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quand le régulateur ignore la demande populaire

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En juillet dernier, l’ARCOM a renouvelé 13 fréquences de la TNT expirant en 2025. Sans préavis et sans autre explication, elle a exclu C8 et NRJ 12. Depuis, l’ARCOM n’a jamais vraiment justifié les raisons de son choix, se contentant de préciser qu’elle avait « notamment » basé sur « l’intérêt de chaque projet pour le public au regard de l’impératif prioritaire du pluralisme des courants d’expression socioculturels ». Une justification pour le moins vague, laissant libre cours aux interprétations, aux raccourcis et aux spéculations les plus folles.

Au premier rang de celles-ci figure l’hypothèse, largement reprise par les détracteurs de C8 ou par ses défenseurs, d’une sanction contre une chaîne mise en demeure à de nombreuses reprises et condamnée à payer 7,6 millions d’euros d’amende. Simple et efficace, cette hypothèse a convaincu commentateurs et politiques de tous bords. Ainsi, ARCOM, outrepassant sans vergogne un principe fondateur de notre droit, non bis en idemse serait engagé dans une sorte de vendetta contre le groupe Canal+. Curieux raisonnement, puisque ses dirigeants ont payé la totalité des amendes infligées à C8 et il est très peu probable que le régulateur ait fait preuve d’une telle générosité avec la loi en vigueur.

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Deuxième hypothèse, moins simple et moins efficace à propager, celle défendue par ARCOM : les projets C8 et NRJ 12 ne répondraient plus aux attentes fixées par le régulateur en matière de « pluralisme des courants d’expression socioculturels » ou, moins, correspondent moins aux deux nouveaux projets portés par Ouest-France TV et Réels TV. Une bien maigre justification, d’autant que l’ARCOM a finalement choisi de ne pas sélectionner plus de candidatures qu’il n’y a de fréquences à pourvoir, soit les 13 dossiers automatiquement renouvelés et 2 nouveaux dossiers.

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On peut désormais s’interroger sur les leviers dont dispose ARCOM pour négocier avec les acteurs sélectionnés

Cependant, afin d’assurer une meilleure représentation du « pluralisme des courants d’expression socioculturels », n’aurait-il pas été plus judicieux de sélectionner davantage et ainsi stimuler la concurrence afin de pousser chaque candidat encore en course à exprimer au mieux son potentiel lors de la deuxième phase des négociations ? On peut désormais s’interroger sur les leviers dont dispose ARCOM pour négocier avec les acteurs sélectionnés, puisque ces derniers sont assurés d’être retenus. finalement. Difficile d’y voir clair dans cette stratégie dont la méthode va à l’encontre de toutes les procédures d’appel d’offres.

Au-delà de ces hypothèses peu satisfaisantes, se pose effectivement la question de la vision à long terme du régulateur concernant l’avenir de l’audiovisuel français en général et la gestion du domaine terrestre en particulier. Loin des polémiques réduites au « pour ou contre C8 », la décision ARCOM oblige au contraire à prendre du recul et à s’interroger sur l’avenir de la TNT, qui sera fragilisée par la disparition de deux de ses chaînes pionnières.

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Par sa couverture renforcée et la multiplication des chaînes, tant généralistes que spécialisées, la TNT s’est en effet imposée depuis 2005 comme le modèle télévisuel qui irrigue tous les territoires avec une offre de qualité pour un public qui n’a ni les moyens financiers ni les moyens techniques d’utiliser une autre offre audiovisuelle. Principal canal d’accès à l’information et au divertissement, accessible à tous les Français, de tous horizons et de tous âges, la TNT est porteuse d’une notion d’universalité qu’il nous est essentiel de préserver à l’heure où, soumise à une rude concurrence nationale et internationale de plateformes de streaming, l’offre audiovisuelle nationale doit s’adapter aux nouveaux enjeux.

La suspension de NRJ 12 et C8 risque d’entraîner une perte d’attractivité globale de notre offre audiovisuelle

Dès lors, comment conserver sa singularité et son audience tout en attirant de nouvelles cibles, à commencer par les jeunes, de moins en moins tournés vers la télévision et de plus en plus vers les contenus dits en streaming, si on exclut automatiquement deux chaînes populaires et généralistes ? Faut-il rappeler que, pour l’année 2023, le bloc des « chaînes récentes de la TNT » réunissait 33,8 % des parts d’audience, avec C8 en tête, tandis que les « chaînes historiques » étaient en tête avec 55,7 % ?

La suspension de NRJ 12 et C8, représentant à elles deux près d’un dixième des parts d’audience du bloc « TNT », risque donc d’entraîner une perte d’attractivité globale de notre offre audiovisuelle où la TNT reste déterminante car universelle. Rien ne garantit, en effet, que les candidats à leur succession obtiendront de tels scores, ni que le public attiré par ces deux chaînes ne se tournera pas naturellement vers d’autres contenus, rendus facilement accessibles par les télévisions connectées.

Dans ces conditions, comment justifier que, sans aucune étude d’impact et sur la seule base d’auditions, la décision ait été prise d’évincer C8 de TNT, dont elle était la première, avec ses 20 ans de savoir-faire, ses 400 emplois , ses investissements dans la production cinématographique et ses nouveaux programmes largement plébiscités ? Comment justifier que le régulateur, sans explication claire, frustre 3 millions de Français en faisant la sourde oreille à une large revendication populaire qui devrait pourtant être entendue par une institution censée agir dans l’intérêt du plus grand nombre ? Comment justifier, avant tout, la suspension de deux chaînes qui rassemblent une partie du cœur de cible que sont les jeunes, en leur offrant un minimum « généralement la télévision »essentiel à la transmission et donc à la pérennité de notre modèle télévisuel ?

Et si, finalement, derrière la décision de l’ARCOM, dont la portée n’est pas encore pleinement mesurée, se cachait le refus du régulateur de s’engager sur la pérennité de notre modèle audiovisuel et de la TNT ? Si ce n’était pas le cas, il n’aurait pas écarté d’un coup la chaîne la plus populaire et exclu C8, pourtant plébiscitée par le public, y compris les plus jeunes.


*Max Brisson est vice-président de la Commission de la culture, de l’éducation, de la communication et des sports du Sénat

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