Fiché dans le vieux canapé en cuir dans son salon, dans la banlieue nord de Montréal (Canada), le docteur Michel Breton, un médecin à la retraite, échange avec son patient pour le lendemain, le téléphone plaqué à l’oreille. À la fin de la ligne, une voix rauque et étouffée: « C’est blessé, je suis très mauvais. J’ai hâte de disparaître docteur, je te le promets. » Gilles a un cancer de l’œsophage. Pour lui, chaque syllabe prononcée semble être un obstacle à surmonter. Il a donc demandé au médecin de Breton de l’aider à mourir. La nomination a été faite dans trois semaines, mais la souffrance est devenue insupportable. Il aimerait faire avancer la date de son départ par la suite. « L’infirmière m’a appelé pour me dire que vous vouliez faire cela le plus rapidement possible, c’est tout? Alors, je serai là demain à 10 heures, vous pouvez compter sur moi »rassure le médecin.
Cette semaine d’avril 2024, lorsque « Special Envoy » l’a rencontré pour son enquête *, le médecin a aidé quatre patients à « Allez de l’autre côté »comme il le dit. Au Québec, il est l’un des nombreux bénévoles à administrer une aide médicale pour mourir (AMM). Un geste toujours en débat en France et autorisé par la province canadienne depuis 2015, et maintenant considéré comme des soins médicaux, pratiqués uniquement par les médecins et les infirmières spécialisées.
« Je comprends que certains médecins ne sont pas à l’aise dans ce rôleconcède-t-il. Maisest notre travail pour aider les gens à vivre sereinement, malgré la maladie ou le handicap et, lorsqu’ils sont en fin de vie, pour les aider à sortir de la souffrance » Considère l’homme qui pratique AMM depuis 2019, par conviction. En tout, il rapporte avoir aidé à mourir plus d’une centaine de patients « environ »Il veut spécifier – il ne souhaite pas les compter.
Ici, choisir de mourir lorsque la maladie est devenue insupportable n’est plus exceptionnelle. « Dans notre société aujourd’hui, l’autonomie, la liberté de décider par vous-même est au centre de tout: vous choisissez de donner la vie, ou non, comment vous voulez vivre, travailler … Nous recherchons le personnel de développement et tout ce qui est bon pour vous.Défend Georges L’Espérance, médecin et pionnier de l’aide médicale à mourir au Québec.
Signe supplémentaire qu’un tabou a été levé: le docteur Breton prétend rencontrer régulièrement des croyants qui n’hésitent plus à demander de l’aide à mourir, « Convaincu que Dieu ne veut pas les voir souffrir ». Il dit même qu’il a déjà accompagné une religieuse, avec l’assentiment de sa communauté religieuse.
Les Québécois éligibles à AMM peuvent choisir la date mais aussi la façon dont ils veulent partir. Ils peuvent dire s’ils souhaitent être seuls ou être entourés de leurs proches et décider de la mort de leur mort: à la maison, à l’hôpital ou dans des chambres spécialement conçues pour ce traitement. Un seul composant n’autorise aucune option: le protocole de médicament qui mène à la mort en quelques minutes, un cocktail de quatre médicaments injecte des professionnels de la santé, toujours dans le même ordre.
Dans une maison de retraite près de Montréal, Michel Breton visite ainsi une pièce décorée « Comme à la maison »Des draps de couleur vive, de jolies lampes de chevet et un réfrigérateur pour mettre des boissons froides, « et champagne »Spécifie le médecin. « Il arrive que les familles boivent avant le départ. Les gens en font un moment de célébration de la vie. » Les entreprises de Pump Funère proposent même de réserver un salon funéraire pour vivre vos derniers moments. Mais même au Québec, l’initiative a été controversée et n’a séduit qu’une poignée de patients pour le moment.
Au Québec, terminer sa vie grâce à la MA est devenu presque banal. La province est la région du monde où nous utilisons l’aide de la mort: entre avril 2023 et mars 2024, il concernait 5 717 personnes, soit 7,3% des Québécois décédés pendant cette période. C’est bien plus qu’en Belgique par exemple, où la proportion de décès par l’euthanasie (le terme utilisé dans le pays) était de 3,1% en 2023. Ce succès extraordinaire remet en question les Québécois eux-mêmes. En mars, le gouvernement local a annoncé le lancement d’un projet de recherche intitulé « Une meilleure compréhension de l’aide médicale à mourir dans le contexte du Québec ».
Cancers terminaux, plaques de sclérose à un stade très avancé, maladie cardiaque … La majorité des patients qui demandent à mourir au Québec sont à la fin de leur vie. Entre avril 2023 et mars 2024, 61% des patients qui ont reçu le MA avaient un pronostic pour la survie de trois mois ou moins, selon un rapport de la Commission à la fin des soins de la vie. Cependant, depuis 2019 et une décision historique de la Cour supérieure du Québec, il n’est plus nécessaire d’être condamné à utiliser l’aide pour mourir, contrairement à ce que la loi avait initialement prévu.
Les contours de l’aide médicale à mourir ont été repensés par cette décision judiciaire, qui faisait suite à la plainte de deux patients très handicapés très fortement, Jean Truchon et Nicole Gladu. Paralysé par la naissance, Jean Truchon « Little, à peu près, a perdu l’usage de tous ses membres, puis de la seule main qui lui a permis d’être indépendante avec sa chaise. Il a souffert de douleurs chroniques et de nécrose importantes de la colonne vertébrale »explique leur avocat, Jean-François Leroux. Nicole Gladu, elle a été atteinte « Syndrome post-politique » caution « Très grandes douleurs chroniques, ce qui l’a empêché de rester trop longtemps dans la même position ».
Leur espérance de vie était encore longue. Mais les deux patients ont également exigé le droit de pouvoir mourir. Ensemble, ils ont plaidé l’injustice et l’inconstitutionnalité de la loi AMM. Selon eux, restreindre cette aide à ceux qui sont condamnés à court ou à moyen terme étaient discriminatoires. « Ce qui était injuste, c’était de forcer nos clients à souffrir des souffrances découlant de leur maladie, pendant une période indéfinie de 5, 10, 15 ans ou plusAujourd’hui insiste sur leur avocat.
« Il était injuste de les exclure de aider à mourir lorsqu’ils avaient tous les autres critères: une maladie grave et incurable, souffrant aussi terrible que celles de la mort … c’était une attaque contre la loi et la liberté de prendre des décisions d’importance pour vous-même pour vous-même , reconnu au Québec. «
Jean-François Leroux, avocat de deux patients qui a contesté les restrictions de l’AMMÀ « Envoyé spécial »
Au procès, dans le camp opposé, le gouvernement craignait l’élargissement de la loi et l’ouverture d’une boîte de Pandora. « Ils ont amené des experts psychiatriques, des spécialistes de la contagion suicidaire et du stress post-traumatique pour dire que ces patients très malades et vulnérables devaient se protéger, qui pouvaient être tentés de demander la MA par une simple détresseDétails Jean-François Leroux. Mais les médecins savent comment évaluer ce risque, ils le font déjà, même lorsque les patients sont condamnés. Le tribunal nous a prouvé. «
Aujourd’hui, au Québec, tout patient majeur souffrant d’une maladie grave et incurable, dont la souffrance physique et psychologique ne peut être soulagée, a donc le droit de réclamer la MA. Les patients souffrant d’une maladie d’Alzheimer ou d’une maladie de Charcot à un stade précoce sont désormais éligibles, même s’ils ont encore de nombreuses années à vivre.
Et l’éventail des maladies pour demander une aide médicale à mourir s’est également élargie au fil des ans. Entre deux consultations gériatriques, le docteur David Lussier a les yeux rivés sur une table qui se déroule sans cesse sur l’écran de son ordinateur. Il s’agit de la liste de tous les MAS administrés au Québec au cours du dernier mois, près de 500. Chaque ligne est indiquée le nom d’un patient décédé, de son âge et de la maladie déclarée qui l’a rendu éligible. Membre du comité de soins de fin de vie, David Lussier est responsable de la vérification que l’AMM a été administrée conformément aux critères établis par la loi.
Ces dernières années, il a vu l’arrivée de patients avec des profils incroyables et des maladies auxquelles ni le législateur ni la société civile n’avaient pensé quand la loi a été débattue et promulguée.
« Au début, il n’y avait que des personnes atteintes de cancers et de maladies dégénératives. Maintenant, il y a une nouvelle population. Par exemple, les personnes âgées qui exigent de l’aide à mourir parce qu’elles deviennent aveugles ou sourdes à un âge très avancé. »
David Lussier, membre du médecin de la Commission à la fin des soins de la vie au QuébecÀ « Envoyé spécial »
Peu à peu, le docteur Lussier et les autres commissaires – médecins, infirmières et représentants de la société civile – ont donc dû s’attaquer collectivement à ces nouveaux cas, à chaque fois la réflexion sur le périmètre défini par la loi.
Le Québec n’a pas établi de liste de maladies éligibles. Il appartient donc à cette commission de débattre et de décider. Avec les dilemmes clés et imprévus et parfois des doutes. Récemment, elle a dû décider d’une nouvelle question: est-ce que cela devient irréversiblement aveugle rend ma? « Même si cette affaire d’une vieille dame, âgée de 75 ans, qui revendique la MMM parce qu’elle devient aveugle et ne peut plus reconnaître ses proches, me donne un sentiment d’inconfort, si je regarde le dictionnaire médical, la cécité visuelle est en effet un maladie grave et incurable. Explique Pierre Deschamps, célèbre avocat du Québec et membre de la Commission.
Au Québec, un pionnier résolument pionnier dans l’aide à la mort, nous nous interrogeons maintenant sur la possibilité d’ouvrir MA à des personnes atteintes de maladies mentales. Les dépressions mentales ou l’anorexie sont des pathologies mais exclues, mais certains font campagne pour faire à nouveau la loi. « Il y a une croyance commune que la médecine est divisée en deux, avec des maladies cliniques d’une part, qui seraient claires et au diagnostic imparable, et de l’autre des maladies psychiatriques, avec des contours flous, incertains et non reconnus. Même pour mental Maladies, il y a des cas où tous les traitements ont été tentés et où le patient est capable de consentir dans la conscience « Ainsi soutient Mona Gupta, psychiatre et chercheur en bioéthique à l’Université de Montréal.
Pour David Lussier, nous devons néanmoins rester très vigilants dans le cadre de l’application de l’aide à mourir pour garantir que « Ce n’est pas le décès sur demande. Il faut une maladie incurable et grave. Le Québec ne permet pas le suicide. La fatigue de la vie n’est pas un critère d’admissibilité. » Une préoccupation qui ne partage pas son homologue Michel Breton: « Ne pensez pas que les gens prétendent aider à mourir à la légère »Il insiste.
« Ces demandes viennent de leurs tripes. C’est un cri de détresse des personnes qui souffrent trop pour continuer à vivre, des gens sur la pente descendante de leur existence. »
Michel Breton, pratiquant le docteur AMMÀ « Envoyé spécial »
Aujourd’hui, la loi exclut explicitement les personnes atteintes de maladie mentale du système jusqu’en mars 2027, une période qui devrait permettre de poursuivre la réflexion et qui a déjà été prolongée. Certains patients ont dit qu’ils étaient également prêts à attaquer le gouvernement devant la Cour supérieure du Québec, à réparer ce qu’ils considèrent comme une injustice.
* « Special Envoy » diffuse, le jeudi 30 janvier, un rapport intitulé « Le choix d’Odette », qui suit au cours des cinq derniers jours de sa vie un québécer de 64 ans avec un cancer du poumon incurable. Pour voir à partir de 21 h sur la France 2, sur Franceinfo.fr ou sur France.tv.
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