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quand l’Europe se prive d’un trésor de guerre russe

quand l’Europe se prive d’un trésor de guerre russe

C’est un trésor qui pourrait bien aider l’industrie européenne de défense, en plein effort de guerre… Titres financiers, avoirs des oligarques, entreprises immobilisées par la loi. Au fil des 13 paquets de sanctions adoptés par l’Union européenne, Bruxelles a amassé d’énormes sommes d’avoirs russes : ils sont gelés, donc tout mouvement, vente ou utilisation est strictement interdit. Leur profil est diversifié, avec au départ plus de 20 milliards d’euros de maisons, bateaux, immeubles appartenant à des oligarques, ces hommes d’affaires soupçonnés d’être liés à l’effort de guerre.

A cela s’ajoutent les possessions des entreprises russes en Europe, et surtout les actifs de la banque centrale russe : obligations, titres financiers divers, voire or stocké un peu partout… Environ 200 milliards d’euros, dont près de 135 dorment en Belgique, au sein de la société Euroclear, spécialiste des virements internationaux.

Quantifier et tracer ces actifs est difficile… A fortiori, les saisir aussi… Les Européens ont en effet peur de créer un précédent qui pourrait effrayer les investisseurs étrangers, qui pourraient craindre de violer notre Etat de droit et de s’exposer à des sanctions. Ce que rappelle Karel Lannoo, directeur du Center for European Policy Studies, un groupe de réflexion bruxellois :

« Nous voulons défendre un cadre juridique très ferme, très clair, mais en attendant il y a d’autres Etats qui voient ce que nous faisons et qui commencent à avoir des doutes sur le système financier européen. Par exemple des Etats comme les pays du Golfe qui peuvent se disent : « Mais que se passe-t-il là-bas ? Nous aussi, nous allons explorer d’autres endroits pour mettre nos atouts ! »

Un cas concret : celui de l’Arabie Saoudite, déjà impliquée dans l’affaire de l’assassinat de Jamal Khashoggi, et qui pourrait voir d’un mauvais oeil une saisie de ces investissements en Europe.

Attractivité monétaire et vide juridique

L’autre enjeu économique de cette saisie concerne l’euro : selon les 27, saisir des avoirs russes le mettrait en danger, alors qu’il est aujourd’hui utilisé par de nombreuses banques centrales dans le monde comme réserve. , pour stabiliser leur taux de change.

Notre monnaie reste forte, deuxième derrière le dollar avec environ 20 % des réserves mondiales. Mais la Russie et la Chine s’en éloignent depuis plusieurs années et pourraient finir par attirer d’autres pays vers le yuan ou le rouble.

D’autant qu’au débat économique s’ajoute un débat juridique : Bruxelles n’a pas la compétence pour décider, tout se fonde sur le droit national. Et en France, par exemple, la loi instaure depuis 2016 « l’immunité des États ».

Le gel d’un bien est donc possible, dans le cadre du droit des sanctions, mais la saisie ne peut avoir lieu que si ce droit des sanctions est ouvertement violé. A Bruxelles, il va falloir être inventif. L’Estonie propose d’utiliser le registre des dommages infligés à l’Ukraine, mis en place l’année dernière par le Conseil de l’Europe, pour quantifier ce qui peut être saisi.

Une autre solution serait également d’accorder un prêt pour financer l’Ukraine, dont les avoirs gelés pourraient servir de garantie. Mais reste à savoir quelle institution serait compétente. En attendant, le gel pourrait durer longtemps : la France, par exemple, a détenu les avoirs lituaniens pendant près de cinquante ans, entre l’invasion soviétique et l’indépendance du pays en 1990.

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