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quand l’histoire entre dans la campagne des élections législatives

FIGAROVOX/TRIBUNE – Qu’on parle de « purges staliniennes » ou qu’on rappelle constamment les années 1930 pour diaboliser le Rassemblement national, l’histoire n’a jamais été aussi exploitée que dans cette campagne législative, explique l’historien Loris Chavanette.

Loris Chavanette est historien, spécialiste de la Révolution française. Il a notamment publié Mirabeau, le 14 juillet. La vengeance du prisonnier (Tallandier, 2023) et La tentation du désespoir (Plon, 2024).


Emmanuel Macron a donné le coup d’envoi des JO politiques. En réaction à cette accélération du temps politique, qui rétrécit et néglige tout, chaque camp tente de s’organiser. « Nous devons bâcler la révolution» dit Danton. A gauche, on n’a pas oublié les conseils de la tribune populaire. En effet, le « nouveau Front populaire » à peine fondé est déjà en proie à l’anarchie et aux divisions internes avec la « purge » au sein des Insoumis dénoncée par Clémentine Autain, en référence aux purges staliniennes certainement plus violentes et liberticides que celles des Insoumis. une non-inauguration. Mais l’histoire est-elle encore une boussole à notre époque ?

Il n’y a pas si longtemps encore, France Culture proposait un long entretien avec les candidats à l’élection présidentielle pour découvrir ce qui les anime et les inspire dans notre passé. Ce moment d’échange radiophonique est désormais terminé, même s’il a permis à chacun d’exposer ses références sur les ondes publiques. Ainsi, lors de la campagne de 2017, pragmatique et volontairement modéré, l’actuel président a décrit les valeurs de celui qui, selon lui, incarnait parfaitement le « roman national » français : aspiration à l’universel, espoir dans le progrès, amour du politique. liberté. Mais rien de tout cela n’existe aujourd’hui pour les autres dirigeants politiques, même si l’histoire est redevenue un sujet de société et que chaque parti politique est appelé à se positionner par rapport à notre patrimoine pour proposer une voie.

C’est d’autant plus vrai que le Rassemblement national est « diabolisé » tant pour ses idées que pour ses origines historiques. Loin de légitimer ce parti, l’histoire au contraire le délégitimerait absolument, le condamnant à rester en marge du champ républicain. Dans ce cas, l’histoire a une fonction mémorielle d’ostracisme symbolique : en rappelant le passé et les crimes de l’extrême droite d’hier, nous pointons un indice accusateur sur celui d’aujourd’hui. Faut-il condamner par principe ce processus politique convoquant les faits historiques les plus objectifs, au prix d’une inévitable instrumentalisation de l’histoire ? Rien n’est moins sûr puisque chacun a bien sûr le droit d’évoquer librement le passé. Il y a cependant plusieurs exigences à respecter.


Il est nécessaire d’adopter un regard critique à l’égard de toutes les parties, et non d’une seule.

Loris Chavanette

Premièrement, il appartient aux historiens d’examiner l’exactitude des convocations passées des hommes politiques. La communauté scientifique et les journalistes doivent continuer à opposer des arguments aux envolées lyriques de certains. Cela permettrait même aux partis ayant un héritage difficile de s’amender. Avec le cas du Rassemblement National, il est indéniablement positif qu’il ait fait sa transformation historique dans le sens d’une volonté de normalisation, avec l’exclusion notamment de Jean-Marie le Pen, justement en raison de son départ de la route anti- Sémitique. Cette volonté de normalisation a même été reconnue à plusieurs reprises par Serge Klarsfeld, le chasseur de nazis.

Ensuite, le parti mis au pilori doit avoir la liberté de répondre aux accusations historiques portées contre lui. La meilleure configuration serait même celle où les différents représentants des mouvements politiques évoqueraient leurs modèles historiques et pourraient comparer leurs avis. Le danger est bien sûr celui d’une histoire à la carte alors même qu’un pays est la combinaison de multiples patrimoines auxquels il faut s’efforcer de donner un semblant d’unité. Pour diriger un pays au présent, il faut d’abord avoir digéré le passé. Cela nous sortirait même de la grisaille de l’inculture et du présentisme que nous traversons. La classe politique a encore besoin d’avoir la même culture générale qu’avant, ce dont on peut douter.

Enfin, troisième impératif, il faut adopter un point de vue critique sur toutes les parties, et non une seule. Les dés démocratiques seraient pipés si tel n’était pas le cas. Je pense bien sûr à l’impératif de critiquer aussi, à gauche, le Parti communiste français, membre de ce « nouveau Front populaire » à peine constitué. L’intelligentsia composée d’universitaires et d’éditorialistes entend également raconter les crimes du Parti communiste de Moscou (lié à Paris), responsable de tueries massives à l’Est et de millions de morts. En effet, que l’on fasse trois ou 30%, l’histoire est toujours la même ! Il est intellectuellement compliqué de ne pas évoquer avec la même acuité la singularité politique de la constitution d’un bloc à droite comprenant les Républicains et le Rassemblement national et l’alliance à gauche des socialistes avec les communistes (sans parler des Insoumis). , qui ont d’autres défauts comme la fascination de Jean-Luc Mélenchon pour les autocrates, comme Fidel Castro ou Hugo Chavez). Or, il y a peut-être une raison à cet aveuglement des élites françaises : c’est que les nazis ont occupé la France alors que les communistes ont grandement contribué à vaincre Hitler, tout comme la résistance communiste luttait contre Vichy.


Nous devons raconter ces histoires, toutes ces histoires, au nom de l’histoire des peuples, car les électeurs ont le droit de se voir sans cesse rappeler les blessures béantes de notre passé.

Loris Chavanette

Mais on oublie trop souvent que c’est essentiellement la géographie qui explique que la France n’ait jamais été envahie par les blindés de Staline, tandis que les anciens pays de l’URSS, désormais souverains et indépendants, n’ont pas oublié la poigne de fer des communistes chez eux. Il suffit de visiter le Musée de la Terreur à Budapest pour se rendre compte du joug de cette autre dictature de l’Est, qui partage avec le fascisme le même précédent totalitaire en Europe. Nous ferions bien de faire preuve de solidarité, historiquement, avec nos voisins et alliés européens, avec lesquels nous entretenons des relations au sein de l’Union européenne. Le traumatisme est double au XXe siècle. Aurait-on l’amnésie des purges staliniennes, et c’est toujours le même parti communiste qui persiste en France, autrefois solidaire du Goulag, après qu’il ait été révélé aux yeux du monde par Alexandre Soljenitsyne.

Par souci de mémoire, rappelons ces paroles de l’immense écrivain russe, qui ouvraient sa monumentale histoire de L’archipel du Goulag : « Les mêmes mains qui nous ont menottés, aujourd’hui, conciliantes, nous offrent la palme : « Non ! Il ne faut pas remuer le passé !… Celui qui parle des temps passés, qu’on lui arrache l’œil !…» Mais le proverbe se termine ainsi : «Et celui qui l’oubliera, qu’on lui enlève les deux !»

Le communisme n’a jamais eu son propre procès à Nuremberg. Aujourd’hui, il faut donc regarder les œuvres historiques de Thierry Wolton pour se rendre compte du coût humain des politiques communistes, ou aller au cinéma pour voir le film choc Rencontre avec Pol Potsélectionné au Festival de Cannes et révélant les horreurs et le fanatisme des Khmers rouges du Cambodge.

Nous devons raconter ces histoires, toutes ces histoires, au nom de l’histoire des peuples, car les électeurs ont le droit de se voir sans cesse rappeler les blessures béantes de notre passé. Aujourd’hui en Europe, plus que jamais depuis des décennies. De plus, le débat n’en sera que plus riche et fructueux. Mais sommes-nous encore capables de tirer les leçons de l’histoire ? Il a l’avantage de montrer la réalité du futur des aventures politiques, dont les plus romantiques tournent souvent au cauchemar.

Ray Richard

Head of technical department in some websites, I have been in the field of electronic journalism for 12 years and I am interested in travel, trips and discovering the world of technology.
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