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Quand la science prend le paranormal au sérieux

Quand la science prend le paranormal au sérieux

Histoire d’un concept. « Tout est sensible ! Et tout ce qui fait ton être est puissant. »s’exclame l’écrivain Gérard de Nerval (1808-1855) dans son recueil Les Chimères. Cent soixante-dix ans plus tard, la réalisatrice italienne Alice Rohrwacher se place au centre du récit de son film La Chimère (2024) ce qu’elle définit comme « Le naufrage d’un héros romantique » :un magnétiseur guidant un groupe de pilleurs de tombes en Italie dans les années 1980. Même titre, même sujet, mais le rapport à ces forces telluriques invisibles a évolué, passant des poètes oniriques et des salons ésotériques à une production cinématographique.

Une trajectoire qui illustre l’intérêt croissant autour de la notion de « mondes invisibles ». Dans sa définition traditionnelle,« invisible » – emprunté au latin tardif invisible – Est « le domaine de ce qui ne peut être vu ou perçu clairement, de ce qui échappe à la connaissance sensorielle » (Dictionnaire de l’Académie française). Cette notion s’apparente à l’allégorie de la caverne de Platon : selon lui, derrière la matérialité apparente du monde existe une autre réalité, à laquelle les êtres humains n’ont pas accès.

En fait, le désir de révéler l’invisible, de se connecter à lui, structure presque tous les systèmes de croyances. « Certaines réalités dont témoignent les fidèles, comme le divin et les esprits, dépassent l’ordre du visible et de l’être.souligne le philosophe Mohamed Amer Meziane, auteur deAu bout des mondes (Vues de l’esprit, 2023). Il n’y a pas que des mondes, mais aussi ce qui se trouve à leurs limites : des surmondes – comme les dieux ou les anges – et des réalités intermédiaires, comme des lieux de rêve.

« Plusieurs rationalités »

Longtemps bafouées au nom du rationalisme, ces croyances en l’existence de mondes invisibles sont remises sur la table par des sociologues, des anthropologues et des philosophes qui entendent les prendre au sérieux. « Loin de rejeter le rationalisme au nom de l’invisible, je défends l’idée qu’il existe plusieurs rationalités. La raison n’est pas seulement la technoscience qui domine aujourd’hui : un autre modèle de rationalité est possible. »défend Mohamed Amer Meziane.

Les pratiques censées permettre le contact avec ces mondes invisibles existent depuis la nuit des temps : invocations, prières, rites, sorcellerie, magnétisme, astrologie, médiumnité… L’invention de la photographie au XIXe siècleet siècle, témoigne aussi de cette volonté de rendre visible l’invisible : les médecins tentent de capter une trace matérielle des rêves de leurs patients, tandis que les passionnés du paranormal entendent mettre en évidence la présence de fantômes, relate l’anthropologue Grégory Delaplace dans son dernier essai, La voix des fantômes (Seuil, 268 pages, 22 euros).

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