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Que savons-nous de cette superbactérie hypervirulente circulant dans 16 pays ?

Que savons-nous de cette superbactérie hypervirulente circulant dans 16 pays ?

L’inquiétude grandit à l’OMS. Le 31 juillet, l’Organisation mondiale de la santé alertait sur Klebsiella pneumoniae (K. pneumoniae), une superbactérie qui gagne du terrain partout dans le monde, notamment en Europe. Sa particularité : elle est résistante aux antibiotiques, y compris les plus puissants, prescrits en dernier recours.

Autre caractéristique inquiétante : il peut infecter n’importe qui, y compris des personnes en bonne santé, et provoquer des épidémies dans les hôpitaux. Jusqu’à présent, sa présence a été identifiée dans 16 pays. Mais peut-il se propager ? Où et comment circule-t-il ? Faut-il craindre sa propagation ? 20 minutes vous explique.

Une superbactérie résistante aux antibiotiques

Comme d’autres bactéries, comme Escherichia coli (E. coli), K. pneumoniae est naturellement présente chez l’homme. On la retrouve dans la partie supérieure de la gorge – le nasopharynx – et dans le tube digestif. Mais si elle pénètre dans d’autres parties du corps, comme les poumons, elle peut provoquer de graves infections. On la retrouve également dans l’environnement : dans les eaux de surface, dans le sol et même sur les dispositifs médicaux.

Et la carte d’identité de K. pneumoniae n’est vraiment pas rassurante : cette superbactérie appartient à la famille des « entérobactéries productrices de carbapénémases ». Et depuis quelques années, « la menace des « superbactéries » a pris une nouvelle dimension avec l’émergence des carbapénémases, des enzymes produites par les entérobactéries qui inactivent les carbapénèmes, une grande classe d’antibiotiques de dernière génération : les β-lactamines », indiquait une équipe de chercheurs suisses dans une étude publiée en 2012 dans la revue Biological Biology. Revue médicale suisseEt « les infections causées par des entérobactéries productrices de carbapénémases limitent les options thérapeutiques et augmentent la mortalité », soulignent déjà les chercheurs.

Ainsi, « ces dernières décennies, on a observé une augmentation de l’acquisition de résistances à une large gamme d’antibiotiques par des souches dérivées de K. pneumoniae classique », ajoute l’OMS, qui souligne le danger d’une souche en particulier, la séquence de type 23 (hvKp ST23). En pratique, les deux principaux types de résistance aux antibiotiques identifiés chez K. pneumoniae « rendent la bactérie résistante aux groupes d’antibiotiques suivants : pénicillines, céphalosporines et monobactames », poursuit l’OMS, ainsi qu’à « toutes les β-lactamines disponibles, une autre classification d’antibiotiques qui inclut les pénicillines, les céphalosporines, les monobactames et les carbapénèmes ».

En bref, la superbactérie est devenue résistante à presque tous les antibiotiques, réduisant de manière drastique et dangereuse l’arsenal thérapeutique disponible.

Cependant, « les souches de K. pneumoniae qui peuvent provoquer des infections graves chez les individus sains et qui ont été identifiées avec une fréquence croissante ces dernières années sont considérées comme hypervirulentes par rapport aux souches classiques en raison de leur capacité à infecter les individus sains et immunodéprimés et en raison de leur tendance accrue à produire des infections invasives », s’inquiète l’OMS.

Une cause majeure d’infections nosocomiales

Klebsiella pneumoniae était déjà dans le viseur de l’OMS en 2014. Dans son document « Résistance aux antimicrobiens : rapport de surveillance mondiale » publié cette année-là, elle s’inquiétait des conclusions tirées à propos de plusieurs superbactéries, dont Klebsiella pneumoniae : « Les résultats sont très inquiétants, traduisant une résistance aux antibiotiques, notamment aux antibiotiques de « dernier recours », dans toutes les régions du monde. » Dans les hôpitaux, « K. pneumoniae est une cause majeure d’infections nosocomiales telles que les pneumonies, les infections du sang ou les infections contractées par les nouveau-nés et les patients en unité de soins intensifs », s’inquiète l’OMS. Dans certains pays, en raison de la résistance, les carbapénèmes sont inefficaces chez plus de la moitié des patients traités pour des infections à K. pneumoniae. »

Selon l’OMS, un seul traitement semble encore efficace contre la superbactérie lorsque tous les autres ont échoué. Il s’agit de « la colistine, qui est le seul traitement de dernier recours contre les infections potentiellement mortelles causées par des entérobactéries résistantes aux carbapénèmes, notamment E. coli et Klebsiella pneumoniae », précise l’organisation sanitaire. « Des bactéries résistantes à la colistine ont également été détectées dans plusieurs pays et régions, provoquant des infections pour lesquelles il n’existe actuellement aucun antibiotique efficace. »

En circulation croissante

Cette évolution est d’autant plus inquiétante que la superbactérie a déjà été identifiée dans 16 pays à ce jour, et pourrait circuler beaucoup plus largement sans faire de bruit. Dans le cadre de son système mondial de surveillance de la résistance aux antimicrobiens, l’OMS a lancé une évaluation mondiale de la circulation de K. pneumoniae. Et parmi les pays contactés qui ont répondu, 16 ont signalé sa présence : Algérie, Argentine, Australie, Canada, Cambodge, Hong Kong, Inde, Iran, Japon, Oman, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Philippines, Suisse, Thaïlande, Royaume-Uni et États-Unis. Parmi eux, 12 ont noté la présence de la souche ST23. Mais ce n’est pas tout. Selon un rapport du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies publié début 2024, la souche ST23 a également été détectée dans 10 pays européens, dont la France, où 13 cas ont été enregistrés entre 2018 et 2023.

Problème : pour l’instant, K. pneumoniae « peut passer inaperçu à moins d’être suspecté par des cliniciens connaissant le tableau clinique et demandant (…) un séquençage plus approfondi », note l’OMS dans son rapport du 31 juillet. C’est pourquoi l’agence recommande aux États membres d’accroître « leurs capacités de diagnostic en laboratoire pour permettre (son) identification précoce et fiable ».

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