quatre questions sur l’envoi critiqué de mines antipersonnel par les Etats-Unis
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Ces armes sont censées contribuer à ralentir l’avancée des troupes russes dans l’est du pays, mais elles représentent également une menace pour les populations civiles. Les États-Unis ont annoncé qu’ils abandonneraient leurs mines en juin 2022.
Après plus de mille jours de guerre pour repousser l’offensive russe, le président américain Joe Biden a donné son feu vert à l’envoi de mines antipersonnel en Ukraine. L’information, révélée par le Washington Post» a été confirmé mercredi 20 novembre par le secrétaire à la Défense, Lloyd Austin, et le porte-parole de la diplomatie américaine, Matthew Miller.
Cette aide militaire est une nouvelle démonstration des efforts des États-Unis pour renforcer les capacités défensives de l’Ukraine, à deux mois du retour de Donald Trump à la Maison Blanche. Mais elle suscite aussi des critiques, en raison de la dangerosité de ces explosifs pour les populations civiles. Franceinfo fait le point sur les questions soulevées par l’annonce américaine.
1 Quel type de mines antipersonnel les États-Unis livreront-ils à l’Ukraine ?
Selon le secrétaire américain à la Défense Lloyd Austin, les mines antipersonnel fournies par les États-Unis à l’Ukraine sont « non persistant »c’est-à-dire qu’ils sont équipés d’un mécanisme d’autodestruction ou d’auto-désactivation destiné à réduire leur durée de vie.
Pour fonctionner, ces engins explosifs sont équipés d’une batterie électrique. Lorsque celle-ci est déchargée, les mines deviennent inactives ou s’autodétruisent. « Les batteries s’épuiseront (…) au maximum deux semaines après leur déploiement (…) afin qu’elles ne représentent plus une menace pour la population civile à la fin du conflit »» a détaillé le porte-parole du Département d’État, Matthew Miller.
Le responsable américain a assuré qu’il s’agissait de mines « très différent » parmi ceux déployés par la Russie : « Les mines terrestres déployées par les Russes en Ukraine, au nombre d’environ deux millions, resteront une menace pendant des décennies. »
2 Pourquoi Joe Biden autorise-t-il maintenant l’Ukraine à utiliser des mines ?
L’envoi de ces mines antipersonnel s’inscrit dans une volonté de l’administration de Joe Biden de soutenir l’effort de guerre de l’Ukraine à quelques semaines de la fin de son mandat, en janvier, et du retour de Donald Trump à la Maison Blanche, qui s’interroge sur la poursuite des Aide militaire américaine à Kiev. Les États-Unis viennent de donner leur feu vert à l’usage de missiles à longue portée contre le territoire russe. Une autorisation que le président ukrainien Volodymyr Zelensky réclame depuis longtemps, mais que les Occidentaux ont jusqu’ici refusé d’accorder.
Cette décision de fournir des mines est également motivée par l’évolution de la situation dans l’est de l’Ukraine, où l’avancée des troupes russes s’accélère. Ces explosifs devraient aider Kiev à réagir à un changement tactique des troupes russes, selon Lloyd Austin : « Les forces mécanisées ne sont plus en tête. Elles avancent à pied pour s’approcher et faire des choses pour ouvrir la voie aux forces mécanisées. »a expliqué mercredi le secrétaire américain à la Défense. Ukrainiens « Il faut des choses qui puissent aider à ralentir cet effort de la part des Russes ».
3 L’Ukraine violerait-elle le droit international en utilisant ces mines antipersonnel ?
L’envoi de ces explosifs à Kiev se heurte à un obstacle majeur : la Convention d’Ottawa. Également connu sous le nom de Traité international d’interdiction des mines antipersonnel, ce texte a été adopté en 1997 et vise à interdire l’utilisation, la production, le stockage et le transfert desont armes explosives conçues pour être activées par la présence ou la proximité d’une personne. Selon l’ONU, 164 de ses États membres sont liés par cette convention, dont l’Ukraine (mais pas la Russie). Or, depuis le début de la guerre, Kiev réclame ces explosifs, déjà utilisés par l’armée russe, rapporte le Washington Post.
Si les États-Unis n’ont jamais ratifié ce texte, l’administration Biden s’est engagée, en note officielle de juin 2022s’aligner sur « les principales exigences de la Convention d’Ottawa » et limiter son usage de mines antipersonnel. Les Etats-Unis avaient notamment annoncé qu’ils cesseraient de développer et d’exporter ces explosifs. Ils avaient également assuré leur intention de détruire tous leurs stocks existants, à l’exception de ceux destinés à la Corée du Sud.
Deux mois plus tôt, dans un précédent communiqué de presseles États-Unis avaient prétendu livrer en Ukraine Mines de type M18A1 Claymore. Cette décision, antérieure à l’engagement de ne plus exporter ces armes, était justifiée par la présentation de ces mines comme « configuré pour être conforme aux principes de la Convention d’Ottawa« . Les mines Claymore ont la particularité de se déclencher sur commande d’un opérateur, et non automatiquement par la présence d’une personne à proximité, explique le magazine américain. Forbes.
4 Quelles ont été les réactions à cette autorisation ?
De nombreuses voix se sont élevées contre l’envoi de mines antipersonnel en Ukraine. La Campagne internationale pour interdire les mines terrestres (ICBL), une organisation récompensée par le prix Nobel de la paix en 1997, a statué « catastrophique » L’annonce de Washington. « Cette décision est inacceptable et représente un sérieux revers dans la lutte mondiale contre les mines.« , a déclaré sa directrice, Tamar Gabelnick.
L’ONG Amnesty International a dénoncé un «décision imprudente et revers profondément décevant pour un président qui a admis que les mines terrestres mettaient davantage de civils en danger« . « C’est une évolution choquante et dévastatrice« , a ajouté Mary Wareham, directrice adjointe de la division crises, conflits et armes de Human Rights Watch.mettant en garde contre la complexité des efforts de déminage.
L’Ukraine est devenue le pays le plus miné au monde, avec plus de « 23 % de ses terres risquent d’être contaminées par des mines terrestres et des munitions non explosées« , a affirmé le Les Nations Unies en octobre. En 2023, la Banque mondiale estimait déjà le coût du processus de déminage à 37,4 milliards de dollars.