quand l’Espagne et le Portugal se sont partagé le monde
Un palais dans la petite ville de Tordesillas, située sur le plateau de Castille au nord de l’Espagne, à une courte distance de la frontière portugaise. Dans la salle des cartes, les plumes crissent sur le parchemin, l’odeur de la cire chaude emplit l’air. Des hommes à l’air sérieux signent un document dont ils savent qu’il changera le monde.
L’événement ne donne lieu à aucune célébration. Ni banquet ni action de grâces ne sont organisés. D’ailleurs, on sait très peu de choses sur le déroulement de cette journée. La signature du Traité de Tordesillas, le 7 juin 1494, se résume à une simple procédure administrative. Ce qui semble difficile à croire étant donné son ampleur. Car par cet acte, les Espagnols et les Portugais se partagèrent le monde – à la fois le monde connu et celui qui restait à découvrir. Sans même les avoir rencontrés, les Européens clament que des dizaines de millions de personnes leur appartiennent. Le paroxysme du colonialisme.
A table, il manque un homme important, peut-être le plus important de ce jour-là : le pape Alexandre VI. Le tracé exact de la frontière ne l’intéresse pas – pour autant que les deux partis soient catholiques. Pour les monarques espagnols et portugais, il représente la plus haute autorité, il appose son sceau apostolique sur leur mégalomanie.
Le rôle crucial du pape
Mais comment ces deux pays ont-ils eu l’idée de partager la planète ? Cette histoire remonte à il y a quelques années. Au terme de siècles d’affrontements, la Reconquista, les chrétiens réussirent à chasser les Maures de la péninsule ibérique.
Les Espagnols sont en position de force : le couple royal, composé de la reine Isabelle de Castille et du roi Ferdinand d’Aragon, le Rois Catholiques (les rois catholiques), attaqua alors les Juifs, afin de les expulser eux aussi. Leurs navigateurs découvrent constamment de nouvelles terres. Et le pape leur a donné l’autorisation d’évangéliser le nouveau t