Quand le ministre de l’Industrie vient saluer la réussite japonaise made in France
Il aurait pu se rendre à l’usine Renault de Douai, à 70 km de là. Mais c’est à Onnaing, près de Valenciennes, que Marc Ferracci, le ministre chargé de l’Industrie, a décidé de s’arrêter ce 26 novembre pour célébrer la 5 millionième Toyota Yaris qui sort des chaînes de cette unité japonaise du nord de la France.
Un curieux paradoxe ? il s’agit plutôt d’un pragmatisme comptable. Le site Toyota produit aujourd’hui la voiture la plus fabriquée en France (la Yaris) et, en 27 ans d’existence, Onnaing est devenue l’usine qui a produit le plus de voitures dans tout le pays, l’an dernier, avec 274 000 citadines japonaises, et leur Variantes du SUV Yaris Cross. Un chiffre qui devrait être battu cette année pour atteindre 280 000 unités.
Situation géographique haut de gamme et exceptionnelle
Sauf que depuis près de trois décennies, Onnaing est un mystère économique. Quand Renault, comme Stellantis, expliquent à longueur d’année que leurs petites voitures ne peuvent pas être fabriquées en France, pour une question de coût, et surtout de coût de la main d’œuvre, Toyota démontre le contraire.
Alors que les Clio 5 sont turques, les 208 slovaques et marocaines, et que la prochaine Twingo électrique sera évidemment assemblée en Slovénie, les deux patrons français de l’automobile, Carlos Tavares et Luca de Meo, expliquent que rapatrier la fabrication de leurs petites voitures en France exploser les compteurs. Soit. Mais Valenciennes serait-elle protégée par un microclimat économique ou la rémunération des 5 000 salariés de Valenciennes serait-elle inférieure à celle du reste de la France ?
Bien sûr que non. L’explication est ailleurs. Il y a quelques années, Didier Leroy, à l’époque patron du site et aujourd’hui président du conseil d’administration de Toyota Motor Europe, nous donnait deux raisons pour implanter cette usine en France : « électricité bon marché et situation géographique ». Si l’énergie française a nettement augmenté, et a rattrapé les prix européens, la situation exceptionnelle d’Onnaing reste la même.
Parce que l’usine est l’une des mieux desservies de France par la route et la voie fluviale. La liaison, via le canal Seine Nord, assure déjà le transport vers le sud de la France et desservira bientôt tout le Benelux, ce que font déjà les autoroutes vers la Belgique et la Hollande, mais aussi vers l’Allemagne et la Grande-Bretagne. Bretagne via le tunnel sous la Manche.
Mais à cette localisation idéale s’ajoute une stratégie industrielle gagnante. Depuis plusieurs années, la Yaris et son amie Cross existent principalement avec une motorisation hybride. Cette focalisation sur un seul moteur réalisé par l’ensemble de la marque simplifie le montage, même si une quantité négligeable de Yaris 100% thermique de 70 ch persiste.
De plus, et jusqu’à aujourd’hui, ses 87 g l’exonèrent de malus. Sauf que 24 450 euros pour une citadine, ça coûte cher. Et à ce prix-là, ce n’est pas facile de vendre. Toyota réussit cependant grâce à son expérience inégalée en hybridation, et à une réputation de fiabilité entretenue depuis des années. Résultat : quand la Renault e-tech hybride de 145 ch représente un tiers des ventes totales de la citadine losange, Toyota vend 82 % de sa Yaris en hybride. Au final, les marges s’en ressentent, plus élevées pour les Japonais, et, in fine, elles permettent de payer les salaires français. La marque japonaise domine également les constructeurs français dans toute l’Europe. Le ministre, en marge de son déplacement à Valenciennes, a expliqué en vain que «Nos industriels peuvent gagner dans la compétition mondiale, si nous leur permettons de jouer sur un pied d’égalité», ces armes sont plus ou moins affûtées d’un fabricant à l’autre.
Où sera assemblée la petite Toyota électrique ?
Mais la martingale de Toyota à Onnaing n’est peut-être pas éternelle. Que va-t-il se passer à l’approche de l’échéance de 2035 et de son obligation de produire uniquement du 100 % électrique en Europe ? Attente. D’autant que Toyota annonce son premier petit électrique, le BZ1, après le plus gros SUV BZ4X. Cette citadine devrait être présentée l’année prochaine, mais la marque suggère qu’elle soit fabriquée au Royaume-Uni, en Turquie ou en République tchèque. Mais pas à Onnaing, même si, comme pour la Yaris, l’Europe constitue son premier marché. Une situation géographique exceptionnelle ne sauve pas tout.