Trois espèces de champignons présentes en Corse ont été classées « quasi menacées » et une « vulnérable » sur une liste rouge nationale dédiée. Un document, premier du genre en France, qui met en lumière le rôle essentiel des champignons pour l’environnement.
C’est une activité populaire les après-midi d’automne : la cueillette des champignons. Cependant, comme la faune et la flore, ils n’échappent pas aux menaces, voire aux risques de disparition.
En avril dernier, une première liste rouge des bolets, lactaires et tricholomes a été publiée en France. Conçu conjointement par le comité français de l’Union internationale pour la conservation de la nature, l’Office français de la biodiversité et le Muséum national d’histoire naturelle, il établit, au niveau national, une menace pour 12 des 319 espèces recensées.
En Corse, une espèce est considérée comme vulnérable (Tricholoma chrysophyllum) et trois autres sont considérées comme quasi menacées (Imperator luteocupreus ; Lactarius lepidotus et Lactarius musteus), 33 autres sont trop peu connues pour être évaluées. Mais certains d’entre eux pourraient également s’avérer menacés.
« Cette liste rouge n’est pas réglementaire, explique Nicolas Suberbielle, référent mycologie et lichénologie au conservatoire botanique national de Corse. Il est néanmoins important, car il priorise les espèces en fonction du niveau de menace. Il regroupe six catégories : en danger critique d’extinction, en danger, vulnérable, quasi menacé, moins préoccupant et enfin données insuffisantes.»
Une liste d’espèces protégées en cours d’élaboration
Ces menaces sont principalement dues à la destruction de l’habitat, à l’urbanisation, au développement de certains loisirs de plein air ou encore à la surpopulation du littoral. « LL’importation d’espèces végétales non originaires de Corse, dans le cadre de politiques de gestion, peut également avoir des conséquences sur les champignons, poursuit Nicolas Suberbielle. L’implantation de ces espèces dans le milieu modifie considérablement la suite fongique existante pouvant conduire à sa disparition. C’est la deuxième cause de perte de biodiversité à l’échelle mondiale.»
Si une liste des espèces protégées pouvait être publiée en 2025 ou 2026, des actions pourraient être mises en place pour préserver les champignons. « Le plus simple reste la connaissance et la préservation de l’habitat, comme par exemple une gestion plus raisonnée des forêts.», soutient Nicolas Suberbielle.
Pouvant être classés en trois catégories – parasites, décomposeurs et mycorhiziens – les champignons jouent un rôle majeur dans l’environnement. Ainsi, les décomposeurs permettent de décomposer les matières organiques comme le bois, les feuilles ou encore les excréments. « S’ils venaient à disparaître, une des premières conséquences serait une accumulation de ces matériaux dans les forêts. Il pourrait y avoir des mètres de feuilles entassées et nous ne pourrions pas entrer.», précise Brigitte Ledentu, présidente de la société mycologique et botanique d’Ajaccio. « Et cela pourrait aller jusqu’à asphyxier l’environnement», complète le référent mycologie et lichénologie du conservatoire botanique national de Corse.
Transporteurs de nutriments
Les champignons mycorhiziens permettent le transport de la nourriture jusqu’aux arbres auxquels ils sont associés. « Le champignon va capter des nutriments et de l’eau pour l’arbre et en échange, l’arbre va apporter la photosynthèse et la matière organique indispensable aux champignons grâce à la photosynthèse.», explique Nicolas Suberbielle.
Un transport que les champignons peuvent effectuer d’arbre en arbre. « Si l’on prend l’exemple de la forêt de Vizzavona au printemps, les arbres à feuilles caduques peuvent produire un surplus de matière organique. Ces dernières seront transportées par les champignons vers des arbres plus fragiles, ou qui produisent moins par photosynthèse. Et en automne, le chemin s’inverse», souligne le chercheur qui précise que 40 % de la croissance d’un arbre est réalisée à partir de matière organique transportée par des champignons.
Quant à la catégorie « données insuffisantes », elle permet aux chercheurs «pour guider la recherche dans les années à venir». Il ne s’adresse donc pas à la population générale. Il est toutefois appelé à contacter les quatre sociétés mycologiques de Corse en cas de doute au retour de récolte. « Ils peuvent nous envoyer leurs photos afin que nous puissions déterminer la comestibilité d’une espèce, indique le président de la société mycologique d’Ajaccio. Notre travail permet, entre autres, de répertorier tout ce que nous collectons. Le tout est ensuite envoyé au conservatoire botanique de Corte pour rejoindre l’herbier et la base de données qui regroupe toutes les espèces de Corse.»
Durant la saison de la cueillette, les deux acteurs mettent en garde contre les champignons toxiques qui ressemblent à des champignons comestibles. Ils appellent également à ne pas recourir à des applications de reconnaissance, souvent trompeuses.