettre.

En six épisodes d’une dizaine de minutes chacun, cette série documentaire rétablit l’identité des malheureux, tout en montrant les mouvements systémiques de la société. Le tout en manipulant une immense quantité d’archives sourcées sur Internet. Une triple leçon d’histoire de l’art, d’histoire des inégalités et de méthodes de recherche fiables.

Ceux qui sont dans l’angle mort

Tous les tableaux, qu’ils représentent un portrait ou une scène, ont un sujet central. Mais ce qui intéresse les auteurs, au contraire, ce sont justement les individus qui sont dans l’angle mort des œuvres. Comme dans le premier épisode, ce petit garçon noir qui sert la comtesse du Barry, maîtresse de Louis XV, dans un tableau de Gautier-Dagoty.

Des recherches plus poussées révèlent qu’il s’agit de Louis-Benoît Zamor, un esclave, à une époque où la France pratiquait activement le commerce triangulaire, mais où la loi donnait théoriquement à tout captif débarquant en France le statut d’homme ou de femme libre.

Or, Zamor, comme tant d’autres, fut offert en cadeau, à l’âge de 4 ans, à la comtesse de Barry. Cette pratique du « don humain » était courante dans toute l’Europe, parmi la noblesse du XVIIIe siècleet siècle. La servante noire, l’esclave, était un accessoire de mode. Non pas un être humain doté de raison, de sentiments, de liens sociaux et familiaux, mais un objet. Avant les Noirs, la mode était réservée aux nains, nous raconte cette série documentaire dans son cinquième épisode, avec le destin non moins terrible de Marie Barbola, engagée au service de l’Infante d’Espagne.

Les mêmes classes mutilées

Les corps des pauvres, même libres, ne sont pas épargnés. Un tableau de Francesco Battaglioli met ainsi en lumière le destin de Farinelli, le célèbre castrat du XVIIIe siècle.et siècle célèbre dans toute l’Europe. Et ce n’était pas un cas isolé : le Vatican s’appuyait sur des familles pauvres pour émasculer de jeunes garçons dans des conditions méprisables.

Il en va de même pour la recherche médicale : un tableau de Robert Thom représente, dans le troisième épisode, James Marion Sims, le gynécologue qui a inventé le spéculum. Qui, pour mener ses expériences, utilisait le corps d’esclaves : ses trois cobayes ont subi chacun quarante opérations. Sans consentement ni anesthésie.

Enfin, il est aussi facile pour les classes dirigeantes de se débarrasser des corps de ces derniers. Comme Ninon de Lenclos, alors courtisane, qu’Anne d’Autriche, la mère de Louis XIV, avait fait enfermer dans un couvent. Ou cet inconnu d’un tableau de 1927, un homme habillé en femme dans le Berlin de l’époque, emporté par le mauvais vent du nazisme. Le travail remarquable de cette série, ses découvertes visuelles et son format la rendent accessible à tous.

Quelle histoire ! Arte.tv

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Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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