Que contient le pacte sur la migration et l’asile, sur lequel le Parlement européen se prononce mercredi ?
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Le Parlement et les États membres sont parvenus à un accord de principe en décembre. Après l’examen final par les députés, le texte doit être formellement validé par le Conseil de l’UE, avant d’entrer en vigueur en 2026.
Dernière ligne droite pour des négociations entamées il y a plus de trois ans. La réforme de la politique migratoire européenne, qui renforce le contrôle des arrivées de migrants dans l’Union européenne (UE) et prévoit un système de solidarité entre États membres pour l’accueil des demandeurs d’asile, est soumise au vote des députés, mercredi 10 avril. Le Parlement européen et les Vingt-Sept étaient déjà parvenus à un accord de principe en décembre.
Les élus européens doivent désormais valider définitivement une série de textes formant ce « pacte sur la migration et l’asile », fondé sur une proposition de la Commission en septembre 2020, alors que les demandes d’asile dans l’UE atteignaient 1,14 million en 2023, leur plus haut niveau depuis 2016. Après le vote des députés européens, le texte doit être formellement validé par le Conseil de l’UE, avant d’entrer en vigueur en 2026. Franceinfo fait le point sur les grands axes de cette vaste réforme.
Contrôles aux frontières renforcés
Le pacte prévoit une procédure accélérée d’examen des demandes d’asile, à proximité des frontières extérieures, via un système de « filtration » obligatoire et avant l’entrée d’un migrant dans l’UE. Ce processus vise à déterminer dans un délai de cinq jours si le demandeur doit faire l’objet d’une procédure de retour – par exemple s’il s’est déjà vu refuser l’asile – ou s’il peut effectivement en faire la demande. .
Cette vérification comprendra des contrôles d’identification, de santé et de sécurité, ainsi que la prise d’empreintes digitales qui doivent alimenter la base de données Eurodac, précise le Conseil de l’UE. Le périmètre de cette base de données a été élargi et s’applique désormais aux enfants âgés de 6 ans et plus. Outre les demandeurs d’asile, ce contrôle concernera également les personnes secourues en mer ou arrêtées après avoir franchi illégalement les frontières extérieures de l’UE.
Pour prendre leur décision au moment du filtrage, les États membres pourront prendre en compte la notion de « pays tiers sûr » d’y renvoyer un demandeur d’asile. Ils peuvent juger un dossier irrecevable parce que le demandeur a transité par un pays tiers considéré comme « sur », où il aurait pu déposer une demande de protection. Cependant, il doit y avoir un « lien » suffisant entre la personne concernée et ce pays tiers – sans que ce lien soit clairement défini dans le texte.
Les États membres devront mettre en place un mécanisme indépendant pour contrôler le respect des droits fondamentaux lors du filtrage. Elle devrait permettre de vérifier le respect du principe de non-refoulement (qui interdit à un pays d’accueil de demandeurs d’asile de les renvoyer vers un pays où ils risquent probablement d’être persécutés) et des règles nationales en matière de détention, lorsque celles-ci sont appliquées lors du filtrage.
Une procédure spécifique à la frontière
Les migrants dont la procédure d’asile est jugée recevable après examen, mais qui ont statistiquement le moins de chances d’obtenir une protection internationale, seront dirigés vers un « procédure à la frontière ». Cette mesure concerne les ressortissants de pays pour lesquels le taux de reconnaissance du statut de réfugié est, en moyenne dans l’UE, inférieur à 20 % (comme le Maroc, la Tunisie et le Bangladesh). Mineurs non accompagnés en fuite « un risque pour la sécurité » et les familles avec enfants seront également touchées.
La durée de cette procédure est de douze semaines pour l’examen de la demande, auxquelles peuvent s’ajouter douze semaines pour la procédure de renvoi, pour une durée totale maximale de six mois. La procédure passera probablement par la détention mais, selon l’eurodéputée française Fabienne Keller, rapporteur de ce texte, des mesures alternatives de restriction des libertés sont également possibles. Pour mettre en œuvre la procédure, il est prévu de créer 30 000 places dans des centres dédiés, afin d’accueillir à terme jusqu’à 120 000 migrants par an. L’ONG Oxfam a dénoncé un « accord sur davantage de détentions, notamment d’enfants et de familles, dans des centres de type pénitentiaire ».
Une plus grande solidarité entre les États membres pour accueillir les réfugiés
Jusqu’à présent, la politique migratoire européenne reposait sur le texte Dublin III. Il permet aux réfugiés de demander l’asile dans le premier pays de l’UE qu’ils atteignent. Mais cette réglementation a pour conséquence de reporter les demandes d’asile sur les pays du sud de l’Europe où arrivent la majorité des migrants en provenance du Moyen-Orient, d’Asie ou d’Afrique. Pour y remédier, le pacte sur la migration et l’asile maintient ce système, mais y ajoute un mécanisme de solidarité obligatoire.
D’autres États membres devront contribuer aux coûts des pays d’entrée en prenant en charge les demandeurs d’asile par le biais de relocalisations ou en leur apportant un soutien financier. Le Conseil de l’UE prévoit au moins 30.000 relocalisations par an de demandeurs d’asile, un chiffre néanmoins très faible par rapport aux quelque 490.000 demandes d’asile acceptées dans l’UE en 2023, rappelle Les échos. La compensation financière prévue pour les pays membres refusant les relocalisations est de 20 000 euros pour chaque demandeur d’asile.
Un mécanisme spécifique en cas de crise migratoire
L’une des dispositions de la réforme européenne prévoit une réponse en cas d’afflux massif et exceptionnel de migrants dans un État de l’UE, comme lors de la crise des réfugiés, notamment syriens, en 2015. Le mécanisme de solidarité des Vingt- Les sept en faveur de l’État concerné seront alors déclenchés plus rapidement et un régime d’exception, plus dur pour les demandeurs d’asile que dans les procédures habituelles, sera mis en place.
Ce mécanisme prévoit notamment l’allongement de la durée éventuelle de détention d’un migrant aux frontières extérieures de l’UE, jusqu’à neuf mois au lieu de six. Les procédures d’examen des demandes d’asile pourraient également être plus rapides et simplifiées pour un plus grand nombre d’exilés, afin de pouvoir les renvoyer plus facilement.
Ce mécanisme de crise s’applique également aux situations de« instrumentalisation »dans le cas où un « pays tiers ou acteur non étatique » utilise la migration pour déstabiliser un pays de l’UE. Ce n’est pas à propos « en aucun cas viser » des organisations assurant le sauvetage des migrants en mer, a néanmoins assuré l’eurodéputé espagnol Juan Fernando Lopez Aguilar, rapporteur du texte.