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Que prévoit le Premier ministre après cette « humiliation internationale » ?

Le leader indépendantiste avait annoncé à plusieurs reprises qu’il comptait assister au débat d’investiture du président catalan, après sept ans passés à l’étranger pour échapper aux poursuites judiciaires en Espagne. Il était revenu le jour du vote, avait prononcé un discours sur une tribune à deux pas du Parlement, mais n’y était finalement pas allé et s’était éclipsé discrètement, échappant à la police.

« On peut imaginer qu’il a voulu exercer une pression maximale pour empêcher l’investiture de Salvador Illa », le candidat socialiste devenu jeudi soir le premier président du gouvernement régional à ne pas être issu des rangs nationalistes depuis 2010, estime le politologue Pablo Simon.

« Son arrivée surprise aurait pu provoquer des troubles, provoquer des manifestations, faire reporter la séance plénière et empêcher l’investiture », poursuit l’analyste. « C’était sa dernière chance d’empêcher l’investiture et de faire pression sur ERC », le parti séparatiste de gauche qui dirigeait jusqu’à présent la région.

Concurrent direct de Junts per Catalunya (Ensemble pour la Catalogne), le parti de Carles Puigdemont, dans le mouvement indépendantiste, ERC a finalement choisi de soutenir Salvador Illa pour son élection – non sans avoir négocié un accord offrant de nouveaux pouvoirs au gouvernement régional.

Quelles conséquences pour l’Espagne et la Catalogne ?

« L’Etat espagnol est ridiculisé. Puigdemont apparaît comme le plus intelligent et l’image de l’Espagne sur la scène internationale est celle d’une police humiliée », estime Pablo Simon. Le quotidien national El Pais déplore samedi « l’incapacité » des Mossos d’Esquadra, la police catalane, qui « a réveillé de vieilles craintes d’une politisation de l’institution policière, craintes d’autant plus alimentées par le fait que les trois personnes arrêtées pour leur participation présumée à cette évasion sont justement des agents de cette police ». Trois Mossos ont en effet été arrêtés, accusés d’avoir aidé à la fuite le leader indépendantiste, toujours visé par un mandat d’arrêt pour son rôle dans la tentative de sécession de la Catalogne en 2017. « De cette évasion, ne restent que les Mossos en état de choc, la colère du Tribunal suprême (dont un juge enquête sur le dossier contre Carles Puigdemont) et de Junts, qui est isolé », résume le quotidien catalan La Vanguardia.

Pedro Sanchez peut-il être mis en difficulté ?

Officiellement en congé, le Premier ministre socialiste Pedro Sanchez n’a pas commenté le retour de Carles Puigdemont. Le gouvernement, doté d’une majorité très fragile, est soutenu au Parlement par Junts, qui avait négocié en échange de son soutien une loi d’amnistie, dont Carles Puigdemont ne bénéficie toujours pas pour tous les faits qui lui sont reprochés.

Son ministre de la Justice, Félix Bolaños, a imputé vendredi le fiasco de jeudi aux Mossos, « compétents pour garantir à la fois le déroulement normal du débat d’investiture et l’application des mandats d’arrêt ». Mais cette « humiliation internationale », selon Pablo Simon, va jeter de l’huile sur le feu de l’opposition, qui y verra « un affront préparé par le gouvernement lui-même pour éviter d’arrêter Carles Puigdemont ».

Et de fait, à droite comme à l’extrême droite, les opposants au gouvernement de Pedro Sanchez n’ont pas mâché leurs mots. « Le Premier ministre, le ministre de l’Intérieur et le directeur des renseignements auraient démissionné de honte dans n’importe quel pays doté d’un Etat de droit », a écrit sur X Santiago Abascal, leader du parti d’extrême droite Vox, fustigeant un gouvernement « non pas incompétent, mais complice ».

Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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