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Que se cache-t-il derrière le refus d’Emmanuel Macron d’accepter la démission de Gabriel Attal ?

L’incertitude est grande depuis le second tour des législatives et une question est sur toutes les lèvres : « Qui gouvernera ? » Le chef de l’Etat a fait savoir qu’il préférait « attendre la structuration de la nouvelle Assemblée nationale pour prendre les décisions qui s’imposent (…), conformément à la tradition républicaine ». C’est lui qui nomme le Premier ministre en vertu de l’article 8 de la Constitution. Aucun calendrier n’est prévu pour sa décision.

Rien n’oblige Gabriel Attal à quitter son poste immédiatement. Toutefois, « la coutume républicaine veut que le Premier ministre démissionne après les législatives », explique la constitutionnaliste Anne Levade, professeure de droit public à l’université Paris-1 Panthéon-Sorbonne. L’intéressé a remis lundi sa démission à Emmanuel Macron, mais ce dernier a refusé. Gabriel Attal a été prolongé dans ses fonctions « pour l’instant » afin « d’assurer la stabilité du pays », avait alors indiqué l’Elysée.

Un gouvernement « à part entière »

Le Premier ministre n’est donc pas « démissionnaire » puisque le chef de l’Etat l’a « maintenu », assure l’entourage d’Emmanuel Macron. Il conserve en effet ses prérogatives de « plein exercice » et ne traite pas des « affaires courantes ». Un gouvernement démissionnaire traitant des « affaires courantes » ne peut prendre de mesures à impact budgétaire ni déposer de projets de loi et, s’il dépasse son rôle, ses décisions peuvent être annulées par le Conseil d’Etat.

Maintenir les prérogatives du gouvernement Attal est donc une manière de sécuriser la marge de manœuvre de l’exécutif. Le chef du gouvernement peut ainsi prendre des décrets. Emmanuel Macron peut aussi convoquer un Conseil des ministres pour procéder à des nominations – le mois de juillet est généralement une période de mouvements – ou décréter l’état d’urgence, ce qui est compliqué avec un gouvernement démissionnaire.

Il est difficile d’imaginer le gouvernement mener des réformes ou ouvrir de nouveaux chantiers dans les prochains jours. « Nous ne sommes pas formellement dans les affaires courantes mais en réalité, tout ce qui sera fait, même de simples décrets ou nominations, doit être politiquement responsable », estime un conseiller exécutif qui n’est pas à l’aise avec la situation.

Elle a également provoqué une vive réaction du sénateur LR Philippe Bas, qui a écrit sur X lundi : « Emmanuel Macron bafoue la tradition républicaine en refusant la démission de Gabriel Attal : au lieu de traiter les affaires courantes comme un Premier ministre démissionnaire, il reste doté de toutes ses prérogatives constitutionnelles, notamment le pouvoir réglementaire ! »

« Cette situation inédite est à la frontière entre le droit et la politique, note Anne Levade, et seul un gouvernement bénéficiant de la confiance de l’Assemblée nationale nouvellement élue, ou échappant à une motion de censure, peut normalement légiférer et Gabriel Attal pourrait être destitué dès la semaine prochaine s’il s’aventurait dans cette voie. » Contrairement à un gouvernement démissionnaire, le gouvernement Attal peut en effet être renversé par une motion de censure à partir du 18 juillet, date d’ouverture de la 17e législature de la Ve République.

Des ministres qui votent à l’Assemblée ?

Reste un problème : en gardant Gabriel Attal comme Premier ministre « à plein temps », Emmanuel Macron se prive des 18 voix des ministres élus dans leur circonscription dimanche, puisque la Constitution ne permet pas de cumuler une fonction ministérielle avec un mandat parlementaire. Ces voix sont pourtant précieuses dans la configuration inédite de l’Assemblée nationale et pour le camp présidentiel, passé de 245 sièges à 163 dimanche.

Ce scénario est étudié de près à l’Elysée. « Le gouvernement pourrait démissionner dans quelques jours et gérer les affaires courantes, cela pourrait permettre aux ministres élus d’aller voter. Le président est sur la stratégie, il veut des hommes forts à l’Assemblée », confie une source gouvernementale. « La magie, c’est qu’on peut être dans les affaires courantes et siéger à l’Assemblée nationale, le régime des affaires courantes permet cela », assure un proche d’Emmanuel Macron. « C’est une situation que la Ve République a déjà connue en 1968 avec le gouvernement démissionnaire de Georges Pompidou », rappelle Anne Levade. Elle souligne néanmoins que cette configuration gouvernementale exceptionnelle n’a jamais duré.

Considérant que cela ne plaît pas à tout le monde au sein du gouvernement. « Il va falloir se prononcer rapidement sur la démission du gouvernement actuel. D’abord, parce que vis-à-vis des Français, on a fait exploser le jeu des quilles et rien ne change, ce n’est pas tenable. Ensuite, parce que nous serons plus que jamais à une voix près à l’Assemblée », estime un ministre.

Avant le 18 juillet

La question est de savoir quand ? Si les choses ne bougent pas d’ici le 16 juillet, alors, ce jour-là, lors d’un conseil des ministres des Finances de l’Union européenne, la procédure pour déficit excessif visant la France devra être formellement ouverte. Certains estiment qu’il serait surprenant d’y envoyer Bruno Le Maire, s’il était membre d’un gouvernement démissionnaire. Une hypothèse serait qu’Emmanuel Macron accepte alors la démission du gouvernement Attal, qui basculerait dans les affaires courantes après cette date, par exemple le 17 juillet. Soit juste à temps pour finaliser la constitution des groupes à l’Assemblée nationale et participer à l’élection de son président le 18 juillet, lors de la première séance.

« Pas de précédent, pas de certitudes », résume humblement le spécialiste de droit public Benjamin Morel, face à cette situation inédite où les interprétations des différents constitutionnalistes et conseillers politiques peuvent parfois diverger.

Cammile Bussière

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