« Quand le débat public se transforme en événement »
Les nouvelles les plus importantes de la journée

« Quand le débat public se transforme en événement »

« Quand le débat public se transforme en événement »

FIGAROVOX/TRIBUNE – Le drapeau palestinien brandi à l’Assemblée par un député LFI montre que le débat public a dégénéré pour laisser place à une haine excessive, qui transforme le dialogue contradictoire en guerre des images, regrette le chroniqueur et consultant Michaël Sadoun.

Michaël Sadoun est chroniqueur et consultant.


Depuis la frappe israélienne sur un dépôt d’armes à Rafah qui aurait causé la mort de 45 civils à proximité (selon les chiffres du ministère de la Santé à Gaza, sous l’autorité du Hamas, et donc soumis à la prudence), le débat public français a s’enflammer à nouveau sur la question israélo-palestinienne.

On ne se demandera pas une fois de plus pourquoi ce conflit suscite tellement plus d’intérêt de la part des Occidentaux que la guerre civile au Yémen ou le conflit au Congo, dont le bilan s’élève à des millions de morts. Il faut considérer comme normal le fait que les yeux du monde entier soient exclusivement tournés vers le seul État au monde dont les réponses contre le terrorisme sont conditionnées à l’absence de victimes collatérales, et qui, par hasard, est aussi le seul État juif au monde. planète.

Au-delà de cet intérêt anormal mais qui n’a rien de nouveau, constatons qu’en l’espace de quelques jours le débat public a complètement dégénéré pour laisser place à une haine excessive qui transforme le dialogue contradictoire en une guerre d’image et de faits spectaculaires. La brandie du drapeau palestinien par le député LFI Sébastien Delogu à l’Assemblée nationale en est la preuve, tout comme l’arrivée en keffieh de la députée Sabrina Sebaihi aujourd’hui. Sans oublier le partage massif du slogan « tous les yeux rivés sur Rafah » (39 millions de stories Instagram), ou encore le scandale de David Guiraud contre Meyer Habib dans la salle des quatre colonnes.

Comment pourrait-il en être autrement? A partir du moment où les partisans d’Israël sont accusés de soutenir rien de moins qu’un « génocide », tout débat apaisé devient impossible car on ne discute pas avec un génocidaire. Ainsi, la question israélo-palestinienne devient un champ de bataille, un refuge communautaire, un outil de recrutement, une libération pour les sans instruction.

Cette émotivité excessive du débat public, qui mènera au pire, ne doit pas nous empêcher de dresser une nouvelle fois un constat clair sur la situation.


Tout le monde peut aspirer à une « solution à deux États », et j’y suis moi-même favorable. Mais expliquer que cette solution à deux États n’est empêchée que par le gouvernement israélien est un non-sens.

Michel Sadoun

Tout d’abord, chacun a le droit d’être ému par la situation à Gaza. La mort d’une population non armée, née dans le régime totalitaire dirigé par le Hamas et finissant sous le feu des bombes, témoigne de l’humanisme le plus élémentaire. Les images qui nous parviennent sont déchirantes pour tout le monde, mais elles n’épuisent pas la question de savoir qui en est responsable.

La précipitation avec laquelle les militants pro-palestiniens se sont jetés dans la récente tragédie de Rafah avec seulement le bilan établi par le Hamas et sans aucune enquête factuelle est affligeante. Une fois de plus, ceux qui sont bouleversés par cette situation sont-ils dispensés de comprendre le déroulement exact des événements ? Ils peuvent malheureusement compter sur le soutien d’une jeune génération à laquelle les réseaux sociaux et la bêtise générale ont habitué à réagir avec émotion. On rappellera simplement que le même émoi a été provoqué par le bombardement de l’hôpital Al-Ahli, avant que la communauté internationale ne découvre enfin qu’il était le résultat d’une roquette tirée par le jihad islamique et tombée sur le parking. a déclaré l’hôpital, le bilan passant de 500 victimes à une vingtaine.

Tout le monde peut également réclamer un cessez-le-feu immédiat, qui épargnerait des vies civiles et de nouvelles violences. Mais là encore, les vœux pieux ne peuvent remplacer la rationalité nécessaire à leur réalisation. Les trois propositions de cessez-le-feu conditionnées au retour des otages formulées depuis le 7 octobre ont été refusées par le Hamas, qui continue par ailleurs de tirer quotidiennement ses munitions (11 000 roquettes pendant 8 mois) sur de grandes villes israéliennes, ce qui aurait entraîné la mort de centaines de personnes. des milliers de civils sans la protection du système « Iron Dome ». Cependant, alors que la paix ne peut être décidée que par deux personnes, la guerre qu’Israël mène contre un ennemi qui veut toujours son anéantissement nous est présentée comme un massacre unilatéral. Les Occidentaux qui réclament un cessez-le-feu toléreraient-ils le risque de laisser la moitié d’une organisation terroriste responsable d’un massacre massif de populations civiles à leur frontière ?


L’engagement politique n’interdit pas l’émotion, mais la complexité du conflit au Moyen-Orient nous impose d’avoir un « cœur intelligent ».

Michel Sadoun

Enfin, chacun peut aspirer à une « solution à deux États », et j’y suis moi-même favorable. Mais expliquer que cette solution à deux États n’est empêchée que par le gouvernement israélien est un non-sens. Le processus d’Oslo a été suspendu autant par l’assassinat de Rabin que par les profonds désaccords sur la question de Jérusalem et par les attentats suicides hebdomadaires de la deuxième Intifada qui ont fait plus de 700 morts parmi les civils en Israël dans les premières années. 2000.

Par ailleurs, quel interlocuteur privilégié nous offrent ceux qui prescrivent la paix sans remettre en cause les conditions de sa réalisation ? Est-ce le Hamas, organisation terroriste incluant dans sa charte la destruction d’Israël, ou le Fatah, dont le président autocratique Mahmoud Abbas a justifié la Shoah en février 2023 par « le lien entre les Ashkénazes et l’argent » ?

L’engagement politique n’interdit pas l’émotion, mais la complexité du conflit au Moyen-Orient nous impose d’avoir un « cœur intelligent ». Être ému par le sort tragique d’enfants palestiniens innocents, oui, mais pas en rendant Israël seul responsable de cette situation. Ni en accusant de génocide un État embourbé dans la guerre depuis sept mois précisément pour éviter le massacre de masse qu’auraient permis des bombardements aériens sans sommation. On peut enfin pleurer les victimes innocentes, mais pas aux côtés des déchireurs d’affiches à l’effigie des otages, des élus qui qualifient les Juifs de « dragons célestes » ou des tagueurs antisémites qui depuis le 7 octobre multiplient les propos antisémites. actes. à un niveau jamais vu depuis des décennies.

Quitter la version mobile