Que reste-t-il de la mégamétéorite qui a pulvérisé le Poitou il y a 200 millions d’années ? – Ouest-France édition du soir
Mercredi 7 août 2024
Les catastrophes oubliées de notre histoire (4/6)
Un œil averti ou curieux remarquera quelque chose d’étrange dans les rues de la ville. Les bâtiments ne sont pas tout à fait comme les autres. Les pierres des murs des maisons les plus anciennes semblent composées de fragments de nature de différentes couleurs. Des pierres locales très particulières. Elles portent encore les traces d’une catastrophe naturelle survenue il y a deux cents millions d’années. Deux cent six millions d’années exactement. Bienvenue en Haute-Vienne, à Rochechouart.
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Un cratère de 30 kilomètres
Quatorze millions de fois la puissance de la bombe atomique qui frappa Hiroshima, au Japon, le 6 août 1945. Autant dire qu’il ne fallait pas traîner dans le coin de Rochechouart à cette époque. Alors que l’Europe n’était encore qu’un territoire de la Pangée, un supercontinent des temps anciens, un astéroïde se dirigeait vers la Terre. Pénétrant l’atmosphère à une vitesse de 20 kilomètres par seconde (soit un trajet Paris-Londres en dix-sept secondes), l’un de ses fragments, d’un kilomètre et demi de diamètre, s’est sublimé. Il est passé de l’état solide à l’état gazeux, et a créé une immense onde de choc.
Des roches sont éjectées à des dizaines de kilomètres d’altitude et retombent jusqu’à 350 kilomètres à la ronde. Autour du futur Rochechouart, un cratère d’une trentaine de kilomètres de diamètre se forme. Dinosaures et reptiles sont emportés dans un rayon d’une centaine de kilomètres à la ronde. Tout comme la flore tropicale composée d’araucarias, de ginkgo bilobas, de prêles, de fougères et de mousses… Si Bordeaux avait existé, ses habitants auraient ressenti un séisme de magnitude 9 sur l’échelle de Richter tandis que les Parisiens et les Rennais auraient dû se contenter d’un séisme de magnitude 6 et de vents brûlants à 220 km/h.
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Au fil des millions d’années, le cratère disparaît, aplati par l’érosion. Au point qu’aujourd’hui, il n’est plus visible. Enfin, pas tout à fait. Dès le début du XIXe siècleet Au 19e siècle, les savants locaux se sont demandés : pourquoi y avait-il autant de roches inhabituelles, tantôt rouges, tantôt vertes, tantôt beiges, dans cette zone bordée par la Vienne ? Pourraient-elles avoir une origine volcanique ? La réponse a été donnée à la fin des années 1960 par le professeur et géologue François Kraut. Le directeur adjoint du Muséum d’histoire naturelle de Paris a découvert « quartz choqué dans des sections minces de brèche »Alors « cônes de percussion dans une veine de micro granite »Pour beaucoup, cela ne veut pas dire grand chose. Pour lui, c’est typique de l’impact d’une météorite qui a profondément modifié la structure du sol local.
En effet, au moment de l’impact, les pierres, comme le gneiss et le granit, se sont élevées dans les airs, certaines fondant avec la température extrême. Lorsqu’elles sont retombées, elles se sont soudées entre elles via des poussières de roche faisant office de ciment naturel. D’où l’aspect inhabituel du sol pour les spécialistes. Les recherches sont toujours en cours pour percer tous les secrets de l’astéroïde. Une campagne de forage a eu lieu en 2017 dans ce secteur à la limite de la Charente et de la Haute-Vienne.
Ancré dans la pierre
Désormais, cet événement fait partie du paysage. Depuis le Néolithique (entre 6000 et 2200 avant J.C.), époque à laquelle les hommes se sont sédentarisés, les hommes ont utilisé cette pierre née de l’impact de l’astéroïde pour construire leurs constructions autour de Rochechouart.
A Chassenon (Charente), petite ville de 873 habitants, on trouve même, dans des thermes romains datant du IIe siècleet siècle, une trace plus ancienne de l’utilisation de cette pierre très particulière. En revanche, ne cherchez pas de cratère à proprement parler, l’érosion et le temps l’ont effacé. Ni des morceaux de la météorite, évidemment. A Rochechouart, un sentier, appelé l’Astroblème, permet de lire le paysage du seul cratère d’impact officiellement reconnu en France.
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Pour satisfaire votre curiosité, vous pouvez également pénétrer dans la Maison de la Réserve, dont la scénographie vient d’être refaite. Elle permet de comprendre les causes, le contexte et les conséquences, tout en s’interrogeant sur la permanence de ces événements. Des météorites et des astéroïdes ont frappé la Terre depuis des temps immémoriaux. Et cela continue. « On estime que 100 000 tonnes de matériaux extraterrestres tombent sur Terre chaque année, affirme Nelly Laurent, médiatrice scientifique. Bien qu’en général il s’agisse davantage de poussière et que ces morceaux tombent le plus souvent dans l’eau, qui occupe la majeure partie de notre planète. Lorsqu’ils tombent sur la terre ferme, attention aux dégâts.
En 2013, la météorite de Tcheliabinsk, dans le sud de l’Oural, en explosant dans l’atmosphère, avait détruit des milliers de fenêtres et blessé un millier de personnes. Deux ans plus tôt, dans l’Essonne, une météorite, heureusement pesant 88 grammes, avait été découverte par un couvreur sur le toit d’une maison où vivait une mère de famille de 39 ans au nom prédestiné de Martine Comette. Preuve que le ciel n’a pas fini de nous tomber sur la tête.