Ironiquement, les deux derniers candidats de droite d’Emmanuel Macron, Michel Barnier et Rachida Dati, ont un passé plutôt compliqué…
En nommant Michel Barnier Premier ministre le 5 septembre 2024, Emmanuel Macron a voulu réussir un nouveau coup politique inattendu, dont il a le secret. Il fait aussi entrer à Matignon une très vieille figure de la droite, certes consensuelle, mais qui a une histoire avec bon nombre de personnalités politiques. Une histoire qui pourrait lui jouer des tours au moment de choisir ses futurs ministres. Cet ancien ténor de la droite, négociateur en chef du Brexit pour l’Union européenne, devra en effet soigner son casting, lui qui est chargé de former un gouvernement dans un contexte parlementaire périlleux, où plane la menace d’une motion de censure.
La nomination de Michel Barnier à Matignon ravivera de nombreux souvenirs. Parmi eux, celui d’une campagne électorale il y a 15 ans, où Michel Barnier s’était retrouvé contraint de faire équipe avec une autre figure de la droite, elle aussi ralliée récemment à Emmanuel Macron : une certaine Rachida Dati. En 2009, sous la pression de Nicolas Sarkozy, la ministre de la Justice avait dû accepter à contrecœur de figurer en deuxième position sur la liste UMP conduite par Michel Barnier pour les élections européennes en Île-de-France.
Une alliance imposée par l’Élysée qui n’a pas ravi les deux intéressés. Rachida Dati, étoile montante du sarkozysme, n’a pas voulu quitter le gouvernement après seulement deux ans place Vendôme. Quant à Michel Barnier, député européen de longue date, il a dû composer avec ce nouveau venu parachuté à ses côtés.
Barnier, Dati : une campagne compliquée
Le tandem hétéroclite se voulait symbole de la diversité voulue par Nicolas Sarkozy : lui l’élu expérimenté, sérieux et parfois un peu pâle des Alpes, elle la jeune ministre au tempérament explosif, d’origine maghrébine et ayant grandi dans une ville de Bourgogne. Leur association participait aussi d’un calcul politique de l’Élysée pour booster une liste UMP menacée par la concurrence du MoDem et de la gauche à l’époque. Il fallait enfin et surtout évincer une ministre de la Justice qui accumulait les critiques du monde judiciaire, fustigeant sa « méthode », son autoritarisme à la Chancellerie et ses réformes menées à vive allure…
Durant la campagne, Rachida Dati sera soumise à un procès de nonchalance après des déclarations où elle ne semblait pas vraiment concernée par l’UE et ses aventures. Quant à Michel Barnier, il aura du mal à exister face à la médiatisation de ses colistiers. Leur image restera durablement floue, l’aventure européenne se transformera en chemin de croix.
Rachida Dati peut-elle être maintenue au gouvernement par Michel Barnier ?
Pourtant, le 7 juin 2009 au soir, la liste Barnier-Dati l’emportera largement en Île-de-France, avec 29% des voix. Elue députée européenne, Rachida Dati se sentira enfin autorisée à savourer sa victoire et à mettre un orteil (un seul) dans le grand bain européen, même si elle quittera le gouvernement à regret. Michel Barnier reviendra à Bruxelles, auréolé de ce succès, poursuivant son parcours de forçat européen.
Quinze ans plus tard, Rachida Dati, qui avait fait son dernier coup d’éclat en janvier en étant nommée ministre de la Culture par Emmanuel Macron, pourrait bien trouver Michel Barnier sur sa route. Ironie du sort, ce sera à Michel Barnier de décider de l’avenir de son ancien colistier au gouvernement. Car l’Élysée a pu laisser entendre ces dernières semaines que Rachida Dati, démissionnaire depuis la défaite de la majorité aux législatives, pourrait être reconduite. Une hypothèse qui rappelle étrangement la pression exercée autrefois par Nicolas Sarkozy pour les jumeler sur une liste européenne.
GrP1