Quand trop de pluie fait reculer la production agricole
Dans plusieurs régions de France, un printemps anormalement pluvieux a retardé les semis dans les zones céréalières. Pour les mêmes raisons, la mise au pâturage des vaches a été retardée afin de ne pas détériorer l’état des prairies. Les fortes pluies ont également favorisé le développement du mildiou dans les vignes, tandis que des orages de grêle ont parfois anéanti les perspectives de récolte en 2024.
Hier soir et ce vendredi matin, les images diffusées par les télévisions de Nantes vers le département du Jura ont montré la puissance des inondations et des averses de grêle. A Craon, dans le département de la Mayenne, le niveau de la rivière Oudon est monté brutalement à 3,20 mètres, soit 34 centimètres de plus que le record de 1996, provoquant d’importants dégâts aux habitations. Tout au long du printemps qui vient de s’achever, des épisodes de grêle ont causé des dégâts importants dans certaines filières agricoles en France, à commencer par la vigne, les arbres fruitiers et certaines cultures maraîchères. Les fortes précipitations au cours des six premiers mois de l’année ont également des conséquences qui risquent de réduire les rendements céréaliers au moment des récoltes.
Dans le département céréalier du Loiret, les pluies du printemps 2024 sont en hausse de 25 à 45 % selon les zones, par rapport à la moyenne des années précédentes. Il y a eu 65 jours de pluie en mars, avril et mai, tandis que l’ensoleillement a considérablement diminué. Selon l’hebdomadaire « Loiret Agricole et Rural » du 14 juin, cet excès de précipitations « a entraîné des modifications dans la rotation des cultures, des retards dans les semis et l’absence d’application de fertilisants ou de traitements. La météo pourrait avoir un impact sur le remplissage des épis et la qualité des céréales. La préoccupation se porte principalement sur le tournesol et le maïs avec des difficultés de semis sur sols lourds argileux, sables sur argiles et limons martelants ou argileux. Ces semis de printemps ont souvent été retardés et, de ce fait, les rendements risquent d’être nettement inférieurs à ceux d’une année normale.
Orages de grêle et mildiou en hausse dans les vignobles
Si l’on passe des céréales à la viticulture, l’autre secteur excédentaire de notre balance commerciale, le développement du mildiou, favorisé par les pluies, réduira les rendements et la qualité des raisins pour les prochaines vendanges. À cela s’ajouteront les dégâts déjà causés par les tempêtes de grêle. Le secteur arboricole a été confronté à des problèmes de fertilisation au moment du passage de la fleur au fruit alors que des éclats de cerises ont été observés, rendant de nombreux fruits invendables. Le travail des abeilles ayant été rendu difficile en raison des intempéries, cela s’est également traduit par une moindre production de miel de printemps, à commencer par le miel de fleurs d’acacia.
Dans la mesure où la pluie favorise la pousse de l’herbe, on pourrait penser que les éleveurs de vaches laitières, allaitantes, ovines et caprines se porteraient mieux en 2024. Mais ce n’est pas du tout le cas. L’état du sol, fragilisé par des pluies excessives, n’a pas permis de mettre les animaux en pâturage pendant des semaines sans provoquer de dégâts importants. Il a donc fallu prolonger leur alimentation dans les stalles, ce qui a entraîné une augmentation des coûts de production. Dans le Loiret, un couple d’éleveurs de bovins viande a livré ce témoignage : « A cause de l’eau dans les parcelles, nous n’avons pas pu récolter l’herbe dans de bonnes conditions. Nous ne pourrons pas le récolter au stade optimal de sa qualité nutritionnelle. En attendant, nos animaux ne peuvent pas brouter au risque d’abîmer l’herbe, de l’écraser dans la boue. »
A la page 22 de La France Agricole du 14 juin, on apprend que « selon un bilan non exhaustif établi par la FDSEA du Bas-Rhin, au moins 2 200 hectares de cultures d’hiver, 1 970 hectares de cultures de printemps, 2 000 hectares de prairies et 207 hectares de superficies maraîchères ont été impactés à des degrés divers par les pluies supérieures à 100 millimètres tombées les 16, 17 et 18 mai sur le nord du département. Quelque 300 exploitations sont concernées.
Aide gouvernementale pour l’assurance récolte
Le 30 mai à Angers, la coopérative Terrena – qui regroupe plus de 20 000 agriculteurs et qui emploie également plus de 12 000 salariés dans l’industrie agroalimentaire – a présenté son projet d’adaptation au changement climatique. Il vise à identifier les changements climatiques à l’échelle locale afin d’ajuster les pratiques agricoles. Cet automne, les adhérents disposeront de cartes précisant l’évolution des températures et des précipitations dans leur secteur d’ici 2030. La coopérative formera ses techniciens à « l’indice de régénération » permettant de mesurer la transition agro-écologique d’un système.
Tout est donc compliqué dans les différents secteurs de la production agricole avec le réchauffement climatique. D’une année sur l’autre, de longues périodes de sécheresse peuvent suivre des excès de pluie, tandis que les gelées printanières, après un hiver très doux, provoquent des dégâts considérables sur les cultures comme la vigne, les arbres fruitiers, le maïs qui vient de germer et certaines cultures maraîchères. C’est aussi pourquoi « l’assurance récolte » sera systématiquement indispensable dans les années à venir. Mais ils ne peuvent être financés par les seules cotisations des opérateurs. Ils devront être subventionnés par le budget de l’Etat ; nous voulons agir efficacement en faveur de la souveraineté alimentaire dans un pays comme la France.