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Quatre questions sur l’éventuel passage du Doliprane sous pavillon américain

C’est le drogue préférée des français. Le Doliprane, cette capsule de paracétamol présente dans toutes les pharmacies, pourrait finir sous pavillon américain. Le groupe pharmaceutique Sanofi a annoncé en fin de semaine dernière avoir choisi le fonds d’investissement CD&R pour potentiellement céder le contrôle de son entité de santé grand public, Opella, qui commercialise le Doliprane. Cette annonce a provoqué un tollé en France, tant au sein de la classe politique que parmi les salariés du groupe. Les syndicats CFDT et CGT ont appelé, mercredi 16 octobre, à une grève renouvelable à partir de jeudi.

Ce transfert soulève plusieurs questions alors que le pays tente de relocaliser sa production de médicaments depuis la pandémie de Covid-19.

Pourquoi Sanofi veut-il céder le contrôle de sa filiale ?

Sanofi a assuré le support après-vente de ce transfert dans les médias. Dans une déclaration à l’AFP, le géant pharmaceutique explique que son choix du CD&R « est dû notamment au fait qu’il offre une solidité et des garanties financières suffisantes pour maintenir et développer les activités d’Opella en France et dans le monde ». Opella, qui a réalisé 5,2 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2023, emploie 1.700 personnes en France et Doliprane est sa deuxième marque en termes de chiffre d’affaires. Comme rappelé Les Échosles Français achètent chacun plus de 400 millions de boîtes jaunes.

Interviewé par le quotidien économiquele président du conseil d’administration de Sanofi, Frédéric Oudéa, a insisté sur le fait que « La décision de Sanofi de conserver 50 % du capital » pendant l’opération, c’était le « garantie » de la« ancrage » d’Opella en France, notamment en donnant à son groupe « un droit de veto sur les grandes décisions stratégiques ».

« La vente d’Opella est une histoire de croissance, (…) pas une histoire de restructuration. »

Frédéric Oudéa, Président du Conseil d’administration de Sanofi

dans « Les Echos »

Frédéric Oudéa justifie le choix de CD&R en assurant que ce fonds d’investissement est le « meilleur partenaire » Pour « doter Opella de tous les moyens nécessaires à son développement ». « Nous n’aurions pas pu le faire (…) compte tenu des nombreux produits que nous souhaitons lancer et de la poursuite de nos investissements dans l’ARN messager »continue-t-il. Pour l’économiste Nathalie Coutinet, consultée par franceinfo, cette décision de Sanofi illustre avant tout « un recentrage assez généralisé des laboratoires pharmaceutiques sur leurs activités d’innovation ». « La rentabilité du Doliprane est un peu ‘pépère’, alors que si on sort un nouveau médicament, la rentabilité est exponentielle »explique-t-elle.

Que craignent les salariés de Lisieux et de Compiègne ?

Doliprane est fabriqué sur deux sites de production, celui de Lisieux (Clavados), qui compte 250 salariés, et celui de Compiègne, qui en compte 480. Le site Doliprane Lisieux s’est mis en grève lundi et les syndicats ont prévu un rassemblement jeudi à celui de Compiègne, avec la venue de personnalités politiques. Le député Nouveau Front populaire François Ruffin et le président LR des Hauts-de-France Xavier Bertrand sont attendus. Les syndicats et une grande partie de la classe politique s’inquiètent en effet des conséquences d’une telle vente.

« L’appartenance à un grand groupe est rassurante. Il y a une base sociale importante, des acquis sociaux importants. Pour demain, la plus grande crainte, c’est la perte de ces acquis, mais aussi du personnel : on sait que les fonds d’investissement ne font pas d’œuvre sociale »craint Adrien Mekhnache, le délégué CFDT de Sanofi Compiègne, de France 3 Hauts de France. Selon lui, les salariés vivent cette décision comme un « trahison » de la part de Sanofi, après leur mobilisation et leur « au fil du temps » pendant la crise du Covid-19. En 2021, déjà, le syndicaliste a été surpris par la création d’Opella. « On ne comprend pas trop l’intérêt de créer une entité distincte si ce n’est pour se vendre après »se demanda-t-il alors.

« Ils peuvent prendre tous les engagements qu’ils veulent auprès du gouvernement, si le conseil d’administration se retrouve en Irlande ou au Benelux ou sous le droit américain, ça ne marchera pas »soutient Humberto de Sousa, coordinateur CFDT au sein du groupe Sanofi, sur franceinfo. « Notre première demande est de rester Sanofi ! a lancé Johann Nicolas, délégué CGT à Lisieux, à l’AFP. « Nous comprenons les inquiétudes (…) mais elles sont infondées »a répondu Frédéric Oudéa dans Les Échos. « Cela fait dix ans que nous investissons continuellement à Lisieux ; un investissement de 20 millions d’euros est également en cours pour augmenter de 40% la capacité de production et de stockage du Doliprane ! ajoute-t-il.

Que peut faire le gouvernement ?

L’exécutif suit ce dossier de près. En marge d’un déplacement au Mondial de l’Automobile de Paris, Emmanuel Macron a affirmé que le gouvernement avait «les instruments pour garantir la protection de la France» en vue d’un changement de capital d’Opella. Et pour cause, le chef de l’Etat annoncé en juin 2023 son intention de relocaliser en France la production d’une cinquantaine de médicaments essentiels, dont le paracétamol.

Mais que peut réellement faire le gouvernement ? Lors d’une visite à Lisieux, le ministre de l’Économie, Antoine Armand, a déclaré qu’il « discussions entamées » avec les parties prenantes en vue de parvenir à un accord sur «des engagements extrêmement précis», « avec garanties » Et « sanctions ». Marc Ferracci, ministre délégué à l’Industrie, a précisé sur France Inter que ces engagements porteraient sur le maintien « emploi industriel », « volumes produits », « recherche et développement » et la sauvegarde de l’écosystème de « sous-traitants ». Et pour prévenir que « si ces engagements n’étaient pas pris, il existe désormais une possibilité dans le Code monétaire et financier de bloquer cette vente ». « Nous avons cette option qui est absolument sur la table »il a insisté.

L’autre option est une entrée de l’Etat au capital de la nouvelle entité, pour garantir la souveraineté du Doliprane. Antoine Armand a annoncé mardi aux députés qu’il était « étudier, en accord avec le Premier ministre », « la possibilité d’un actionnariat public et d’une participation à la gouvernance dans le cadre de cet accord »avec un siège au conseil d’administration. Le ministre de l’Économie a également rappelé que « toute la procédure de contrôle des investissements étrangers » En France, régi par un décretseraient mobilisés si la vente était confirmée.

Le gouvernement demande également un « évaluation exhaustive » aide publique reçue par le groupe pharmaceutique depuis une décennie.

« Oui, nous soutenons les entreprises, oui, nous soutenons l’emploi et l’industrie, mais cela ne peut se faire n’importe comment et sous n’importe quelles conditions. »

Le ministre de l’Économie, Antoine Armand

à l’Assemblée nationale

Sanofi a précisé bénéficier de « 100 millions d’euros » crédit d’impôt pour « 2,5 milliards d’euros investis chaque année en recherche et développement en France ». Pour Pour la leader de la CGT, Sophie Binet, ce possible passage du Doliprane sous pavillon américain est « le symbole de l’échec total de la politique industrielle d’Emmanuel Macron ». Sanofi a bénéficié« un milliard de crédit d’impôt recherche en dix ans » en divisant « les effectifs en France ont doublé, notamment les emplois de chercheurs »a-t-elle déploré sur TF1.

Sommes-nous confrontés à de nouvelles pénuries à l’avenir ?

De nombreuses voix s’inquiètent de l’approvisionnement en Doliprane, qui a récemment connu des périodes de tensions en France. L’ancien ministre de la Santé François Braun a rappelé « des difficultés que nous avions avec les pénuries de paracétamol, il y a deux hivers maintenant ». « C’est un enjeu majeur pour la souveraineté de la France en matière de production de médicaments »souligne-t-il en demandant « une garantie d’approvisionnement pour les pharmacies et pharmacies » si le transfert est effectif.

Un argument balayé par le député Les Républicains Philippe Juvin, également chef du service des urgences de l’hôpital européen Georges-Pompidou à Paris. « Ce n’est pas parce qu’on a une usine en France qu’on n’aura pas de pénurie et ce n’est pas parce qu’on n’a pas d’usine qu’on aura une pénurie »il a expliqué sur franceinfo. « Toute cette histoire est une fable »il a continué, parce que « le principe actif du médicament est fabriqué à 100 % en Asie ».

Les autorités tentent de délocaliser la fabrication de ce principe actif avec la construction d’une usine usine de fabrication à Roussillon (Isère). « Que va devenir cette entreprise qui était en grande partie financée par l’État, avec des subventions publiques ? a demandé l’économiste Nathalie Coutinet pour franceinfo. Les nouveaux actionnaires pourraient décider de continuer avec des actifs qui viennent d’Inde ou de Chine. »

Une inquiétude partagée par Bruno Bonnemain, le président de l’Académie nationale de pharmacie.

« Le problème, c’est que quand les centres de décision ne sont plus en Europe, tout peut arriver. C’est le problème qu’on a par exemple avec la Chine et l’Inde qui peuvent décider du coup de ne plus approvisionner l’Europe en priorité. Nous J’imagine qu’à long terme, ce sera la même chose avec les Etats-Unis. »

Bruno Bonnemain, président de l’Académie nationale de pharmacie

sur franceinfo

« Je pense que dans les cinq ou six prochaines années, il n’y a aucun risque » pénuries de Doliprane en France, « mais c’est après que ça pourrait poser problème »est-ce qu’il ajouté. Pour éviter cette situation, la ministre de la Santé, Geneviève Darrieussecq, a demandé à Sanofi trois garanties sur France Inter : « La garantie que le Doliprane est produit en France. La garantie d’un approvisionnement normal des pharmacies pour un accès à nos concitoyens. Et la garantie que les stocks seront suffisants (…) afin d’éviter les ruptures de stock dans les périodes qui sont des périodes critiques « .

Cammile Bussière

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