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Qu’avons-nous appris de la plus ancienne carte du monde, une tablette cunéiforme babylonienne vieille de 2 600 ans ?



Carte du monde babylonienOu Image Mundi – aujourd’hui devenu le nom de la Revue internationale d’histoire de la cartographie –, représente le monde tel qu’il était connu par les Babyloniens au VIe siècle avant J.-C., inscrit sur une tablette d’argile mesurant 12 sur 8 centimètres. Découverte dans l’ancienne Sippar (centre de l’Irak actuel), celle qui est considérée comme la plus ancienne carte du monde n’offre pas seulement une représentation schématique de la Mésopotamie il y a 2 600 ans. Elle révèle également les croyances de ses anciens habitants.

Dans une vidéo fascinante de 17 minutes publiée sur la chaîne YouTube du British Museum de Londres (Angleterre) en août 2024, le célèbre conservateur britannique Irving Finkel, spécialiste du cunéiforme au département Moyen-Orient du musée, en explique toutes les subtilités. « Au British Museum (où est conservée la précieuse tablette, ndlr) nous avons des objets de toutes tailles, de la tête d’épingle à celle gigantesque, et tout ce qui se trouve entre les deux »il a présenté. « Mais parfois, certains des plus petits se révèlent contenir des informations totalement inattendues. »il continue en agitant une réplique de l’artefact, en partie incomplète.

Carte babylonienne : le monde et au-delà

La tablette est gravée de plusieurs paragraphes en cunéiforme akkadien, système d’écriture ancien alors répandu dans tout le Proche-Orient. Ses symboles en forme de coin décrivent la création primitive du monde telle qu’on l’imaginait à l’époque, à quoi elle ressemble et ce qui existe au-delà de ses frontières. La Mésopotamie est alors représentée sans souci de distance ni de proportions, traversée du nord au sud par le fleuve Euphrate, enjambée par Babylone. Les villes sont des cercles, représentés par leurs noms ou ceux des tribus : à droite, Urartu, Assyrie et Dêr ; à gauche Habban et Bīt Yakīn ; en contrebas des marais, Suse.

La carte illustre ainsi la perception babylonienne de la Terre au début du premier millénaire avant J.-C., montrant un monde unique en forme de disque, bordé par un anneau d’eau qui est appelé le « Fleuve Amer ».Ce diagramme circulaire résume l’ensemble du monde connu dans lequel les gens ont vécu, prospéré et sont morts.Le Dr Finkel le dit dans la vidéo.

« Cependant, cette carte a bien plus à offrir que cela »Au-delà du double cercle de la « Rivière amère », ses auteurs ont dessiné des triangles. La tablette ayant été abîmée, deux d’entre eux – sur huit supposés – étaient encore visibles. Mais grâce au travail minutieux d’Edith Horsley, bénévole au British Museum, un fragment manquant a été retrouvé dans les archives dans les années 1990 : un troisième triangle, réinséré dans la tablette, qui a permis de « pour nous emmener en voyage à travers le paysage quelque peu mythique de la Mésopotamie ».

Légendes liées au Déluge et à l’Arche ?

Les trois régions périphériques ont finalement été associées aux textes figurant sur le devant de la tablette, où de brèves légendes commencent par la même phrase : « depuis la rivière Amère, il vous faudra parcourir (six ou huit) lieues pour arriver (…). » L’un d’eux fait écho à un autre texte cunéiforme daté de 1750 av. J.-C., découvert en 1985 et également étudié par Irving Finkel. Il contient le récit d’un déluge semblable à celui de Noé, décrivant la conception du bateau avec tant de précision qu’en 2014, sous l’impulsion du scientifique, une réplique à un tiers de l’échelle de « l’Arche babylonienne » a été reproduite à Alleppey (sud-ouest de l’Inde).

Carte du monde babylonienLe livre, quant à lui, semble raconter la création du monde par Marduk (ou Bēl), le dieu protecteur de Babylone. Il évoque plus d’une douzaine d’animaux (chèvre, lion, léopard, hyène, loup), ainsi que des souverains notables, comme Utnapishtim, héros de laL’épopée de Gilgamesh qui survécut au fameux Déluge. On suggère même que l’épave de l’Arche serait visible en escaladant une montagne dans le prolongement d’Urartu. « Pour la première fois, nous pouvons dire avec certitude que, si nous étions un Babylonien de cette époque, nous saurions où aller pour voir les restes de ce navire légendaire. »s’enthousiasme Irving Finkel.

L’expert souligne également que l’« Urartu » assyrien correspond à l’« Ararat » hébreu… du nom des montagnes où, selon la Genèse (chapitre 8, verset 4), premier livre de la Bible, l’arche de Noé a atterri après le retrait des eaux du Déluge. Une histoire en inspire une autre.

L’auteur de la carte et des textes de laImage Mundi L’origine de la carte du monde reste inconnue. Si les chercheurs ont noté qu’il était souvent d’usage que les tablettes cunéiformes soient signées du nom de leur lointain scribe, la pièce qui le portait autrefois est ici détachée. Ici, seul le nom de son père, « Issuru » (« oiseau ») a été conservé, un patronyme des plus inhabituels chez les Babyloniens, selon Irving Finkel. Ainsi, la plus ancienne carte du monde connue recèle encore bien des mystères. Comme le souligne à juste titre l’expert, l’archéologie est une discipline parfois déconcertante, qui met des siècles à livrer tous ses secrets.



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Ray Richard

Head of technical department in some websites, I have been in the field of electronic journalism for 12 years and I am interested in travel, trips and discovering the world of technology.
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