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Que peut-on apprendre du passage de son prédécesseur Gabriel Attal à Matignon ?

Sans grand bilan législatif, le plus jeune Premier ministre de la Ve République laisse derrière lui un style offensif et une relation compliquée avec Emmanuel Macron.

L’heure du départ a enfin sonné. Gabriel Attal a été officiellement remplacé au poste de Premier ministre par Michel Barnier, jeudi 5 septembre, après une longue attente dans les dorés de l’Hôtel de Matignon. Chargé de gérer les affaires courantes depuis sa démission le 16 juillet, l’ancien chef du gouvernement a dû attendre près de deux mois avant de prendre part à la passation de pouvoir à son successeur, au profil bien différent.

L’aventure fut de courte durée pour le plus jeune Premier ministre de l’histoire de la Ve République. Nommé début janvier à 34 ans, il n’a pu disposer d’un gouvernement complet qu’en février, après un remaniement en deux temps. Très vite, la campagne des élections européennes a pris le pas sur le fond des dossiers, avant la dissolution du 9 juin et les législatives organisées dans la foulée. « Le président de la République l’oblige à entrer en campagne européenne début mai. Donc en réalité, il passe trois mois pleins à Matignon, que voulez-vous faire ? »fait semblant d’interroger un conseiller ministériel.

En fait, dresser le bilan législatif de Gabriel Attal à la tête du gouvernement revient principalement à se concentrer sur les chantiers lancés après sa déclaration de politique générale, faite fin janvier : la lutte contre les différentes formes de fraude, le lancement d’un plan contre les violences faites aux mineurs et la volonté de « dé-micardiser » La France… Plusieurs de ces dossiers n’ont pas été aboutis ou ont été mis en suspens, comme la réforme de l’assurance chômage, suspendue au soir du premier tour des législatives. Le mandat de premier ministre de Gabriel Attal a surtout été marqué par deux crises : celle des agriculteurs, au début de l’hiver, et celle qui se poursuit en Nouvelle-Calédonie, qui a éclaté en mai. Avec la dissolution, les projets de loi relatifs à ces deux dossiers ont été stoppés, symbole d’un pouvoir exécutif en panne.

Pour certains, le passage de Gabriel Attal à Matignon s’inscrit dans la continuité de ses précédentes expériences gouvernementales, aux Comptes publics (2022-2023) ou à l’Education (2023-2024). Dans ce dernier ministère, qu’il a occupé moins de six mois, cet ancien fidèle d’Emmanuel Macron a multiplié les annonces, sans pour autant pouvoir boucler les dossiers. « Quelles sont les principales réalisations qu’il a réalisées ? »demande aujourd’hui le même conseiller ministériel. « Il n’y a pas eu de réformes majeures ni de mesures significatives. Son bilan législatif est faible, mais c’était prévisible. »résume le constitutionnaliste Benjamin Morel. Le Premier ministre a dû composer avec une majorité relative, assommée par les divisions liées à la loi sur l’immigration, fin 2023. Les projets de loi votés avaient été lancés avant l’arrivée de Gabriel Attal à Matignon.

Gabriel Attal, alors Premier ministre, lors d'une visite dans une ferme à Montastruc-de-Salies (Haute-Garonne), le 30 janvier 2024. (MIGUEL MEDINA / AFP)

En l’absence d’un épais dossier législatif, il reste un « style » Attal à Matignon. Comment le résumer ? « La méthode Attal, c’est le travail de terrain et le dialogue. C’est sa force depuis toujours, car il y excelle. »« Nous avons fait un choix, nous … « Il a pris ses responsabilités sur différents sujets et a décidé d’incarner lui-même les décisions du gouvernement. »estime l’entourage du ministre, nuancé par Philippe Moreau-Chevrolet, professeur à Sciences Po et président de MCBG Conseil.

« Il y a toujours un écart entre la qualité de sa communication et les réalisations de son gouvernement. »

Philippe Moreau-Chevrolet, spécialiste en communication politique

à franceinfo

Cette communication hyperactive a parfois eu des effets contraires, comme lorsqu’il a été accusé de sexisme pour être intervenu lors d’une interview de Valérie Hayer, tête de liste de son camp aux élections européennes. Pour Philippe Moreau-Chevrolet, Gabriel Attal a été nommé Premier ministre précisément en raison de ce profil offensif, qui contraste avec la prudence affichée par sa prédécesseure, Elisabeth Borne. « C’était un Premier ministre combatif pour contrecarrer les ambitions des adversaires d’Emmanuel Macron, Gérald Darmanin puis Jordan Bardella. L’idée était qu’il serve de bélier, d’attaquant. »analyse le spécialiste.

Le plan initial du chef de l’Etat n’a sans doute pas fonctionné, pour deux raisons. D’abord parce que celui que l’on présentait comme une « arme anti-Bardella » n’a pas pu empêcher la très large victoire du jeune leader du Rassemblement national aux élections européennes. Ensuite, sur le plan institutionnel, le mandat de Gabriel Attal a été marqué par des relations dégradées avec le président de la République. « Dans les domaines où il aurait pu s’imposer, Gabriel Attal était en concurrence avec le chef de l’Etat. Emmanuel Macron a été très présent et lui a pratiquement coupé l’herbe sous le pied, notamment sur l’éducation. »observe Benjamin Morel.

Gabriel Attal et Emmanuel Macron lors du défilé militaire du 14 juillet à Paris le 14 juillet 2024. (JULIEN DE ROSA / AFP)

La dissonance entre les deux têtes de l’exécutif a culminé avec l’annonce de la dissolution début juin, une décision pour laquelle Gabriel Attal n’a pas été consulté et dont il s’est plusieurs fois distancié. « C’est le plus gros dommage infligé par Emmanuel Macron à Gabriel Attaljuge Philippe Moreau-Chevrolet. Il a tué dans l’œuf toute tentative de conquête de son Premier ministre. Son dernier mois à Matignon a été marqué par une campagne éclair pour les législatives, pour lesquelles il a effectué de nombreux déplacements en soutien à des candidats du camp présidentiel en difficulté.

« Gabriel Attal s’est vraiment révélé après la dissolution et a profité de la faiblesse du président de la République, qui n’est plus perçu comme un leader. »

Benjamin Morel, constitutionnaliste

à franceinfo

« Gabriel Attal, pour l’instant, reste celui qui a mené cette bataille législative et apparaît comme celui qui est capable de se dresser contre une forme d’irrationalité politique.juge le constitutionnaliste« C’est du véritable capital politique. »

L’ambitieux trentenaire a déjà tenté de tirer le meilleur parti du capital gagné à Matignon. Avant son retour effectif à l’Assemblée nationale, il a trouvé un point d’atterrissage, en étant élu à la tête des députés du groupe Ensemble pour la République (ex-Renaissance). Le poste est stratégique car « Le véritable pouvoir est au Parlement »insiste Benjamin Morel.

Le député des Hauts-de-Seine pourrait ne pas s’arrêter là. « Gabriel Attal se présentera à la tête du partiprédit une majorité exécutive. Il a compris qu’il avait besoin que le parti pèse dans la balance en vue de 2027″ et l’élection présidentielle. S’il se lance, l’ancien Premier ministre trouvera sur sa route Elisabeth Borne, elle aussi passée par Matignon et bien décidée à prendre la tête du parti Renaissance. D’anciens ministres, comme Gérald Darmanin, pourraient décider de la soutenir officiellement, pour contrer les plans de leur ancien patron à l’automne. L’enjeu est de taille : « Si vous avez la fête et le groupe, rien ne peut vous arrêter »soutient Benjamin Morel« S’il prend le mouvement, cela signifie que c’est lui qui sera élu en 2027. »anticipe un conseiller auprès du gouvernement.

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Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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