Quand un policier veut m’expulser de Paris en bus
Jeudi à Paris, je me suis retrouvée au mauvais endroit au mauvais moment.
En fait, j’allais faire un reportage sur les SDF à Paris, donc je risquais de me placer dans une situation particulière, puisque les rumeurs de personnes en situation de SDF dans la capitale française sont fortes depuis plusieurs mois.
Mais je n’imaginais pas que ce serait bien quand j’y suis allé.
J’ai été pris au milieu d’une opération de « nettoyage social » menée par la police parisienne.
Une centaine de personnes itinérantes, principalement des réfugiés, avaient installé leur campement devant la mairie le 18et pendant quelques jours. Je suis allée les voir.
La police arrive
Et là, bading, badang. Des centaines de policiers sont arrivés et ont encerclé le camp avec une chaîne humaine.
Photographie JEAN-NICOLAS BLANCHET
Impossible de sortir. Si vous êtes dans le périmètre, on vous invite à prendre un bus qui vous amènera on ne sait où. J’ai appris plus tard que c’était plus loin dans la région, dans des centres d’hébergement loin du centre-ville.
J’ai poussé un policier pour essayer de sortir. Je lui ai dit que j’étais journaliste. Peut-être n’a-t-il rien compris à cause de mon accent de Charlesbourg. Mais il m’a invité « pas gentiment » à aller faire la queue pour le bus comme les autres.
Un autre policier plus loin m’a compris et m’a dit : « Ah, vous êtes un journaliste québécois. Allez-y, monsieur, et bienvenue à Paris », avec un sourire ironique.
Bouleversant
Bref, je ne vais pas vous faire pleurer avec cette mésaventure. Par contre, tout ce que j’ai vu était plus que bouleversant.
« Je ne sais pas où nous allons. C’est comme ça avec les Jeux olympiques. Il faut partir. Je ne sais même pas si nous pourrons manger là où nous allons. Ici, au centre-ville, il y a des services pour nous. »
C’est ce que m’a raconté, les yeux emplis de larmes, une mère arrivée en France il y a plus d’un an en provenance de Centrafrique. Elle était seule, avec ses trois enfants. Elle craint aussi d’être expulsée si elle est placée en garde à vue par la police.
Photographie JEAN-NICOLAS BLANCHET
La plupart d’entre eux étaient des immigrants. Il y avait beaucoup de familles, un livre de coloriage de Mickey Mouse, des peluches, des biberons…
Pire encore, ceux qui n’étaient pas dans le périmètre au moment où la police a encerclé le périmètre n’ont pas pu entrer et donc, n’ont pas pu sortir. Comme vous pouvez le voir sur cette photo.
Photographie JEAN-NICOLAS BLANCHET
Une mère de famille de l’autre côté de la rue s’est vu refuser l’accès, alors que le reste de sa famille partait en bus, sans savoir où. Des représentants des organismes sociaux sur place s’efforceraient de résoudre le problème une fois que tout le monde serait parti.
Résigné
La scène de ce démantèlement était pénible à regarder. Certaines des personnes déplacées semblaient révoltées. Mais la plupart semblaient simplement résignées et attristées.
Les mères ont tenté d’expliquer à leurs enfants ce qui se passait, même si elles-mêmes ne le savaient pas vraiment. Impressionnés par les véhicules de police, les enfants ont souri aux gendarmes.
Je sais très bien qu’il y a un grand débat politique autour de la question des sans-abris, de l’immigration et des campements. Est-ce que c’est terrible, ce que faisait la police parisienne ? Non. Est-ce que c’est génial ? Je ne sais pas non plus. Et je ne veux pas me mêler de tout ça. Je ne blâme personne.
Photographie JEAN-NICOLAS BLANCHET
Mais une chose est sûre, humainement parlant, voir toutes ces familles qui doivent prendre le minimum et partir sans trop savoir où, voir ces enfants souriants partir avec leurs parents inquiets, ça n’a pas été facile pour mon petit cœur de papa. Et ce, que ce déménagement soit bon ou pas pour toutes ces personnes.
Cette misère est encore plus ahurissante lorsque, à quelques coins de rue de là, se déroule la grandeur des Jeux olympiques.
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