Quel bilan tirer de quatre ans de transition au Mali ? – DW – 19/08/2024
Il y a quatre ans, Ibrahim Boubacar Keïta était renversé par les militaires. Après une courte période de transition dirigée par des civils, les militaires avaient pris le contrôle de tous les pouvoirs en portant le colonel Assimi Goïta à la tête du pays. Pour justifier le putsch de 2020, les militaires avaient mis en avant la dégradation de la situation sécuritaire, notamment dans le nord du pays confronté aux attaques djihadistes. Autre argument avancé par les putschistes : la mauvaise gouvernance politique et économique du gouvernement d’Ibrahim Boubacar Keita. Quatre ans plus tard, où en est le Mali ? Barka Bâ, chercheur en sciences politiques et écrivain sénégalais, dresse un bilan mitigé de la transition malienne.
Considéré comme corrompu et inféodé à l’ancienne puissance coloniale française, ce régime était également sous le feu des critiques en raison de l’insécurité dans le nord du pays et des difficultés économiques. IBK a été renversé le 18 août 2020.
Progrès revendiqués
Pour Nouhoum Sarr, député au Parlement malien (CNT), la situation au Mali s’est nettement améliorée depuis :
« Quatre ans plus tard, les résultats sont visibles, ils sont là. La quasi-totalité du territoire national est désormais sous le contrôle de l’État du Mali. Quatre ans plus tard, la respectabilité de notre pays ne fait plus aucun doute sur la scène internationale. Quatre ans plus tard, l’autonomie de décision est une réalité. Personne ne décide à la place des Maliens, personne ne décide à la place des autorités légitimes du Mali. (…) Nous sommes donc conscients de la situation économique et nous avons l’obligation de tout faire pour que, parallèlement au financement de la guerre, nous puissions trouver une solution pour effacer la dette intérieure, pour créer davantage de conditions d’investissement, pour faire en sorte que le secteur privé malien puisse être renforcé. »
Qu’il s’agisse de l’emploi, du coût de la vie ou encore des coupures d’électricité… la situation économique reste l’une, voire la, préoccupation majeure des Maliens. Pourtant, pour 2024, la Banque mondiale prévoit un ralentissement de la croissance malienne et une augmentation de l’extrême pauvreté.
La sécurité n’est pas tout
Les dirigeants militaires actuels du Mali, qui ont pris le pouvoir lors d’un deuxième coup d’État en 2021, affirment que tant que la sécurité ne sera pas rétablie, il ne pourra pas y avoir d’élections et donc pas de retour des civils au pouvoir. Mais pour l’analyste politique Alex Kalambiry, la sécurité n’est pas tout :
« Oui, Kidal a été repris. Tinzaouatène est en progrès. Mais tout le monde s’accorde aujourd’hui à dire que tout n’est pas une question de sécurité, que les conquêtes, du moins l’instauration de la sécurité va avec l’économie, va avec l’offre politique, va avec d’autres aspects qui permettent aux populations de vaquer à leurs occupations mais surtout de pouvoir se nourrir et se soigner. (…) Il s’avère aujourd’hui que le pays a une économie vraiment exsangue, du fait justement qu’il n’y a pas d’offre. Si vous voyez, l’Etat se finance de plus en plus sur le marché monétaire de l’UEMOA (Union économique et monétaire ouest-africaine, NDLR). Mais clairement, l’activité économique ralentit et même l’État, si vous regardez, à chaque fois qu’il y a un budget, il y a toujours une loi corrective pour se recentrer sur l’essentiel. »
Preuve que la sécurité n’est toujours pas rétablie : le ministre malien de l’Education a annoncé dimanche soir dans un communiqué la mort de deux enseignants maliens. Enlevés le 15 août dans la région de Tombouctou, ils ont été assassinés par leurs ravisseurs encore non identifiés. Le ministère « condamne vigoureusement cet acte odieux » mais ne précise pas les circonstances de l’assassinat ni le lieu où les corps ont été retrouvés.