quand Zweig, pétri d'idéalisme, se révèle un visionnaire
Les nouvelles les plus importantes de la journée

quand Zweig, pétri d’idéalisme, se révèle un visionnaire

quand Zweig, pétri d’idéalisme, se révèle un visionnaire

Mélancolie de l’Europe

par Stefan Zweig

Plon, 258 p., 20 €.

Un humaniste universaliste. Politiquement, on pourrait le qualifier de Stefan Zweig. Les dix-sept textes rassemblés ici (articles, interventions, manifestes, etc.) le confirment. L’écrivain plaide en faveur de la paix, au moment même où se profile la Seconde Guerre mondiale. L’obscurité du monde s’accroît, et elle préconise « harmonie spirituelle entre les humains ». Si, sur le fond, on ne peut que souscrire, la forme, en revanche, surprend. Page après page, Zweig se révèle aussi idéaliste que naïf.

Animé par une quête d’absolu, c’est à travers ce prisme, et à travers lui seul, qu’il semble entrer en contact avec le réel… au risque d’en passer à côté de sa complexité. En témoigne la manière dont l’auteur analyse l’échec du président américain Woodrow Wilson (1856-1924) à jeter les bases d’une pacification durable à la fin de la Première Guerre mondiale : « La paix rêvée par Wilson reste une construction inachevée car elle n’a pas été formée (…) à partir de la matière pure de la raison ».

Rester à l’écart

On découvre ici un Zweig peu avide de compromis, dénué de tout pragmatisme. Un pur esprit, en quelque sorte. Et qui, lorsque ses convictions peinent à s’imposer, choisit de « se mettre, intérieurement, de côté » : « Nous qui considérons le combat comme perdu d’avance, il ne reste qu’une solution, la fuite en nous-mêmes (…) C’est peut-être dans notre obstination silencieuse et déterminée, dans notre message artistique que réside la plus grande force ». La dissidence, pour lui, se veut avant tout esthétique.

Précurseur audacieux

Ce rapport au monde, si radical et définitif, surprend chez un esprit aussi subtil. Mais Zweig ne s’arrête pas là. Il séduit aussi en sachant être visionnaire. Ainsi, dans un texte signé en 1931, l’Autrichien appelle à la création des États-Unis d’Europe (« L’Europe n’a pas d’autre possibilité, pour se maintenir économiquement, que l’unification fraternelle ») ou encore l’établissement « une année d’études dans une université étrangère » pour les étudiants, préfigurant ainsi Erasmus. Quelle avant-garde !

Et quand, quelques pages plus tard, on découvre son appel à la confiscation des armes ou son souhait de voir émerger une citoyenneté mondiale, on ne se moque plus de sa naïveté, se rendant compte qu’il est, peut-être, tout simplement en avance sur son temps. « Chaque idée devenue réalité était autrefois le rêve de pionniers audacieux », il écrit. Sans doute avons-nous besoin d’esprits comme le sien, d’êtres sur les sommets qui, loin des contingences, dessinent d’autres possibles et élargissent l’horizon.

Monotonisation du monde

On lui doit, enfin, de magnifiques pages sur ce qu’il appelle « la monotonisation du monde ». « Tous les modes de vie se standardisent, tout se conforme à un modèle culturel homogène. Les mœurs propres à chaque peuple s’émoussent, les tenues s’uniformisent, les mœurs s’internationalisent (…) Paris est aux trois quarts américanisé, Vienne embudapestée.. Zweig déplore ici l’homogénéisation des âmes par la consommation et les loisirs, loisirs qu’il tient en (trop) peu d’estime. Ce qui n’empêche pas l’écrivain d’être un fervent adepte du cosmopolitisme. Bref, rester ouvert à ce que l’esprit humain a pensé d’en haut, quelle que soit la latitude.

Quitter la version mobile