Elle a la couleur et l’apparence de la cocaïne, elle est vendue au gramme et elle se prend de la même manière, directement dans le nez à l’aide d’une paille (fournie). Inspiré d’un produit similaire, déjà distribué en Suisse, en Allemagne et en Autriche, « Sniffy » est une sorte de cocktail de substances actives présentées comme « énergisantes » et « festives ». Et si le produit est légal en France, la comparaison inévitable de son mode d’administration avec celui de la coke pose question.
Sans le nommer, le produit conçu par Highbuy, spécialiste marseillais du CBD, a été présenté mardi sur M6, dans l’émission « La grande semaine ». La séquence, postée sur Instagram, a suscité de nombreuses réactions. Parfois ironique, sur les légendes urbaines entourant le monde de l’audiovisuel, souvent choqué, face à cette « initiation à la coke ». Et si le produit existe réellement, il n’est pourtant pas si simple de s’en procurer. Aucun buraliste à Lille ne le propose par exemple, et aucun n’en a même entendu parler. Même le concepteur de Sniffy a été surpris par 20 minutes que son produit aurait pu être acheté dans un bureau de tabac à Paris.
« Ça peut choquer les gens »
Bref, le patron de Highbuy, qui préfère ne pas voir son nom cité, s’attendait à ce que le parallèle entre son produit et la cocaïne « revienne ». A 20 minutes, il reconnaît que « ça peut choquer les gens ». Et s’il « peut comprendre » qu’« on peut faire l’amalgame » sur le mode d’administration, il nie toute incitation. « Une poudre blanche qu’on inhale par le nez ? Même si cela peut suggérer un plaisir interdit, c’est tout à fait conforme à la loi », était-il encore écrit sur le site Sniffy avant notre appel. Une affirmation dont la deuxième partie a été remplacée par une autre, plus douce : « Pas de confusion, Sniffy est légal. »
Car, légale, sa poudre blanche est en fait légale, dûment agréée par les services de la DGCCRF confirme l’entrepreneur. Présenté par ce dernier comme un « complément alimentaire », il contient de l’arginine, de la caféine, de la créatine, de la citrulline, de la taurine, de la bêta-alanine et de la maltodextrine. Vérification faite, aucune de ces substances n’est interdite ni même considérée comme un produit dopant. « Ce produit semble être un composé qui s’apparente aux poudres que les sportifs peuvent utiliser pour la musculation, on retrouve beaucoup d’acides aminés et de composés musculaires », analyse Guillaume Grzych, médecin biologiste en biochimie spécialisé au CHU de Lille.
« Banalisation » du mode d’administration de la coke
Selon lui, si aucun de ces composants n’est dangereux individuellement, « ce qui peut l’être, ce sont les doses et les modes de consommation, qui peuvent conduire à des surdoses et avoir des conséquences à long terme ». Le patron de Sniffy précise lui-même qu’il ne faut pas dépasser une dose de deux grammes par jour. Concernant le mode d’administration, justement, le concepteur assume la recherche d’un « effet immédiat ». En effet, le biologiste reconnaît que l’administration nasale est « une voie qui va amener presque directement le produit dans la circulation sanguine ». Mais il y voit aussi un « risque secondaire de blessure ».
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Comme vous pouvez l’imaginer, si ce produit était présenté sous forme de boisson ou de suppositoire, il n’y aurait pas de débat. « Le problème, c’est qu’on a là une forme de banalisation d’un mode d’administration qui est principalement celui de la cocaïne dans l’imaginaire collectif », déplore Alain Morel, psychiatre spécialiste des addictions. Pour le médecin, ce n’est pas une question de légalité : « Autoriser cela me choque d’autant plus que les pouvoirs publics ont l’expérience de ce type de produit incitatif à destination des jeunes, avec des cigarettes ou des choux au chocolat. »
Le patron de Sniffy affirme que les jeunes ne sont pas sa cible. Promettant qu’il ne cherchait pas de « buzz », il s’est néanmoins félicité de la visibilité inattendue.
