Mercredi 29 mai, le ministère de l’Éducation nationale a réuni les syndicats pour présenter le projet de texte sur la réforme de la formation initiale des enseignants et des CPE. Plusieurs organisations syndicales – les syndicats FSU et la CGT Éduc’Action – ont quitté la réunion pour marquer leur désapprobation. Cette réforme, dont les principales caractéristiques ont été « fuitées » il y a quelques mois, syndicats et personnels de l’INSPE se mobilisent depuis des semaines pour la dénoncer. Pourtant, la rue de Grenelle semble choisir de forcer le passage. Encore un qui ne surprend plus.
Obligation de service de quatre ans
Si les retards sont largement dénoncés par les organisations syndicales et les personnels de l’INSPE, c’est aussi la réforme elle-même qui inquiète. Dans le projet de texte que le Café Éducatif a pu consulter, on découvre par exemple à l’article 8-1 que les lauréats du concours, dès leur titularisation, donc après leurs deux années de formation, disposeront de quatre ans pour s’institutionnaliser. » En cas de manquement à cette obligation, les intéressés doivent, sauf si ce manquement ne leur est pas imputable, ou s’il fait suite à la réussite d’un concours leur permettant d’accéder à un autre organisme ou cadre d’emploi, verser au Trésor une somme dont les modalités de calcul sont déterminées par arrêté du ministre chargé de l’éducation nationale et du ministre chargé du budget « . » Une obligation d’engagement de quatre ans dans la Fonction Publique » ce qui ne doit pas mettre fin à la crise d’attractivité des métiers enseignants, s’agace la CGT Éduc’Action qui s’alarme du » incertitudes juridiques de cette réforme » et dénonce « l’attaque contre le statut de la Fonction Publique qui constitue le statut des étudiants stagiaires en M1 « . Les étudiants qui recevraient une prime » bien qu’ayant obtenu un concours de la fonction publique et n’aurait pas le statut de fonctionnaire stagiaire « . » Comment les étudiants peuvent-ils évoluer vers le métier d’enseignant et de CPE quand, après avoir réussi le concours, ils se verront attribuer 900 euros par mois et devront s’engager pendant quatre ans auprès de l’Éducation nationale, alors qu’avant les lauréats recevaient un salaire de 1 800 euros ? » » » demande le FSU.
Quant à l’université, elle n’apparaît pas du tout dans le projet de texte. Aucune occurrence du mot université sur les 42 pages. Le texte évoque en revanche à plusieurs reprises des formations mises en œuvre par « organismes de formation « . Un signe de l’arrivée du secteur privé sur le marché de la formation des enseignants ?
Une pièce de puzzle
Guislaine David, porte-parole du FSU-SNUipp, est très inquiète. » Cette réforme est à considérer avec toutes les dernières annonces. Tout un système a été mis en place. Je ne peux m’empêcher de penser au livre de Xavier Pons où il parle d’énigmes accélérées. Avec toutes ces dernières réformes, nous commençons à discerner un paysage général « .
Et de fait, lorsque l’on additionne les différentes réformes annoncées ces derniers mois, c’est l’ensemble du système scolaire qui semble attaqué. Le choc de la connaissance, ce sont aussi les nouveaux programmes, qui « sont terribles car ils établissent un minimum de connaissances », c’est le brevet qu’il faut avoir pour aller au lycée, c’est la généralisation du SNU, c’est le port de l’uniforme… «Quand Gabriel Attal explique que la fin des corrections, c’est pour que les taux de réussite au Brevet et au Bac soient plus sincères, il dit finalement que les 80% d’une tranche d’âge qui ont le bac, ce n’est pas si important. . Le projet est de mettre de côté une partie de la jeunesse. Une forme de désir que tous les étudiants n’accèdent pas à des postes élevés, à des postes de pouvoir. C’est la question de l’émancipation de tous les jeunes qui est remise en cause « .
Et selon le secrétaire général du FSU-SNUipp, la réforme de la formation continue complète ce tableau, c’est une nouvelle pièce du puzzle. » Le terme 21e siècle n’est pas anodin. Le projet de ce gouvernement est de modeler la formation des futurs enseignants sur ce qui se faisait il y a 100 ans. Nous les formerons aux mathématiques et au français, cachant toute la richesse et la polyvalence du métier d’enseignant des écoles. On oublie que l’école primaire se nourrit de toute la diversité des enseignants qui y travaillent. On voit implicitement cette idée que l’enseignant n’a pas besoin de réfléchir mais simplement d’appliquer une méthode fournie clé en main par la hiérarchie. Utilisation de manuels labellisée et les évaluations nationales chaque année s’inscrivent dans cette logique »
Les nouvelles formations destinées aux métiers de l’enseignement et des futurs CPE devront être mises en œuvre dans trois mois. Trois mois pour que l’INSPE change tout son modèle, trois mois pour que les étudiants choisissent une formation dont ils ne comprennent pas vraiment les contours. Si la pénurie de candidats inquiète – un tiers de la profession prendra sa retraite d’ici 2030 – justifie-t-elle une telle précipitation ?
Lilia Ben Hamouda