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Quel est le résultat pour Joe Biden, après un mandat qui semblait inachevé ?

Le démocrate s’est retiré de la course à la Maison Blanche le 21 juillet. S’il a été salué par son camp pour avoir relancé l’économie du pays, ses résultats mitigés sur l’immigration ternissent son bilan.

Il veut « Passer le flambeau à une nouvelle génération »Un mois après avoir renoncé à la course à la présidentielle, Joe Biden a officiellement cédé le rôle de représentant des démocrates à Kamala Harris, lundi 19 août. Il a franchi cette ultime étape lors de la convention nationale du parti, qui se tient à Chicago, dans l’Illinois, jusqu’au jeudi 22 août. Après l’avoir poussé vers la sortie en raison de son âge, les membres de son camp n’ont cessé de saluer l’une des personnalités les plus influentes du parti. « des présidents les plus importants » des États-Unis. À commencer par son vice-président et successeur, qui l’a félicité en juillet pour son bilan « sans précédent dans l’histoire moderne ».

Le président lui-même a salué son bilan dans un discours à la nation fin juillet. « Je crois que mon bilan en tant que président, mon leadership sur la scène mondiale, ma vision de l’avenir de l’Amérique méritaient un second mandat. »Il a déclaré. Tout d’abord, c’est sa politique environnementale, qui est considérée « le plus fort » Un discours historique prononcé par l’un des conseillers climatiques de Barack Obama, porté aux nues. Dès le premier jour de son mandat, le démocrate a détricoté les politiques destructrices du climat mises en œuvre par Donald Trump : il a confirmé le retour des États-Unis dans l’accord de Paris et suspendu le projet d’oléoduc Keystone XL, destiné à transporter le pétrole des sables bitumineux entre le Mexique et le Canada.

Des opposants aux oléoducs Keystone XL et Dakota Access manifestent contre les deux projets à Washington, DC, le 24 janvier 2017. (SAUL LOEB / AFP)

Joe Biden a donné un nouveau souffle à l’Agence de protection de l’environnement (EPA), « mis sous silence par Donald Trump, qui avait a nommé un ancien lobbyiste du pétrole à sa tête« rappelle Ludivine Gilli, directrice de l’Observatoire nord-américain à la Fondation Jean-Jaurès. « L’EPA avait perdu une partie de ses employés et sa capacité d’action, à cause des directives de la présidence. L’administration Biden lui a redonné les moyens de contrôler les émissions polluantes »souligne le spécialiste.

Mais du côté des hydrocarbures, le bilan est moins vert. Sous Joe Biden, les États-Unis ont consolidé leur position de premier producteur mondial de pétrole, battant même des records en 2023, selon l’Agence américaine de l’énergie. Alors qu’il avait promis d’interdire de nouveaux forages sur les terres fédérales, le président a donné son feu vert à plusieurs projets, dont le très controversé Willow en Alaska.

Au lieu de réduire la production d’énergies fossiles, Joe Biden a développé les renouvelables, en y consacrant des milliards de dollars. Les usines de panneaux solaires et d’éoliennes ont fleuri au Texas et, d’ici 2023, l’énergie propre couvrira près d’un quart de la demande d’électricité du pays, selon BloombergNEF. Des crédits d’impôt pour l’achat d’une voiture électrique produite aux États-Unis ont également vu le jour, tout comme les usines de batteries et de chargeurs, un secteur abreuvé de subventions.

Ces investissements s’inscrivent dans un plan plus vaste : l’Inflation Reduction Act (IRA), adopté en 2022. Présenté comme un moyen de lutter contre l’inflation (qui a grimpé à 8 % en 2022, selon le FMI), il est doté d’un budget de 400 milliards d’euros sur dix ans. Outre l’enveloppe dédiée à la transition énergétique, le plan de l’administration Biden contient un volet santé. Objectif : réduire le prix des médicaments en autorisant Medicare (assurance maladie publique) à les négocier avec les laboratoires pharmaceutiques. Depuis janvier 2023, « L’IRA a atteint un plafond le coût de l’insuline pour les bénéficiaires de Medicare à 35 $ par mois »illustre le Comité sénatorial sur le vieillissement.

Ces réformes complètent un vaste plan pour les infrastructures du pays, adopté en 2021. « Cela a ouvert de nombreuses opportunités d’investissement dans la réparation des routes et des pontsports, Internet haut débit dans les zones rurales et réserves indigènessystèmes d’approvisionnement en eau… », Liste de Ludivine Gilli. Le Trésor américain s’est réjoui en novembre de voir ces fonds bénéficier particulièrement « aux États qui en avaient le plus besoin »ceux « dont l’infrastructure a été la moins bien notée ».

« Ces investissements contribuent à améliorer la vie quotidienne des gens. Mais il faut du temps pour réaliser ce travail. »

Ludivine Gilli, spécialiste des États-Unis

à franceinfo

A six mois de la fin de son mandat, les indicateurs économiques sont au vert. Avec une croissance de 1,9% en 2022 et 2,5% en 2023 selon le FMI, Joe Biden est parvenu à maintenir à flot l’économie du pays. Le taux de chômage avait bondi à 14,7% en avril 2020, en raison de la pandémie. Il tourne autour de 3 à 4% depuis un an, selon l’institut de données économiques Trading Economics. Il est toutefois remonté légèrement à 4,3% en juillet, soit le taux de chômage le plus élevé depuis octobre 2021. De quoi provoquer un vent de panique sur les marchés boursiers le 5 août, qui sont finalement revenus à une quasi-normalité le lendemain.

Les Américains ne semblent pas voir ces améliorations. 42% d’entre eux déclaraient mi-juillet que leur situation financière s’était dégradée sous Joe Biden, selon un sondage Ipsos pour ABC News. « Si l’on prend en compte les prix de l’essence et de l’immobilier, ou l’inflation, le pays n’est pas encore revenu aux niveaux du début de son mandat. »note Ludivine Gilli. Il est également trop tôt pour tirer un bilan de certaines politiques. « Ses deux grands projets d’investissement auront probablement un impact très important, mais à moyen et long terme. »

Avant l’annonce du retrait de Joe Biden, seuls 35% des Américains lui faisaient confiance pour améliorer la situation économique, contre 45% pour Donald Trump, selon ABC News. Ils étaient aussi plus nombreux à miser sur le républicain pour gérer la crise migratoire à la frontière avec le Mexique. Et pour cause : depuis 2021, les entrées irrégulières aux Etats-Unis ont atteint des niveaux records, rapporte l’agence AP. Le pic a été atteint en décembre 2023, lorsque près de 250.000 migrants ont traversé illégalement la frontière.

« Lorsque Joe Biden est arrivé au pouvoir, il y avait encore des restrictions de voyage liées au Covid-19, note Ludivine Gilli. Mais elles ont été progressivement levées, notamment dans les pays d’Amérique centrale, et les migrants ont recommencé à se rassembler aux frontières. Début juin, Joe Biden a finalement pris des mesures pour limiter le nombre d’entrées quotidiennes aux États-Unis. Mais il est difficile de savoir si ces mesures sont les seules responsables de la baisse des passages, qui avait commencé avant leur mise en place.

L’économie n’a pas été le seul défi du mandat de Joe Biden. Outre la pandémie, sa première année à la Maison Blanche a été marquée par le retrait de l’armée américaine d’Afghanistan. Alors que ce départ avait été décidé sous Donald Trump, les images de soldats évacuant Kaboul à la hâte et la mort de 13 militaires ont fait chuter la cote de popularité du président.

Le corps d'un militaire américain est transféré à Dover, dans le Delaware, aux États-Unis, le 29 août 2021. Il avait été victime d'un attentat suicide à la bombe à l'extérieur de l'aéroport de Kaboul, en Afghanistan, trois jours plus tôt. (GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP)

Comme l’a rappelé le Le New York Timesle démocrate a également hérité d’un « affrontement » commerce avec la Chine. A cela s’ajoutent deux guerres majeures, à Gaza et en Ukraine. Joe Biden a débloqué 100 milliards de dollars d’aide militaire pour soutenir Kiev, alors qu’aucun accord de sécurité ne l’y obligeait. Il a également obtenu de la Russie, avec d’autres pays occidentaux, l’échange de 26 prisonniers début août, un échange qui a été une première pour les Etats-Unis. « exploit diplomatique »dans ses mots. « J’ai du mal à imaginer comment l’OTAN aurait géré l’invasion de l’Ukraine sous Trump »s’interroge Jeff Hawkins, chercheur associé au CERI et ancien diplomate américain. En février, le républicain avait laissé entendre qu’il pourrait refuser de défendre ses alliés si Moscou attaquait.

Joe Biden s’est pour sa part félicité lors du dernier sommet de l’Otan d’avoir renforcé l’alliance – et même d’avoir contribué à son élargissement. « La Suède et la Finlande ont rejoint l’OTANalors qu’historiquement ces deux nations ont suivi une doctrine de neutralité »continue Jeff Hawkins.

Sur le plan social, Joe Biden a souffert d’un contexte sur lequel il avait parfois peu de prise. « Les démocrates soutiennent les initiatives visant à protéger les droits, mais nombre de ces pouvoirs dépendent des États.« , pointe Ludivine Gilli. Ou la Cour suprême. En 2022, la plus haute juridiction du pays a annulé un jugement garantissant le droit à l’avortement, entraînant une restriction ou une interdiction de l’avortement dans 21 États, selon le décompte de la Cour suprême. Le New York Times. « Il est compliqué pour Joe Biden d’avoir un impact décisif sur ce sujet, insiste l’historien. C’est pourquoi il appelle à élire des démocrates. (au Congrès cet automne)de revenir sur ces échecs.

L’élection du 5 novembre sera décisive pour la capacité des démocrates à légiférer sur les droits civiques, mais aussi pour la marque que Joe Biden laissera à la Maison Blanche. « Il est toujours difficile d’évaluer un mandat aussi tôt. Le résultat de l’élection présidentielle y contribuera »juge Ludivine Gilli. Car, en se retirant si près de la date butoir, le chef de l’Etat « imposer Kamala Harris » à sa fête.

« Si elle gagne en novembre, nous saluerons le fait que Joe Biden ait pris la décision à temps, permettant à son vice-président de se réunir autour d’elle. »

Ludivine Gilli, spécialiste des États-Unis

à franceinfo

En cas d’échec, certains reprocheront cependant à l’octogénaire de ne pas avoir mieux préparé sa succession. S’il avait plus tôt renoncé à briguer un second mandat, « Le parti aurait pu choisir un candidat de consensus (…) pour battre Donald Trump »affirme Ludivine Gilli. Même s’il ne représente finalement pas les démocrates à l’élection présidentielle, «Joe Biden joue pour son héritage» sur ce bulletin de vote.

Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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