Que devrait faire le Québec pour empêcher la Caisse de vendre nos produits phares?
Si François Legault veut empêcher la Caisse de dépôt et placement de continuer à vendre des blocs d’actions de fleurons québécois à des étrangers, sans le consentement du gouvernement, comme il vient de le faire avec Héroux-Devtek, il doit modifier la loi sur la Caisse et lui retirer son « indépendance » par rapport au gouvernement.
Très mécontent de voir Héroux-Devtek tomber aux mains des Américains, le premier ministre veut ralentir la vente d’autres fleurons québécois à des étrangers.
Pour ce faire, il veut mettre au pas la Caisse de dépôt et placement qui, sans en informer personne au gouvernement, s’est formellement engagée (en catimini) à vendre son important bloc d’actions Héroux-Devtek à la société américaine Platinum Equity.
«Ça demeure une priorité pour moi de conserver notre siège social québécois et de le développer», a déclaré le premier ministre. «Nous regardons actuellement les moyens pour nous assurer que cela n’arrive pas (une nouvelle vente d’une entreprise québécoise stratégique à des intérêts étrangers), que nous avons des outils, entre autres à la Caisse de dépôt, pour éviter ce qui s’est passé avec Héroux-Devtek», rapportait cette semaine mon collègue Sylvain Larocque.
Remettre la Caisse au pas, monsieur Legault, c’est plus facile à dire qu’à faire en pratique!
La Caisse avait « les outils » pour mener la lutte contre l’offre publique d’achat (OPA) sur Héroux-Devtek. Mais elle a préféré appuyer la transaction de vente et vendre ses actions du fleuron aux Américains !
Je tiens à rappeler au premier ministre qu’aux termes de l’article 4 de la Loi sur la Caisse : « Elle (la Caisse) agit en toute indépendance conformément aux dispositions de la présente loi. »
Les actifs détenus par le Fonds sont certes « la propriété de l’État », mais le Fonds, en tant qu’agent de l’État, en assume la gestion « en toute indépendance », comme si ces actifs n’étaient pas la propriété de l’État. Est-ce assez clair ?
Afin de permettre au gouvernement d’avoir officiellement le pouvoir d’intervenir ou de consulter sur des décisions importantes de la Caisse, comme celle concernant la vente d’actions d’un fleuron québécois dans le cadre d’une offre publique d’achat, il faudrait modifier la Loi sur la Caisse de façon à ne plus lui permettre d’agir « en toute indépendance ».
Sans cet amendement, les dirigeants et administrateurs du Fonds jouissent d’une totale indépendance dans leurs décisions.
Comme preuve…
VENTE D’HÉROUX-DEVTEK : LE RÔLE DÉCISIF DU FONDS DE TRÉSORERIE
Pour vous montrer à quel point la Caisse vient de jouer un rôle déterminant dans la mégatransaction de vente d’Héroux-Devtek à la société américaine Platinum Equity, sachez qu’elle a conclu une « Entente de soutien et de vote » avec les Américains, « comme condition préalable » à la Convention d’arrangement relative à la vente d’Héroux-Devtek à Platinum Equity.
Cela suggère que l’appui de la Caisse était essentiel pour aller de l’avant avec cette offre d’achat sur Héroux-Devtek.
Principal actionnaire d’Héroux-Devtek, la Caisse détient 14,3 % des actions en circulation, en plus d’avoir un droit prioritaire sur les 2,6 millions d’actions détenues par le président exécutif de l’entreprise, Gilles Labbé.
Afin d’éviter que quiconque au sein du gouvernement Legault ne mette des bâtons dans les roues de l’offre publique d’achat avant de l’annoncer publiquement, voici trois des engagements fermes que la Caisse a pris dans le cadre de la soi-disant « Entente de soutien et de vote » qu’elle a conclue avec Platinum Equity.
Un, « L’actionnaire (le Fonds) n’est pas tenu d’obtenir un consentement, une approbation, une ordonnance ou une autorisation d’une entité gouvernementale ou d’une autre personne, ni de faire une déclaration ou un dépôt auprès d’une entité gouvernementale ou d’une autre personne en rapport avec l’exécution, la livraison ou l’exécution du présent accord (de soutien et de vote). »
Deuxièmement, « l’Actionnaire (le Fonds) ne peut pas, en ce qui concerne ses Titres Cibles et tout autre titre de la Société sur lequel il exerce un contrôle ou une direction, exercer les droits de retrait ou les droits de dissidence prévus par la Loi Applicable ou autrement en rapport avec l’Arrangement ou les Transactions… »
Troisièmement, « l’Actionnaire (le Fonds) cesse immédiatement et fait cesser toutes les discussions et négociations, le cas échéant, avec toute Personne ou (tout) groupe de Personnes, menées avant la date du présent Accord concernant toute Proposition d’Acquisition réelle ou potentielle… »
À la lumière de ces engagements envers Platinum Equity, la Caisse a appuyé à 100 % l’offre publique d’achat américaine sur Héroux-Devtek, tout en certifiant qu’elle avait pleine autorité pour le faire.
À l’avenir, si le gouvernement du Québec veut avoir son mot à dire dans les grandes décisions de la Caisse concernant les offres d’achat sur nos fleurons québécois, il doit retirer à la Caisse le droit d’agir « en toute indépendance » du gouvernement du Québec.
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